Moi, moi, moi…
Bon sang, mais qu’est-ce que c’est que ce bruit ? C’est drôle. Ça rappelle les mouettes de Nemo, mais sans le « à » devant. Ça couine et ça piaille, et on dirait même que c’est prêt à rigoler, sans jamais franchir le pas. Une espèce de fausse modestie de pacotille.
Moi, moi, moi…
Sacré p! de b! de m!, mais d’où ça vient ? C’est continu, tant que je bosse, que j’écris, que je tape. Attends, si je m’arrête un instant d’écrire ce petit texte… Ah, oui, ça s’arrête. Ça fait du bien quand ça s’arrête. Mais là, ça ne s’arrête pas, puisque je tape encore.
Moi, moi, moi…
Minute.
Ah, ben oui. Ça vient effectivement de mon… clavier. WTF ? Il est abîmé ou quoi ? Hier, il faisait un bruit parfaitement normal. Et si j’écris autre chose… ? Et puis que je reviens ici… ?
Moi, moi, moi…
Fichtrefoutre, alors ça, c’est vraiment bizarre. C’est uniquement en écrivant cette présentation pour Book en Stock que ça me le fait. Dis-donc, le clavier, tu te ficherais pas un peu de ma tronche ?
Moi, moi, moi…
Ou… quoi ? Tu me préviens ?
Me préviendrais-tu que toute présentation d’un auteur par lui-même est un exercice éminemment paradoxal, risqué même, car l’écriture est l’une des disciplines où l’individu s’efface le plus derrière l’œuvre, mais où, pourtant, l’ego est le plus développé, car il faut une persévérance digne des plus grandioses mégalomanies pour passer des centaines d’heures sur un même récit, dans une solitude quasi-absolue, et penser malgré tout qu’au bout du compte, ça intéressera quelqu’un ? Et que tu veux ainsi m’éviter de tomber accidentellement dans une logorrhée sans contrôle où, après quatre brouillons ratés, je risquerais d’ériger un monument à ma propre gloire avec la plus honnête des intentions, ce qui serait peut-être excusable, mais fortement gênant pour tout le monde, sans parler de l’ennui que cela ne manquerait pas de générer ? C’est ça que tu me dis, clavier ? Heureusement que je t’ai compris, dis ! Je suis bien content d’avoir regardé tant d’épisodes de Flipper quand j’étais môme, où les humains comprenaient comme par magie aux couinements du dauphin le fin mot de l’histoire trente secondes avant la fin de l’épisode et réglaient tout d’un coup.
Trente secondes, il se trouve que c’est exactement le temps qu’il me reste pour remercier Dup et Phooka de nous héberger tous collectivement pour ce mois. Car cela me touche beaucoup et me fait très plaisir que nous puissions nous rencontrer et discuter ainsi. Merci !
Et je suis bien content aussi, finalement, d’avoir ce clavier qui couine. J’espère arriver à t’écouter aussi longtemps que possible, copain. Tiens, voilà une sardine !Hum.Bien. Super. Non, mais, OK, d’accord.
Maintenant, il y a une sardine sur mon clavier.
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Bonjour,
J'ai beaucoup aimé le côté symbolique que revêt la nourriture consommée et la façon de la consommer dans "La route de la Conquête" je pense au repas de mariage en particulier. Le symbolisme est très présent dans ce roman est-ce un sujet qui t'intéresse en général ou s'est venu avec ce roman ? ou alors c'est juste moi qui délire...
Lionel
Merci beaucoup ! Très content que ça t’ait plu :)
Toutefois, il n’y a pas de volonté symbolique là-derrière, autre que celle des peuples dont il est question. Je m’explique : bien sûr, l’être humain cherche des motifs, des modèles, des symboles dans tout ce qui l’entoure pour s’expliquer le monde. La littérature, avec ses histoires, en fait partie. Toutefois, mon approche (et mon goût) esthétique est bien davantage naturaliste que symboliste. C’est-à-dire que je pense qu’un récit, tout particulièrement dans l’imaginaire, doit s’efforcer de représenter son univers comme une vie différente, autre, dans toute sa complexité, mais avec un maximum de neutralité pour n’opposer que la plus faible résistance à l’entrée du lecteur. En bref, elle se doit de maintenir au maximum l’illusion de réalité. Et je trouve que le symbolisme, en se voulant « savant », ou du moins démonstratif, nuit à la transparence et donc à l’illusion. La fiction, pour moi, est un numéro de prestidigitateur et non d’érudit ; la technique, le savoir, l’éventuelle intelligence du propos (on l’espère) restent toujours subordonnés à la faculté de les rendre invisibles – et par là-même accessibles.
