mercredi 21 juin 2017

Interview de Lionel DAVOUST Tome 6




Voici déjà le tome 6, 
vous pouvez retrouver le début de l'interview ici: 



© Elyra C.


Moi, moi, moi… 

Bon sang, mais qu’est-ce que c’est que ce bruit ? C’est drôle. Ça rappelle les mouettes de Nemo, mais sans le « à » devant. Ça couine et ça piaille, et on dirait même que c’est prêt à rigoler, sans jamais franchir le pas. Une espèce de fausse modestie de pacotille.

Moi, moi, moi… 

Sacré p! de b! de m!, mais d’où ça vient ? C’est continu, tant que je bosse, que j’écris, que je tape. Attends, si je m’arrête un instant d’écrire ce petit texte… Ah, oui, ça s’arrête. Ça fait du bien quand ça s’arrête. Mais là, ça ne s’arrête pas, puisque je tape encore.

      Moi, moi, moi… 

Minute.

Ah, ben oui. Ça vient effectivement de mon… clavier. WTF ? Il est abîmé ou quoi ? Hier, il faisait un bruit parfaitement normal. Et si j’écris autre chose… ? Et puis que je reviens ici… ?

    Moi, moi, moi… 

Fichtrefoutre, alors ça, c’est vraiment bizarre. C’est uniquement en écrivant cette présentation pour Book en Stock que ça me le fait. Dis-donc, le clavier, tu te ficherais pas un peu de ma tronche ?

   Moi, moi, moi… 

Ou… quoi ? Tu me préviens ?

Me préviendrais-tu que toute présentation d’un auteur par lui-même est un exercice éminemment paradoxal, risqué même, car l’écriture est l’une des disciplines où l’individu s’efface le plus derrière l’œuvre, mais où, pourtant, l’ego est le plus développé, car il faut une persévérance digne des plus grandioses mégalomanies pour passer des centaines d’heures sur un même récit, dans une solitude quasi-absolue, et penser malgré tout qu’au bout du compte, ça intéressera quelqu’un ? Et que tu veux ainsi m’éviter de tomber accidentellement dans une logorrhée sans contrôle où, après quatre brouillons ratés, je risquerais d’ériger un monument à ma propre gloire avec la plus honnête des intentions, ce qui serait peut-être excusable, mais fortement gênant pour tout le monde, sans parler de l’ennui que cela ne manquerait pas de générer ? C’est ça que tu me dis, clavier ? Heureusement que je t’ai compris, dis ! Je suis bien content d’avoir regardé tant d’épisodes de Flipper quand j’étais môme, où les humains comprenaient comme par magie aux couinements du dauphin le fin mot de l’histoire trente secondes avant la fin de l’épisode et réglaient tout d’un coup.

Trente secondes, il se trouve que c’est exactement le temps qu’il me reste pour remercier Dup et Phooka de nous héberger tous collectivement pour ce mois. Car cela me touche beaucoup et me fait très plaisir que nous puissions nous rencontrer et discuter ainsi. Merci !

Et je suis bien content aussi, finalement, d’avoir ce clavier qui couine. J’espère arriver à t’écouter aussi longtemps que possible, copain. Tiens, voilà une sardine !
Hum.
Bien. Super. Non, mais, OK, d’accord.

Maintenant, il y a une sardine sur mon clavier. 






********************



Olivier BIHL :


Et bien pour de l’interview, c'est du lourd... entre la masse de questions très structurées et des réponses toute aussi fournies, on a intérêt à s'attacher au bastingage (et oui j'ai presque fini Port d'Âmes d'où cette fine utilisation de la métaphore marine lol ...) Ce qui me frappe dans tes récits, ce sont les détails et un vocabulaire d'une grande densité et des néologismes nombreux, j'avoue que je me perds parfois, à combien estimes tu ton propre champs lexical? un dictionnaire Davoust est-il prévu avec cartes, personnages, mythes? En ne restant que sur Port d'Âmes, c'est le registre de la littérature classique dans ses grandes thématiques (à la Racine ou Corneille et leur glorieux ancêtres grecs et latins) ; l'honneur avec un grand H, la morale, le rôle du Père.... bref est-ce que ces auteurs ont aussi eu ta faveur un moment ? Comme l'indiquait une des nombreuses questions précédentes, la poésie ... est importante dans ce Port d'Âmes, je connais peu d'auteurs de ton registre qui possède à ce point le sens de l'art poétique... as-tu des auteurs de prédilection sur ce créneau ?


