Éditions Mnémos
320 pages
19,50 euros
4ème de couv :
« Sénéchal, la ville est assiégée ! »
Telle est la phrase que l’on m’a jetée sur le coin de la goule. Depuis, tout part à vau-l’eau. Oui, tout, alors que ce siège pourrait se dérouler selon les lois de la guerre, selon la noblesse de nos rangs, selon la piété de nos âmes. Nenni.
Lysimaque, la Ville aux Fleurs, fière capitale du royaume de Méronne, est encerclée et menacée par une mystérieuse armée. Et pour le sénéchal Philippe Gardeval, ce n’est que le début des ennuis. Suite à l’empoisonnement d’un dignitaire de la cité, il découvre que l’ennemi est déjà infiltré au sein de la cour, dans leurs propres rangs ! Sous quels traits se cache le félon ? Parmi les puissants, les ambitieux et les adversaires politiques ne manquent pas ; le sénéchal devra alors faire preuve d’ingéniosité pour défendre la ville et sa vie dans ce contexte étouffant d’intrigues de palais.
L'avis de Dup :
Heure canoniale des laudes.
Philippe Gardenal, Sénéchal de la ville de Lysimaque, capitale du Royaume de Méronne est réveillé brutalement : "La ville est assiégée". Tout le monde l'attend en salle du conseil, le roi Edouard VI et tous les nobles, décideurs des affaires. Et il est mal notre Sénéchal, car c'est sur ses conseils que l'on a envoyé l'ost défendre la ville de Carmeni qui aurait dû être la cible de l'ennemi Castellois.
Heure canoniale de la prime, de la sexte, la none, les vêpres, les complies, et précédant les laudes ou suivant les complies c'est selon, les mâtines. Les cloches (entendez les heures) s'égrainent au fil des chapitres et nous allons vivre trois jours intenses aux côtés de ce Sénéchal. Une ambiance religieuse, monacale est insufflée par ce biais.
Philippe Gardenal est le narrateur de cette histoire et c'est lui qui va nous expliquer les tenants et les aboutissants de la situation dans laquelle se trouve Lysimaque. C'est à travers ses yeux que nous allons découvrir cette cité qu'il lui revient d'administrer, cette famille royale à qui il a dédié sa vie. Cette amitié profonde qu'il éprouve pour son roi, avant tout son ami d'enfance. Sa rancœur, profonde également, de n'être toujours qu'un roturier parmi les nobles.
De ce type de narration se dégage un côté intimiste du roman que j'apprécie beaucoup. Il y a pas mal de passages d'introspection car le Sénéchal est un homme qui réfléchit beaucoup. Cela permettra à l'auteur de nous faire partager une vision profonde de la religion au sens large que j'ai beaucoup aimé. Cependant il faut reconnaître que les échanges, les dialogues sont peu nombreux. Cela nuit-il à l'équilibre de l'ensemble ? Que nenni ! Parce que ces joutes verbales sont savoureuses et que le récit est entraînant, les cloches défilent tant les événements se succèdent. Empoisonnement, tentative d'attentat, tentatives de négociations, enlèvement, disparition, trahison. Et au milieu de tout ça une ÉNORME baston magique au plein coeur du sanctuaire de l'oectuaire de la Syncrésie, la religion des humains qui vénère Yiel, le dieu unique. Une scène mémorable mêlant chevaliers, mages, anges et démons. J'ai relu trois fois ce chapitre tant il m'a plu !
J'ai adoré ce personnage avec lequel le lecteur tisse un lien très fort. Il est pourtant loin des preux chevaliers, héros classiques de la Fantasy médiévale. Il est vieux (croulant même : imaginez, la cinquantaine !:)), pas costaud du tout, ayant tendance à se planquer derrière ses gens d'armes, terrorisé devant la moindre manifestation magique. Et puis... soufrant de vertige, donc je ne peux que compatir ! :)
Autour du Sénéchal gravitent d'autres personnages marquants. Le roi Edouard à qui l'auteur prête un langage fleuri qui cadre bien avec son caractère sanguin. La douce Sybille, trop triste princesse orpheline, le franc-parler du gars Roufos qui m'a accroché bien des sourires, sa paillarde aussi. Et puis, il y a la famille de Philippe, qu'on ne découvre que sur la fin. Peut-être au prochain tome pourrai-je vous parler de Charles le fils ainé, de ses soeurs ou de leur mère, la Bénédicte... Le "la" veut tout dire...
Mais ce que j'ai adoré par dessus tout, c'est la plume de l'auteur qui manie fort bien le langage médiéval sans que son récit en pâtisse. Il n'est ni lourd, ni pompeux. J'aime vraiment beaucoup être plongée dans l'ambiance temporelle d'un roman par ce biais. J'aurai même préféré l'absence de ces notes en bas de pages, qui hachent la lecture. Elles attirent l’œil ces saletés, et même quand on n'a pas besoin de s'en référer, immanquablement on y va !
En revanche, les adages qui ponctuent chaque début de chapitre sont de véritables friandises à consommer sans modération :
Des vérités :
- L'alcool et le pouvoir ont toujours suivi les même lois.
- Plus on en a, plus on en veut.
- Mais rares sont ceux qui le tiennent.
Des grivoiseries :
- Lorsqu'un roi assiège une ville, il prétend au trône.
- Lorsqu'un homme séduit une femme, il prétend l'aimer.
- Ainsi, femme et cité sont toutes deux catins.
- On s'y engouffre une fois les défenses tombées.
Des réflexions :
- L'obscurité est une absence de lumière.
- La mort une absence de vie.
- L'ignorance une absence de savoir.
- La solitude, une absence d'autrui.
- Ce qui ronge l'homme n'est pas le Mal, c'est le Néant.
Sénéchal est un premier roman d'une richesse et d'une profondeur incroyable. Mais ce qui surprend plus encore, c'est la maîtrise de ce tout jeune auteur sur son intrigue et son récit hyper rythmé. Il n'y a pas un seul temps mort et c'est du bonheur de lecture. ÉNORME COUP DE COEUR malgré... oui, malgré un cliffhanger de ouf à la dernière phrase ! Rhaaaaa !
1) Je ne l'ai pas vu venir.
2) Il est du genre à me triturer la cervelle jusqu'à la parution de la suite. Oui, oui, du genre on reprend les cartes, on mélange tout et "nouvelle donne". Re rhaaaaaaaaaaa!