Les symboles des récits, sont donc – autant que possible – ceux des peuples, ceux de l’univers, mais non les miens. Les questions et les envies m’appartiennent, évidemment, mais je m’efforce de les offrir aux personnages / cultures / au monde, et de laisser les hasards de leurs existences – et non les miens – dicter ce qu’il arrive. Parfois, des symboles émergent, parfois, des coïncidences se produisent, mais je m’efforce toujours de faire en sorte que cela découle de la logique ou des hasards du monde fictionnel, et non de mon intention. Je veux m’effacer au maximum derrière l’univers et les récits.
Bon la question nulle qui n'a rien à voir avec tout ça !
Que penses tu de Oum le dauphin et de son rapport au chocolat Galac ... ok je sors !
Lionel
Pauvre Oum. Incapable de déballer sa plaquette sans pouces opposables. MONSTRES.
Re-bonjour Lionel,
Alors quand je vois toutes tes occupations aussi diverses que variées, je me demande si tu as des "loisirs" (voire simplement si tu en as le temps). Genre la pâtisserie, l'ikebana ou le macramé! :)
Lionel
Honnêtement, je n’ai pas le temps depuis… trop longtemps. Mes loisirs se résument à peu près à regarder un épisode de série de temps en temps en ce moment ! Mais je mêle pas mal mes passions au travail (je me débrouille pour transformer les unes en l’autre assez souvent, je me rends compte…) donc ce n’est pas si terrible ! Pratiquer la musique pour le plaisir ou étudier la productivité (au secours, j’ai besoin d’une vie) se relient de manière générale au boulot, donc ne sont jamais entièrement « perdus ». J’essaie de caler dans ma semaine du temps d’apprentissage (ça reste quand même un vœu pieux en ce moment).
Si je n’ai vraiment rien à faire, je tends usuellement vers deux pulsions : a) partir au bout du monde en volontariat ou même en vacances pour découvrir ce que j’ignore et construire de nouvelles expériences, ou b) me cloîtrer chez moi comme un gros geek et me faire un marathon série ou me plonger des heures durant dans un bon gros jeu vidéo narratif. Final Fantasy XV me fait de l’œil depuis sa sortie… Le dernier que j’ai pu faire comme ça était Sleeping Dogs, il y a (gloups) trois ans, alors qu’il en avait déjà deux à l’époque…
Par contre, pas de cuisine ni d’ikebana – ni de puzzles, de colliers de perles ou de colliers de nouilles : ces activités lentes me rendent dingues. J’ai besoin d’action et d’activité, même si l’action consiste à méditer, mais il y a toujours une volonté, une recherche d’accomplissement, un mouvement dans tout cela, et plus le temps passe, plus je me concentre sur l’intensité de l’existence à tous les niveaux.
Ou bien genre le théâtre ? Je complète la question de Phooka :D
En fais-tu toujours d'ailleurs (mes sources d'infos remontant un brin dans le temps...)?
Est-ce que le théâtre d'impro t'a servi/te sert dans le processus d'écriture ?
Lionel
Ah oui, c’est vrai, il y avait le théâtre d’improvisation aussi – j’avoue avoir levé pas mal le pied ces derniers temps. J’en ai fait plus de quinze ans toutes les semaines ! Cela m’a aidé pour la mise en condition « sur commande » de l’esprit dans le cadre d’une histoire et d’un personnage, à cerner et affiner mes idées quant à ce qui compose une histoire (en deux minutes, il faut aller vite au début, au milieu et à la fin) mais je crois que, de très loin, là où cela m’a aidé réellement, c’est à appréhender, cerner et dépasser ma timidité maladive. Cela m’a énormément guidé pour m’affirmer, en public évidemment, mais aussi en moi-même, et à explorer un certain nombre de limites et barrières plus ou moins inconscientes. Cela, c’est prodigieusement utile et salutaire dans l’existence au sens large, tout simplement. Donc oui, l’impro a nourri mon écriture – au titre que tout ce qui me nourrit comme être humain va forcément, à un moment, rejaillir positivement sur l’écriture.
Bonjour Lionel,
Comparée aux autres je suis en retard je n'ai pas encore débuté la messagère du ciel mais ce que tu en dis en réponse à Bouchon me fait flipper d'avance "Donc, tu vas pleurer, trembler de rage, trépigner, mais te marrer aussi – je l’espère, en tout cas ! :)"
Plus qu'un roman à caser et je m'y jette avec un peu d'appréhension et je crois plein de kleenex :p
Sinon je reviens aussi sur ton amour des orques, cet animal magnifique. J'avoue que pour ma part je préfère le dragon mais ce n'est pas le sujet :p
Je voulais juste dire que depuis le film Orca que j'ai vu il y a quelques années j'ai été ébahie par cet animal si humain mais aussi horrifiée de ce scénario.
La plupart des amis qui l'avait vu n'en ont retenu que ce simulacre de "dent de la mer" version antarctique alors qu'il y avait tellement plus à voir de cet être fier, humain et dévoyé par la folie humaine.