Lionel :
Hey, content que tu passes un bon moment ici avec ce Mois de, si on discute, c’est pour le faire pour de vrai :) 

Quand tu parles de champ lexical, c’est autour d’Évanégyre ? Je n’en ai aucune idée, j’avoue. Je ne compte pas… Et je ne peux même pas te donner de compte, entre autres parce que je suis dans le processus de réorganiser et centraliser mes notes (plus de quinze ans de notes, argh) sous une seule et même forme cohérente fournie par l’informatique moderne. Quand j’ai besoin d’une information, je sais où aller la chercher entre mes différents systèmes, mais c’est loin d’être optimal, et tout remettre en forme est un chantier de long terme. 

Concernant un possible dictionnaire, je réfléchis depuis un moment à la possibilité de mettre un « compagnon » à l’univers en accès gratuit sur le site, une sorte de portail / wiki, mais je n’ai pas encore trouvé la bonne forme. En fait, j’ai deux contraintes principales : d’une part éviter de trop figer dans le marbre des choses que je veux laisser en friches, d’autre part éviter de spoiler – pardon, divulgâcher ;) Or, des tas de choses peuvent subtilement représenter des spoilers ; l’évolution d’une graphie, un changement de nom… Mais même, aussi, imaginons que je parle d’un mythe sur un tel portail, mais que je doive le redéfinir dans un récit parce que ça servirait à l’histoire – ne serait-ce pas lassant pour le lecteur qui connaît déjà ? Je veux que les récits soient, et restent, le cœur même de l’univers, et cela implique de bien réfléchir à la forme d’un tel « compagnon ». Je suis très méfiant, de manière générale, envers les « Annexes » des univers, et de fantasy tout spécialement. Je contrôle donc leur prolifération avec le plus grand soin (il y en a dans La Messagère du Ciel, mais ce sont davantage des aide-mémoire). 

Alors, ce qui est envisageable au stade actuel de la réflexion, c’est : une chronologie et un dictionnaire des termes de l’univers. Ça, c’est relativement peu risqué. Ensuite, à voir. Les seules cartes possibles seraient seulement locales (on peut imaginer celles de Port d'Âmes et de « Les Dieux sauvages », et je pourrais joindre les croquis de celle de La Volonté du Dragon). Et puis quelques articles en passant comme je l’ai évoqué dans les réponses précédentes sur la géographie, l’approche du monde, le répérage ? 

Sur la littérature classique : j’ai un rapport équivoque avec elle. J’ai été avant tout un enfant de la contre-culture et de la littérature populaire, et j’ai découvert, de mon propre gré, et pour le plaisir, les classiques assez tard, avec, disons, une impatience déjà bien formée. ;). Toutefois, oui, j’ai beaucoup d’admiration pour les dramaturges de la grande époque, surtout pour leur maniement époustouflant de l’alexandrin et la musique de la langue. J’ai toujours considéré cela comme des prouesses absolues. De même (mais deux siècles plus tard), je n’ai jamais réussi à aimer Hugo romancier (même si je lui rends mille fois hommage comme monstre sacré), mais Hugo dramaturge, Hugo poète, c’est extraordinaire pour moi. Et aussi Rostand, notamment avec l’Aiglon, qui m’a beaucoup influencé quant à ma vision de la guerre quand j’étais môme. 

« Vous regardez ce gris qui de bleu se ponctue,? 
Non. 
Que regardez-vous ? 
L’épingle qui le tue. »
(Tout ça parlant d’un papillon sur une planche de naturaliste. Comment ça déboîte. Ahem, pardon.)

