Dup — Tu as pensé aux épieux ?
Phooka — Ils sont dans le sac.
Dup — Et aux pièges ?
Phooka — J’en ai posé plein à l’entrée de la grotte.
Dup — Tu crois qu’il mord ?
Phooka — Qu’est-ce que tu crois : c’est un ours. Attention, Dup, il y a un truc par terre !
Dup — Oups, désolée, j’ai marché dessus.
Phooka — C’est un crâne humain, je crois. Fais gaffe aussi au fléau d’armes qui traîne, et à la hache à deux mains… Dis donc, tu as entendu ces ronflements ?
Dup — Oui, ils font trembler les parois.
Phooka — Il doit être énorme.
Dup — Bon, on récapitule : je sors le pot de miel pour l’attirer. Tu lances le filet. Et ensuite, on le fait parler.
Phooka — Et si ça tourne au vinaigre, on s’enfuit et il se prend dans mes pièges.
Dup — Ça va bien se passer.
Phooka — Attention, Dup, il y a encore un truc par terre !
Dup — Oups, désolée, j’ai marché dessus.
Beorn — Aïe ! Ouille !
Phooka — On dirait un ourson en peluche tout doux.
Dup — Salut, l’ourson. Dis, ton papa est à la maison ?
Beorn — Je vous reconnais, vous deux. Vous êtes Dup et Phooka, les célèbres tortionnaires d’auteur. Au secours ! À l’aide !
Phooka — Monsieur Beorn ? C’est vous ??
Dup (chuchotis) — Tu crois qu’il faut lui lancer le filet ?
Phooka (chuchotis) — On va garder le filet dans le sac pour le moment.
Phooka (tout haut) — Monsieur Beorn, vous allez tout nous dire ! Des tas de gens vous attendent dehors, vous allez répondre à leurs questions, livrer tous vos secrets ! Si vous résistez, nous…
Beorn — Je ne résiste pas, je leur dirai tout ! Je leur chanterai la Marseillaise, je danserai nu sur une table ! Mais par pitié, je vous en supplie… Enlevez votre pied de ma patte !
Dup — Oups, désolée, je n’avais pas vu que j’avais marché dessus.
Phooka (chuchotis) — Ça se revend sur leboncoin, des pièges à ours état neuf ? Je crois qu’on n’en aura pas besoin.
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Phooka :
Rebonjour Paul,
Mon petit doigt me dit que tu serais un peu "tête en l'air" ? :)
C'est vrai ça?
Est ce que cela te pose un problème dans ta vie de tous les jours?
Et dans ta vie d'écrivain?
Es tu du genre à mettre des post-it partout pour ne rien oublier?
On veut tout savoir !!! :)
Paul :
C'est une vraie malédiction ! Une fois je me suis retrouvé dans le TGV à la même place qu'une autre personne ; verdict du contrôleur : en commandant le billet, je m'étais trompé d'un mois. Un jour, je n'ai pas pu partir en vacances : j'avais perdu la clef de la voiture. Une fois, je suis parti un week-end en laissant la fenêtre ouverte, celle qui donne sur la rue.
Dans ma vie d'écrivain, il m'est arrivé d'écraser par mégarde le fichier avec mes deux dernières heures de correction, mais dans l'ensemble, écrire est une activité qui permet de corriger le lendemain toutes les bêtises qu'on a faites la veille. Je bénis les traitements de texte ; sans eux, mes romans seraient couverts de ratures.
Oui, je mets des post-it sur le frigo, des alarmes sur mon téléphone, et j'ai mille petites ruses de tête en l'air (je pose des affaires devant la porte d'entrée, quand je range quelque chose, je me répète à voix haute trois fois de suite "je range ce truc dans l'armoire de la chambre"...). Bref, je passe une bonne partie de ma vie à essayer de ne pas oublier.
Mais pour en avoir parlé à plein de copains, je me suis rendu compte que c'était très courant chez les auteurs et autrices. Je soupçonne que cette capacité de se plonger totalement dans notre univers est la même qui nous fait tout le temps oublier tout le reste. Enfin, c'est une théorie qui me consolerait un peu, en tout cas.
Régina Falange :
Bonjour Paul,
Si tu pouvais "rentrer" dans un de tes romans, où irais-tu? Et avec lequel de tes personnages t'entendrais-tu le mieux?