Lorsqu'un héros humain voit sa famille détruite par d'autres c'est normal de magnifier sa vengeance. Ici on a laissé de côté sa détresse, sa tristesse de perdre des êtres chers pur n'en faire qu'un tueur d'hommes. C'est simplifier la complexité de cet être magnifique à sa fureur de vengeur.
Voilà tout ça pour te demander si tu l'avais vu aussi et si tu avais été aussi déçue que moi de cette mascarade pour la gloire de l'humain.
Bonne journée
Lionel
Hé, je suis bien d’accord, les dragons c’est cool aussi, j’en mets quand j’ai l’occasion ;)
Ça fait très longtemps que je n’ai pas vu Orca, donc difficile d’en parler dans le détail. Je pense néanmoins qu’il faut replacer le film dans son contexte – il est sorti en 1977, à une époque où l’on pouvait encore pas mal considérer que l’homme était le pinacle du monde naturel et que tuer des animaux pour rien, c’était fun. (C’est ce que démontre le début du film, de mémoire.) Par exemple, le moratoire sur la chasse à la baleine n’a été adopté qu’en 1982, soit cinq ans plus tard, et encore, pas par tous les pays membres de la Commission Baleinière Internationale. Donc, Orca proposait une vision différente – l’homme, ce gros con, tuait une femelle orque, et le survivant montrait de l’intelligence et de la résolution pour poursuivre le coupable et lui montrer que, non, il n’était pas forcément le maître absolu du monde. (Je me rappelle quand même une scène assez forte – mais que je fantasme peut-être avec l’âge – où le coupable regardait l’orque en lui demandant ce que, sacré bon Dieu, il voulait, implorant presque pitié.) Les Dents de la Mer montre un requin stupide et prédateur, un poisson qui veut juste tout dévorer ; Orca montre un animal implacable mais centré sur une seule cible. Donc non, je ne pense pas que Orca soit à la gloire de l’humain, et même plutôt le contraire.
Après, ce n’est pas non plus un film à la gloire des orques, même s’ils y paraissent d’une intelligence redoutable. Ce film ne me paraît à la gloire de rien ni personne, en fait.
L’éthologue en moi se doit de dire attention quand tu dis que c’est un être fier, que tu parles de sa tristesse : scientifiquement, tu n’en sais rien. Tu peux ressentir de l’empathie, t’efforcer d’interpréter les comportements que tu constates, et comme le dit Carl Safina ( https://www.ted.com/talks/carl_safina_what_are_animals_thinking_and_feeling?language=fr ), c’est une bonne porte d’entrée, mais il faut toujours garder en mémoire que ce sont des interprétations. L’orque est un animal intelligent et doué d’émotion, ça ne fait aucun doute. Mais quelles en sont les natures ? En raison de son évolution, de son milieu, je pense que son intelligence et son émotion ont quelque chose de fondamentalement différent par rapport aux êtres humains que nous sommes, que nous pouvons les appréhender mais pas forcément les comprendre pleinement, et que leur attribuer nos fonctionnements sans filtre (ce que fait Orca avec cette quête de vengeance) est intellectuellement risqué. Même si cela nous aide à les comprendre, parce que cela nous aide, justement, à établir une communauté, un lien avec eux et le monde qui nous entoure. Mais ça ne reste qu’une première étape pour « dégrossir » le travail.
Bonsoir,
C'est une journée où mon cerveau carbure un peu lol je vais mettre deux questions :p
"un peu de méditation, aussi, parfois, quand j’ai besoin de me calmer les nerfs. J’aimerais méditer davantage, mais je ne suis pas très assidu, malheureusement, même si j’en retire à chaque fois des bénéfices."
Petite question toute perso, quelle genre de méditation fais-tu? est-elle accessible à tous? cela m'intéresse car c'est une technique que je souhaite acquérir :) afin de faire parfois baisser la pression.
Merci d'avance Grand Sage de tes précieux conseils :)
Lionel
Je suis lotus laser niveau 42 et ma méditation transcendentale me permet de couper le pain par la pensée, ce n’est évidemment pas accessible à tout le monde, qu’est-ce que tu crois ? :p
Hé, bien sûr que si la méditation est accessible à tout le monde, et c’est justement ce qui est chouette dans ses développements récents. Des travaux en neurosciences ont montré des bénéfices physiques découlant d’une pratique régulière de la méditation, et celle-ci peut être totalement découplée de toute dimension spirituelle. Et des tas d’applications, de guides, de bouquins qui se concentrent sur la technique pure existent à présent.