Merci infiniment pour ton appréciation de la poésie de Port d'Âmes ! Pour les influences en la matière, j’en ai un peu parlé dans une question précédente, voici donc un complément, du coup : en langue française, ce sont effectivement plutôt les dramaturges qui me parlent. En fait, pour tout dire, en matière littéraire, je picore beaucoup ce qui m’intrigue çà et là plutôt que fouiller un domaine. (Ce qui me donne une culture que je considère toujours un peu lacunaire, pour être très honnête, je ne suis spécialiste de rien du tout, il y a juste des choses qui me parlent dans tous les horizons.)



Amarüel :


Bonjour Lionel ! J'aurai donc quelques lectures avant d'atteindre cette nouvelle dédiée aux Anges mais une certaine hâte me tient :)

Il est vrai que je n'ai à aucun moment remis en question la "véracité" des moments transférés... Hum... L'interprétation d'un événement est effectivement bien subjective, dans ce cas les émotions brutes ressenties par Rhuys lors des Transferts ne seraient qu'une interprétation pure de ce que la vendeuse a elle-même ressenti au moment de l'événement. Mais peut-on vraiment interpréter quelque chose que l'on n'a jamais connu ? Comment Rhuys fait-il pour interpréter l'obscurité, s'il n'a jamais expérimenté la chose ? Il ne ferait qu'extrapoler, non ? Le transfert, ces événements qui rentrent en écho avec les expériences du 'receveur' et qui viennent renforcer ou réveiller un sentiment enfoui en lui.

Ah oui et puis tu parles de magie mémorielle donc le transfert ne se limite pas qu'à un transfert de "données" émotionnelles mais s'accompagnent de fragments de mémoire. (Bon ça, j'en saurais plus avec les autres récits et reviendrait à la charge lors de salon ;))

/!\GROS SPOILE/!\

Donc quand Vibeka est quasiment catatonique à la fin du roman, elle a donné tous les événements qui l'ont construite. Elle doit 'redémarrer', mais dans ce cas est-ce seulement envisageable ? J'avoue n'avoir eu que peu d'espoir à la fin du récit la concernant. Son esprit en tant que Vibeka s'est disséminé aux quatre vents, elle 'est' présente dans tous les clients qui ont bien voulu d'un peu de tristesse et n'est plus dans ceux qui ont vite oublié. Pendant tout le récit c'est une mort déguisée que tu nous as dessiné la concernant ! RHAAAAAAAaaaaaaaa (bon d'accord son enveloppe corporelle demeure mais le personnage n'est plus, étant donné qu'il est impossible qu'elle redevienne elle-même).

Bon avec tout ça je n'ai pas vraiment posé de questions : Stranger Things, si tu as eu l'occasion de mater cette série, tu en as pensé quoi ? Ça change de Flipper, c'est sûr ! (rien à voir avec la choucroute donc).



Lionel :

Re ! Et : hmmm. J’aime beaucoup lire tes spéculations, c’est génial de voir que cela peut te faire réfléchir à ce point ! Mais là, si j’ai une idée très précise de comment ça marche, je pense que c’est le moment où je dois gracieusement m’incliner et sortir discrètement par la coulisse… Je pense que ces hypothèses appartiennent à l’investissement de chaque lecteur dans l’histoire, et il ne me revient pas de dire « c’est x ou y » dans ce contexte, de casser le jeu de la réflexion, qui est tout une partie du plaisir, je pense. Tu me diras si La Route de la Conquête t’a donné des éclairages complémentaires :) Et je reviendrai forcément encore à ces magies mémorielles, à Aniagrad ou ailleurs. À chaque fois, cela me permet de creuser davantage toutes ces questions, et de donner un tableau plus complet de la façon dont je les vois. 

Tout le monde me dit que je dois voir Stranger Things, mais je ne m’y suis pas encore mis ! En ce moment, je suis surtout dans la nouvelle saison de Twin Peaks que je suis religieusement (je suis un grand fan de la série d’origine, que j’ai vu lors de sa diffusion sur la 5 au fur et à mesure… ça nous rajeunit pas)



Phooka :
Bonjour Lionel,

Te verrais-tu (ou as tu déjà fait) écrire sur commande? Avec un sujet imposé, une trame décidée?

Et te verrais-tu écrire dans un autre domaine (qui ne soit pas SFFF ou thriller)? De la romance en Évanegyre ...