Paul :
Mon fantasme d'auteur, ce serait un "parc" de mes romans comme le parc Harry Potter, où je pourrais toucher et regarder tous les lieux et les personnages que j'ai inventés. Sinon, j'aime chacun d'eux, même les affreux. J'aurais aimé avoir pour amis Alendro (Calame) ou Sarah (14-14), des gens joyeux, dans la lune et toujours de bonne humeur. Mais j'aurais surtout aimé avoir une fille comme Maura. Je n'ai pas de fille ; j'adore mes fils, mais ça reste un regret pour moi.
Olivier :
Bonjour Paul, encore un mois qui ouvre de beaux échanges, merci de tes réponses et bravo aux interlocutrices qui se succèdent ici.. Ma lecture de Calame achevée et encore séduit par les derniers rebondissements de la fin de ce premier volume (inutile de dire que le temps va me sembler bien long avant de pouvoir en découvrir le second et dernier volume - merci pour les petits nerfs de tes lecteurs de ne pas en faire une trilogie :)) Je reviens sur l'usage du titre Calame ; je viens de voir qu'il s'agissait dans la vie de tous les jours d'un terme existant employé pour définir une sorte de crayon fabrique à partir d'un roseau.... est-ce que le fait de le détourner de son sens premier collerait avec l'outil principal et vital du comte d'Artérac ? Ce fameux Comte d'Artérac te sens-tu proche de lui ? Quant à Darran le considères-tu comme un héros ou un anti héros ? Parlons enfin de la gente féminine, tu l'as un peu évoqué dans un réponse précédente, on ne peut pas dire que tu lui ais attribué la meilleure place dans ton récit (laissons le cas Maura pour plus tard..)des princesse sanglantes, des guerrières sans coeur (syndrome Amazone ?) ou des simples objets de ventes.... as-tu un côté défenseur des grandes causes féminines ? J'adore les côtes mi noir mi blancs de chacun de tes personnages, n'y a t'il personne d'entre eux qui trouve grâce à tes yeux ?
Paul :
De nouveau une question poupée russe ! Je vais essayer de répondre à chacune. :)
En effet ! Calame n'est pas un mot choisi au hasard, c'est un instrument d'écriture. Je vois plutôt D'Arterac avec une longue plume d'oie qu'un calame, à vrai dire, mais le terme est plus symbolique et concerne l'ensemble de récits et légendes écrits.
Oui, je me sens proche de D'Arterac, puisque c'est un peu un écrivain, lui aussi. C'est un homme d'une grande curiosité et habité par le doute, et c'est aussi quelqu'un qui a consacré toute sa vie à son art. Mais c'est aussi un homme d'une grande gentillesse. Tout cela me donne envie de le prendre dans mes bras.
Darran, pour moi, est bien un héros, mais peut-être pas pour ce que l'on pourrait penser. C'est difficile à expliquer sans gâcher certaines surprises du roman, mais les raisons qui le poussent à se battre et à risquer sa vie font de lui quelqu'un d'héroïque, pour moi.
La gente féminine tient une grande place dans ce roman, mais je n'avais pas l'intention de la maltraiter. C'est vrai, une grande violence est faite aux femmes par la loi et par certains individus, mais je ne voulais surtout pas les présenter ni comme des victimes, ni comme une communauté fermée : elles sont très actives dans le roman et beaucoup d'hommes sont actifs, eux aussi, pour changer les choses.
Les gens ont toujours une part d'ombre et, c'est vrai, j'ai essayé de construire de cette façon tous les personnages importants de ce roman. Mais cette part d'ombre ne les rend pas inhumains ou repoussants, pour moi, au contraire. En tout cas, j'ai de la tendresse pour tous. Les personnages les pires du roman ont une histoire qui explique ce qu'ils sont devenus, ils sont touchants eux aussi à leur manière, pour moi.
Melliflueee :
Bonjour Paul !