Je dirais que c’est à toi de trouver la porte d’entrée qui te convient et te guidera. Pour ma part, j’ai un peu développé ma propre sauce et mes propres techniques avec le temps, donc ça n’a pas tellement de nom ni d’école particulière… Cependant, un bon point de départ peut être par exemple l’application Headspace disponible sur toutes les plate-formes mobiles (en anglais) qui propose des sessions de médiation guidées et des programmes assez poussés. Ça a beaucoup de succès même, si, personnellement, je trouve ça trop bavard. Pour ma part, j’ai plutôt tendance à le faire en silence (c’est plus dur, mais c’est plus intense), avec, éventuellement, le guide de respiration fourni sur l’Apple Watch (ce qui permet de se mettre en condition très vite et sur le pouce si nécessaire). Car on peut tout à fait méditer high-tech ;)
J’espère que ça pourra te donner quelques points de départ. Et je ne suis ni grand, ni sage : le seul truc que j’ai, c’est ma coupe de cheveux, qui a fait croire à des touristes allemands que j’étais moine, lors d’un bref séjour que j’ai fait dans un monastère bouddhiste en Corée. xD
La suite: Tome 5
7 commentaires:
Salut Lionel !
Toi qui est très geek et décortique beaucoup le processus d'écriture (merci pour tes interventions, masterclasses, articles de blog et autres podcasts^^), comment fais-tu pour garder de la spontanéité et ne pas faire de l'écriture une "mécanique", ou en tout cas que celle-ci soit invisible pour le lecteur ?
Merci Lionel pour toutes ces informations qui me permettent d'avancer ;) à tous niveaux, et je te vois bien en bonze bouddhiste sur un prochain salon lol :p
Re-Re bonjour Lionel,
Alors pour reprendre notre conversation où tu me parlais de tes auteurs favoris, j’ai été aussi profondément touchée par les princes d’ambre, j’avais 20 ans quand j’ai lu toute la saga, et il y a quelques temps, j’ai voulu les relire, je n’ai pas pu passer le cap des 10 pages … glups ! j’ai trouvé que cela avait profondément vieilli, jusqu'au style que je trouvai bizarre. Alors je n’ai pas insisté de peur d’enlever tous les bons souvenirs et le plaisir que j’avais tiré de cette lecture ! Alors, quand on est auteur et assez philosophe comme toi ! Est ce qu’on s’interroge sur la pérennité de ses écrits ? sur leur devenir ?
Et puis rien à voir avec le pâté ! mais je voulais savoir si tu étais bien au salon de Comper au Centre Arthurien de Broceliande le 22 et 23 juillet, car j’irai peut-être bien faire un tour le dimanche, ca fait un peu de kms de chez moi, mais s'il y a pleins d'auteurs chauves et sympas, en plus de Nathalie Dau qui est annoncée ... ca vaut le coup de faire la route !
Merci d’avance pour les réponses et bonne continuation pour les questions !
Bonjour Lionel,
Je viens de découvrir ton univers pour la première fois avec Port d'âmes, et ce que j'en ai vu m'a vraiment donné envie d'en découvrir plus. J'ai d'ailleurs vraiment trouvé Aniagrad intéressante, et je me demandais si tu pensais y revenir un jour ? (ou si tu y es déjà venu, étant donné que je n'ai pas encore lu tes précédents livres).
Amarüel m'a piqué ma question sur la chronologie d'Evanégyre, mais ta réponse m'a interpellée sur un point : tes livres ne suivent pas de chronologie linéaire, pourquoi avoir voulu retourner dans le passé avec La messagère du ciel ?
D'autre part, Port d'âmes m'a rendue très curieuse de l'empire d’Asrethia et de ses anges, mais si j'ai bien compris ceux-ci n'apparaissent finalement que très peu dans tes écrits, même dans les 2 premiers romans, c'est bien ça ?
Merci à toi !
Bonjour, j'ai appris par un message de Laurent Whale qu'il venait au Barcares à un festival du polar et du livre d'aventure. .. en cherchant des info j'ai vu apparaître le nom de Lionel Davoust. .. alors ma demande est la suivante. .. amis auteurs quand c'est votre mois de... donnez les dates des salons à venir ! Qu'on puisse prévoir. ..
Bonjour
Merci j'ai passé un excellent week-end entre autre grâce à notre rencontre (sans parler de Laurent et Olivia) au Festival du polar et livre d'aventure du Barcares. Question
Tu fais souvent des salons avec Laurent Whale ? Vous formez un duo terrible ! Vous désirez toujours comme ça où c'était de voir la plage et de devoir rester à Bord de la croisière s'amuse.
Comment fais tu pour te remettre au travail au retour ? Avec ou sans coup de soleil.
Comment as-eu eu vent de cette 2e édition?
Je me permets de partager si c'est trop hors sujet effacez. J'ai ecris un petit article où je parle de ma rencontre avec Lionel Davoust et Laurent Whale.
http://ramettes.canalblog.com/archives/2017/06/12/35377057.html
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