Lionel :

Ça dépend de ce qu’on appelle sur commande. Les sujets imposés, c’est le cas de la majorité des anthologies, et je le fais depuis des années, toujours avec plaisir ; parce que je vois la contrainte comme une façon de sortir de sa zone de confort, d’expérimenter des directions qu’on n’aurait pas forcément empruntées, et il en sort des choses très intéressantes, je trouve. Avec une trame ? Pourquoi pas, aussi. Un jour, on m’a proposé une novellisation de jeu vidéo, ce que j’ai dû décliner à mon grand regret pour cause d’agenda trop chargé. Mais ma première réaction a été « oui, super cool ! » 
En fait, le secret des thèmes, des trames, des commandes – et j’ai vu tous les vieux briscards le faire –, c’est de conserver suffisamment de marge de manœuvre pour s’approprier la contrainte et en faire quelque chose d’hybride, qui puisse t’appartenir réellement ; de la « subvertir » pour qu’elle devienne la tienne et que tu sois content du tour que tu lui donnes. Orson Scott Card en donne un excellent exemple dans l’adaptation d’Abyss, c’est réellement un objet « roman », qui fait des choses que seul un roman peut faire, au lieu d’être un bête décalque du film. Une trame, un thème, doit fonctionner à mon sens de la sorte : c’est une boîte de Lego dont on va faire quelque chose qui nous appartient, avec les briques qui sont fournies. 

De manière générale, oui, je suis prêt à écrire des tas de choses, même si je gravite toujours vers l’imaginaire de façon plus ou moins prononcée. J’ai quelques idées de romans de littérature blanche (bon, OK, je triche, de réalisme magique) depuis un moment. Mais je pense qu’il me faut toujours une trame avec des enjeux forts, un univers narratif qui surprenne et qui stimule, et une véritable histoire. Pour moi, selon mes codes et mes goûts, ça ramène toujours à la SFFF de près ou de loin, potentiellement hybridée ou méconnaissable, mais avec un jeu sur le réel. Le truc que je ne me vois absolument pas écrire, c’est toute cette littérature blanche très en vogue en ce moment, celle qui se regarde le nombril en parlant de la mort de son grand-père pendant 150 pages en marchant dans l’herbe et en regardant les nuages. À moins d’un immense talent, c’est pour moi l’expression même de la vacuité, ça me donne envie d’aller mourir aussi, alors je ne crois pas que je pourrai réussir à y intéresser mon lecteur si j’en écrivais. Aujourd’hui, en tout cas. 

De la romance en Évanégyre, tu en as un soupçon dans Port d'Âmes :p Faire d’autres types de récits, explorer d’autres domaines, oui, bien sûr, mais il me faut toujours une part d’extraordinaire, je crois. Qu’on me montre que ce que je lis (et donc, cette attitude se retrouve dans l’écriture) a une forme de portée. C’est la pièce maîtresse. Les divagations sur la mort d’un grand-père pendant 150 pages en marchant dans l’herbe et en regardant les nuages, c’est justement dépourvu de portée pour moi, à moins, encore une fois, d’avoir un immense talent, mais il est bien rare. 






Aely Nah 


Bonjour Lionel,

Souvent dans la fantasy les scénarios alternent les points de vue, comment faites-vous, les auteurs, pour faire avancer vos personnages dans ce cas?

Vous préparez un plan avec les chapitres de chaque personnage puis vous écrivez tout l'un d'abord puis tout l'autre ou chacun prend sa place petit à petit?

Que se passerait-il si un lecteur décidait de ne lire d'abord qu'un personnage??

J'ai mal dormi lol ce sont les questions supra existentielles qui en sont ressorties lol, désolée ;)

Et sinon j'ai commencé la messagère du ciel et j'aime beaucoup même si, au vu que quelques événements persos, je suis moins assidue que je ne le souhaiterais. Mais l'évasion est là en tout cas et j'en ai besoin.




Lionel :

Merci Aely, et je suis content que La Messagère du Ciel t’offre un peu de détente dans ce contexte. Bon courage pour ce que tu traverses. 