J'ai moi aussi découvert ton univers avec 14-14 et je termine actuellement Calame, que j'ai adoré. Indépendamment des inspirations "fantasy", puises-tu ton inspiration dans des périodes historiques ? (J'avoue que la lecture de Calame a réveillé en moi des impressions de Roi Soleil très versaillaises). Sur la même longueur d'onde que la question de Regina Falange, penses-tu qu'un de tes personnages (pas forcément que de ton dernier roman d'ailleurs) serait apte à venir dîner avec nous dans notre monde, et dans ce cas lequel et pourquoi ? Encore pour merci pour ces très beaux livres, pour cette interview hyper intéressante et au plaisir de découvrir la suite donc !
Paul :
Ouiiii ! Je suis un passionné d'Histoire, c'est l'une des raisons de mon amour de la fantasy ! En effet, le palais, le personnage et le nom du roi sont inspirés de la cour de Louis XIV, mais la technologie fait plutôt penser au XII-XIIIème siècle, c'est un mélange. :)
Choisir un personnage à inviter pour dîner ? Ce ne serait plus un dîner, ce serait un banquet; je voudrais tous les inviter !! Bon, ce ne seraient pas forcément les convives idéaux, Jal serait malpoli, Darran boirait trop et Adrien serait timide...
Merci ! :)
Ramettes :
Cher Paul
Je suis bénévole dans une petite bibliothèque des Corbières. Budget aux alentours de zéro pour les animations alors on fait avec les gens du coin ... sinon j'aurais était ravie de t'inviter.
Bon ma lecture est heureusement finie (ma vie c'est un peu compliqué depuis 15 jours et j'ai eu peur de ne pas être dans les temps) et je dirais aussi malheureusement terminée ! Je vais avoir les personnages du septième guerrier mage dans la tête quelques temps.
Je suis dans l'écriture de la chronique ...
Ma question : quelle est la longueur du texte idéal pour un roman fantasy. Est-ce que la question de scinder ce roman en deux (quitte à rajouter quelques scènes) c'est t'elle posée pour ce roman ? C'est sûr que la thématique de l'initiation en aurait pâti ...
Paul :
D'accord, je comprends ! C'est super, en tout cas, de faire ce travail.
Ecrire un roman de fantasy implique de faire entrer le lecteur dans un univers inconnu, c'est une contrainte qui demande souvent un roman assez long. J'ai déjà entendu dire qu'il fallait 1 million de signes minimum pour un roman de fantasy. Mais en matière de fiction, aucune règle n'est gravée dans le marbre, chacun fait ce qui lui plait.
Oui, Stéphane Marsan, mon éditeur, m'avait demandé s'il était possible de faire une trilogie à partir du Septième guerrier-mage. J'y avais réfléchi, j'avais même imaginé des synopsis pour chaque tome, mais ça ne collait pas. Parfois, il faut savoir s'arrêter pour ne pas gâcher ce qu'on a déjà écrit. :)
Ramettes bis :)
Bonjour
Tu fais beaucoup souffrir ton héros (Jal) et ses compagnons. .. ça fait quoi d'être tout puissant quand tu écris ? Tu as droit de vie et de mort sur tes créatures ... est-ce facile ? Comment choisir qui doit vivre ou mourir? Les scènes te viennent au fur et à mesure où est ce tout planifié ?
Paul :
Une question passionnante ! L'auteur est-il tout puissant ? Personnellement, je ne le ressens pas du tout. Si je l'étais, j'abolirais la loi injuste de Westalie et je donnerai à Maura un million de pièces d'or, mais alors, existerait-elle encore en tant que personnage ? N'est-ce pas les épreuves, les échecs et les obstacles qui font des personnages ce qu'ils sont ? Une erreur que l'on commet parfois quand on débute en écriture, c'est de ne pas vouloir faire souffrir ses personnages, tout simplement parce qu'on les aime. Mais ce n'est pas leur rendre justice, en réalité.
Comment choisir qui va mourir ? C'est délicat. Faire mourir un personnage ne doit jamais être gratuit, pour moi. Cela peut provoquer une émotion (tristesse, colère, réjouissance) faire avancer l'intrigue (provoquer un retournement de situation, par ex) ou accroitre le suspense (c'est le cas dans "Le jour où", la mort de plusieurs personnages fait penser au lecteur "aaargh, si Dupont est mort, alors tout peut arriver !"), ou bien tout cela en même temps. En tout cas, je ne vois jamais cela comme un choix arbitraire.
Je prévois toujours un plan, et je ne le suis jamais ! :)