Je ne peux m’exprimer que dans mon cas pour l’alternance des points de vue, chacun travaille différemment. Pour moi, c’est un mélange de planification et d’improvisation totale. En gros, j’ai la trame des événements ; je sais dans les grandes lignes ce qui arrive dans le monde, à qui, je m’assure aussi que tout le monde ait bien quelque chose à faire, des enjeux, des conflits (sinon, le personnage ne mérite pas un point de vue à part entière, s’il ne fait que « soutenir » l’intrigue). Si une ligne narrative me paraît faible, j’y réfléchis pour voir comment la renforcer dans le respect de l’ensemble. Il m’arrive aussi de savoir qu’un personnage mérite un point de vue, mais de devoir passer pas mal de temps avec lui ou elle pour déterminer où il ou elle va (et ce genre de contrainte peut faire émerger des histoires imprévues et très intéressantes ; j’ai parlé plus haut de l’intérêt de la contrainte pour sortir de sa zone de confort). 

Après, dans l’écriture, je sais rarement au-delà de quelques scènes, voire chapitres, comment les événements vont s’enchaîner dans le détail. Le choix du point de vue est fonction de quelques principes simples (pour un événement donné, on va plutôt prendre celui ou celle qui risque le plus gros, car c’est là que se trouve la tension narrative et donc l’intérêt de l’histoire) mais il y a aussi, pour moi, une question de ressenti, de ce qui s’impose. Les récits choraux (à multiples points de vue) ont ceci de génial que tu peux jouer bien plus facilement avec la tension narrative que sur un personnage unique. Tu peux t’attacher seulement à ce qui compte, passer sous silence les moments peu intéressants pour aller voir quelqu’un d’autre, créer la surprise, insérer de la tension narrative en laissant un personnage de côté intentionnellement pendant un moment… c’est beaucoup plus complexe parce que tu joues avec bien plus de lignes scénaristiques et ça peut être assez compliqué de tout faire tenir en un seul tenant sans rien laisser tomber, mais je trouve ça vraiment ludique à écrire comme à lire. Du coup, pour ma part, au jour le jour et de scène en scène, je me dis : qui n’ai-je pas vu depuis un moment ? Qui est le point de vue le plus intéressant pour cette scène ? Quel est le chemin parcouru jusqu’ici en terme d’ambiance, de rythme, d’enjeux, et, comme un voyage musical (on y revient), qu’est-ce qui ferait sens à ce moment donné ? On accélère, on ralentit, on change de thème, on casse intentionnellement les attentes, etc. ? 

Quant aux conséquence de ne lire qu’un seul personnage, cela dépendrait énormément du livre dont on parle, je pense. Mais je crois que ça reviendrait à ne manger que les olives, le maïs ou les carottes dans une salade. C’est bon tout seul, mais si tu manges une salade, c’est justement pour l’équilibre des saveurs, et l’équilibre narratif d’un livre choral se compose généralement sur l’ensemble des points de vue, des trames narratives, avec des atmosphères, des rythmes et des enjeux de nature différente. Du coup, tu peux manger un seul ingrédient de la salade, et il sera peut-être très bon, mais tu te prives de la salade, quoi. C’est un peu dommage. :) 






Licorne :


Ben c’est pas la moitié d’une réponse ça, merci Lionel. Ta vision des choses est sereine et cette humilité est toute à ton honneur !

Si une dame « Licorne » se présente à ton stand au chateau de Comper, tu ne seras donc pas surpris, et ce ne sera pas « si incongrue » que ça d’ailleurs au pays de l’imaginaire Arthurien ! je vais faire mon possible pour venir te saluer et continuer cette discussion intéressante sur le pâté !

En attendant je vais travailler sur la chronique de ton livre !

Tiens d’ailleurs, est ce que tu te balades sur les blogs pour connaitre un peu ce qui se dit sur tes romans !?

Belle journée



Lionel :


Merci beaucoup dame Licorne ! Et merci pour ta lecture et ta chronique ; puissions-nous envoyer conjointement du pâté. (Ahem)

Oui, je lis les chroniques, et j’en relaie pas mal sur les réseaux, d’ailleurs. En fait, presque tous les auteurs se baladent sur les blogs pour voir ce qui se dit. (Presque tous les auteurs savent presque tout ce qui se dit sur eux.) C’est une façon pour nous pour voir comment les choses sont reçues, si ce que l’on a voulu passer a été compris, ce qui a pu marcher ou non. En revanche, je ne laisse pas ça m’influencer dans le processus d’écriture. De même, je n’interviens jamais dans les débats, et je ne réponds jamais aux critiques, qu’elles soient bonnes, tièdes ou mauvaises. Je n’ai pas à le faire (même s’il m’arrive d’en bouffer mon clavier quand j’écope d’une mauvaise chronique parce qu’on a envoyé mon tome 3 a quelqu’un qui n’a pas lu les deux premiers, et que cette personne débine le bouquin sur cette seule base sans jamais parler du contenu – quel intérêt, sérieusement ?). Il s’agit la plupart du temps d’avis de lecteurs, et un avis, c’est un avis, avec toute la valeur subjective qu’il peut avoir, et ça ne se discute pas, tout simplement ! 

Je tique davantage, en revanche, quand je vois des papiers qui se targuent de refaire le travail de l’auteur ou de l’éditeur à sa place, ou de la provocation facile pour se donner un genre – ce qui est le mal d’Internet, bien sûr (J’en avais parlé là http://lioneldavoust.com/2017/la-ou-la-critique-sarrete/ ) C’est heureusement, bien sûr, minoritaire, mais je vous assure que si les auteurs n’en disent jamais rien parce qu’ils n’entrent pas là-dedans, intérieurement, ça les blesse et ça les met pas mal en colère. Ce n’est pas le fait qu’on ait pu ne pas aimer un livre ; cela, c’est le risque du métier ; les goûts, les couleurs, etc. C’est parfois le manque de respect (voire la bêtise) qu’il nous arrive de rencontrer qu’il est difficile de digérer, puisqu’il est impossible de répondre sans passer pour un gros aigri incapable d’entendre la contradiction. L’auteur a toujours tort dans ces cas-là. Il a tort dès qu’il envisage la démarche de répondre, de toute façon : comme je l’ai dit, il n’a pas à rentrer dans un tel débat. (J’en connais qui ont arrêté de lire tout net les chroniques pour cette raison et éviter de se mettre potentiellement la rate au court-bouillon.) 

Ça ne vous concerne évidemment pas vous qui est êtes ici, car vous êtes des gens super ! Et merci, d’ailleurs…




Snow : 

Me revoilà !

Bon les évènements actuels font que j'avance peu dans ma lecture, mais ça avance ^^

J'ai été réveillé (littéralement) cette nuit par une question existentielle sur tes livres.

Pourquoi seul le premier tome de Léviathan est en poche (ça n'a pas assez fonctionné pour sortir la suite ? )

Et pourquoi seul Port D'Âmes est aussi en poche ? (les autres mériteraient aussi d'être "pochisé" et atteindre un nouveau public ;) )



J'imagine bien que la version poche n'est pas forcément de ton ressort mais, j'ai une impression générale comme quoi l'imaginaire a du mal à sortir en poche (et donc reste assez peu abordable... parce que oui c'est cher un GF) , même si du coup le numérique y est plus "démocratisé" et abordable ^^ Mais comme tout le monde ne lit pas encore en numérique (ou ne veut pas se lancer ;) ) Je me pose la question.



Lionel :

Holà, faut pas te réveiller pour ça ;) 

Alors, effectivement, ça n’est pas du tout de mon ressort, hélas. L’éditeur grand format détient les droits, et c’est lui qui représente le livre pour une éventuelle réédition en poche (et crois-moi, il fait tout pour y parvenir, car c’est dans son intérêt). Il faut savoir que la sortie en poche d’un livre est loin d’être automatique ; il faut qu’un éditeur poche s’y intéresse pour le ressortir. Et donc, il y a des discussions commerciales et des négociations entre éditeurs. 

Je ne vais pas parler de la qualité des bouquins et de leurs chances de republication en poche (je suis le plus mal placé pour ça !), mais, sur l’aspect purement commercial, il y a peut-être quelques éléments de réponse. Tout bêtement, Port d'Âmes est le livre le plus facile à vendre, parce qu’il correspond le plus à un format répandu : c’est un roman de bonne taille et il est indépendant. De plus, sa publication a coïncidé avec un moment où mon travail commençait à être vraiment remarqué. Cependant, avec la notoriété de l’univers, on peut bien sûr espérer que La Volonté du Dragon et La Route de la Conquête (et « Les Dieux sauvages » aussi, mais là c’est trop tôt pour y voir clair) soient repris aussi ! La meilleure manière de soutenir la sortie en poche d’un livre, c’est d’acheter le grand format pour en faire un succès, paradoxalement. 

L’imaginaire est quand même plutôt bien représenté sous ce format, je trouve. On a de prestigieuses collections bien ancrées (Folio, Le Livre de Poche, J’ai Lu), d’autres chez les indépendants (Milady, Helios, maintenant la petite Dentelle chez l’Atalante…). Il me semble que l’imaginaire n’y est ni plus ni moins bien représenté qu’ailleurs – pour ma part, j’aurais peut-être même dit mieux qu’en grand format, vu que c’est traditionnellement du roman populaire. (Après, la représentation de l’imaginaire au sens large dans les médias, c’est un tout autre débat.)

Sur la sortie du premier Léviathan en poche, ça reste un mystère pour moi sur lequel j’ai fini par lâcher prise. A la base, Points devait prendre la suite, mais ça ne s’est pas fait, et je n’ai jamais vraiment eu d’information claire à part un stand-by à durée indéterminée (c’est en tout cas ce que, de mon côté, j’en ai compris). Il y a eu un peu de lobbying de la part de lecteurs pour avoir la suite, mais ça n’a pas donné de retombées de mon côté. Je n’en sais pas plus. 


Amarüel Tribulation :


Hello Lionel !

Question toute bête : le nom de Rhuys, une référence à la presqu'île ?




Lionel :


Bien vu, c’est un clin d’œil, oui. Je voulais que les noms rhovelliens aient une inspiration partiellement bretonne, et c’est aussi une référence à un RPG que j’ai adoré sur Megadrive quand j’étais môme, Phantasy Star III, dont le héros s’appelle « Rhys ». Pour mon premier vrai, long roman de fantasy, j’avais envie de faire un petit hommage à cette autre histoire qui avait bercé mon adolescence. :) 





Dup :


Autre question toute bête : d'où vient le nom d'Évanégyre ?


Lionel :


Ça, c’est plus compliqué :) 

C’est un mot qui s’est plus ou moins imposé très tôt dans la construction de l’univers. Je ne savais même pas encore si c’était l’univers ou un lieu. Alors il se trouve que c’est la planète, mais aussi – ça n’est mentionné nulle part pour l’instant – une île sur la planète. Le nom sonnait bien, il m’évoquait la magie, un monde, alors je l’ai adopté d’abord comme nom de code pour le projet, puis comme appellation établie. Je n’ai vraiment décomposé ce que mon inconscient m’avait servi que des années plus tard : c’est une composition entre « évanescence » et « gyre ». Un gyre, en océanographie, ce sont les grands courants océaniques dominants qui régissent la circulation des eaux dans tout un hémisphère ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Gyre_océanique ). Cette giration m’évoquait la lente rotation des âges, quant à l’évanescence, c’est la fugacité, mais aussi pour moi la magie, la féerie, l’inexplicable. Évanégyre, c’est donc, étymologiquement, la « planète évanescente », ce qui colle aussi bien à la succession de ses âges qu’à son statut de création fictive, changeante, une illusion qui s’affine ou se dérobe selon le point de vue qu’on en a, auteur ou lecteur. 






paikanne :

Bonjour,

Je m'en viens (enfin) déposer le lien de mon billet sur Port d'Âmes et me voici en train de lire un roman dans ce "mois de..." ;-)


Licorne :

Mon billet sur Port d'Âmes





Lionel :


Merci beaucoup à vous deux ! Je suis ravi que la lecture ait été une bonne expérience pour vous et que vous ayez été sensibles au discours et au style. Et également que vous ayez été touchées par le parcours et l’histoire de Rhuys. Je me rends compte avec les années que ce roman fait grandement appel à la sensibilité du lecteur, à sa capacité à la contemplation et à l’introspection. Si l’on aime ce genre d’ambiance, on marche, mais c’est un choix narratif assez résolu qui ne parle pas forcément à tout le monde. Je suis vraiment très content, donc, que ça vous ait parlé à vous !


8 commentaires:

  1. Un grand merci pour ces réponses, et oui ça me fait cogiter tout ça.
    J'ai fait le tour de mes questions, j'en avais d'autres mais elles ont déjà trouvé réponses (Ô combien détaillées). Rendez-vous donc le 23 Juillet au Château de Comper (native de la presqu’île voisine de Rhuys, ça sera l'occasion d'une rencontre IRL) !

    Sur ce, je m'en vais écrire ma chronique.

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  2. Hello Lionel ! Et MERCI POUR cette lecture ! Si j'ai bien mis deux semaines pour lire La messagère, je me suis régalée : j'ai trouvé ta plume superbe et ton sens de l'intrigue vraiment aiguisé (et j'ai ragé, trépigne... où est la suite ?!) :) merci, merci pour ce moment ! Du coup, par lequel de tes romans me conseillés-tu de continuer ?

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  3. Coucou Lionel,

    Merci pour ta réponse bien détaillée et je compte sur toi pour revenir vers la Voie de la Main Gauche même si ma balade sur Evanégyre me plait énormément ^^ C'est très intéressant de lire toutes tes réponses aux autres questions ! J'en profite pour poster ici mon avis sur la route de la conquête :
    http://dryade-intersiderale.blogspot.fr/2017/06/chronique-la-route-de-la-conquete.html

    J'ai même enchaîné sur la Volonté du dragon, ce sera ma prochaine chronique. Je ne me suis pas lancée dans la Messagère du ciel, j'avais peur de faire une overdose XD

    Sinon mon autre question me vient en fait d'une rapide discussion avec Estelle Faye aux Imaginales. Je lui faisais part de mon appréciation sur son univers de la mythologie romaine au stade de la déchéance. Elle m'a parlé d'un article qui traitait de la "fantasy nostalgique" et du fait que bien souvent les romans du genre abordaient les mondes après leurs âges d'or. Une théorie qui ne s'applique pas à priori pour la Route de la Conquête (le texte, pas le roman en entier car pour certaines peuplades, leur âge d'or s'éteint à cause de l'Empire).

    Du coup, as-tu un avis sur cette "fantasy nostalgique" ? Trouves-tu plus intéressant de parler d'un monde qui s'est écroulé après son âge d'or plutôt que de son apogée ?

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  4. Tu dis : "Les seules cartes possibles seraient seulement locales (on peut imaginer celles de Port d'Âmes et de « Les Dieux sauvages », et je pourrais joindre les croquis de celle de La Volonté du Dragon)."
    Et bien moi je suis preneuse, car en attendant la suite de La messagère, j'ai bien l'intention de lire La volonté du dragon qui dort dans ma PAL depuis trop d'années (2011).

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  5. Une des deux lectures de Lionel Davoust dont voici mon ressenti ; http://passiondelecteur.over-blog.com/2017/06/port-d-ames.html
    Le livre en partenariat à partir de demain.

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  6. Chose promise, chose due, ma chronique sur La Messagère du Ciel, livre en partenariat avec Book En Stock et les Editions Critic avec tous mes remerciements.http://passiondelecteur.over-blog.com/2017/06/les-dieux-sauvages-1-la-messagere-du-ciel.html

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  7. http://passiondelecteur.over-blog.com/2017/06/les-dieux-sauvages-1-la-messagere-du-ciel.html

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  8. Bonjour Lionel, merci de tes réponses à mes premières questions, j'ai maintenant publié mes deux chroniques et tu comptes un fan absolu de plus.... Nouvelles interrogations, ou as-tu cherché le personnage de Daren ? s'est-t'il imposé de suite ? J'imagine que l'épopée des Peupliers fait partie de tes références tant l'évocation de Léopol et de sa caste de moine-chevalier y ressemblent mais version noir ? Une pierre de plus dans le jardin des supporter inconditionnels des religions et sectes de tout poil ?

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