lundi 4 novembre 2013

Interview de Christian Léourier tome 1




Voilà c'est parti ! Le mois de novembre accueille Christian Léourier. Nous vous laissons la parole pour lui poser toutes vos questions.



Mais d'abord un petit mot de Christian (et il y a un scoop dedans !) :


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Un jour j’ai rencontré l’inspiration. Je l’ai croisée par hasard, sur un chemin de montagne. J’ai dit :
Bonjour, l’inspiration ! Je suis drôlement content de vous voir !

Elle m’a répondu, plutôt sèche :

Tu devrais dire : « Je suis bien content ». Il vaut mieux éviter des adverbes de manière, ils alourdissent la phrase. Surtout s’ils introduisent une rime intérieure. Et puis, tu ne me « vois » pas, au sens strict du mot. Les montagnes, le lac qui paresse sous le soleil en déclin, voilà ce que tu vois. Moi, c’est autre chose. Sois donc un peu précis dans ton vocabulaire.

Pas très commode, l’inspiration ! Néanmoins, nous avons parcouru un bout de chemin ensemble. Je me suis enhardi à lui confier :

J’aimerais bien vous revoir. 

Oh, je suis très occupée, esquiva-t-elle.

Nous nous connaissions à peine, et déjà elle cherchait des excuses pour m’éviter. Feignant de ne pas m’en apercevoir, j’insistai.

Bon d’accord, j’essaierai, finit-elle par céder ; et afin de bien montrer que nos rapports s’envisageraient désormais sur un plan strictement professionnel, elle abandonna le tutoiement pour demander : quels sont vos horaires de travail ?


Mes horaires ?
Eh bien oui, vos horaires. Vous ne croyez tout de même pas que je vais surgir à l’improviste et me taper tout le boulot à votre place ?

Pourtant, aujourd'hui…

Aujourd'hui, c’est un peu particulier. Les vacances… Mais si vous voulez recevoir ma visite, il va falloir y mettre du vôtre. 

Je ne la voyais pas comme ça, l’inspiration. Je la croyais plus complaisante. Je le lui ai avoué. Elle a ricané et, redevenant familière, elle a précisé :

Ça, mon bonhomme, c’est du folklore. Si tu veux apprendre à écrire, il va falloir noircir du papier. Tout jeter. Réécrire. Jeter de nouveau. Réitérer autant de fois que nécessaire. Tu imagines un coureur qui s’alignerait au départ d’un marathon sans s’être préparé à l’épreuve ?

Voilà comment notre relation a débuté. Depuis, elle vient me visiter quelquefois. Oh, pas souvent. Le reste du temps, suivant son conseil, je m’entraîne.

En ce moment, je travaille sur un quatrième tome du cycle de Lanmeur, puisque, grâce aux éditions Ad Astra, une nouvelle génération de lecteurs peut déambuler dans cet univers. Mais cela ne m’empêchera pas de répondre à vos questions.



À bientôt, donc.


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Bonjour Christian,

Je profite du calme de ce jour férié pour vous poser une première question et vous remercier de vous prêter à notre petit jeu du Mois de .

En lisant votre texte d'introduction j'ai donc appris que vous planchiez sur une suite à Lanmeur. Comment vous est venue cette idée/envie ? Aviez-vous déjà des idées sur ce thème depuis les précédents opus ?

Merci
Phooka

Christian :

Si l’on excepte quelques chapitres des deux derniers titres, Lanmeur apparaît en creux dans les romans du cycle, dont l’action se situe sur d’autres mondes. Cependant, pour donner une consistance à cette civilisation et justifier son idéologie, le Rassemblement, il m’était indispensable de lui construire un arrière-plan historique. Le lecteur peut d’ailleurs découvrir le canevas de cette histoire dans le tome 3 de l’intégrale. Quelques allusions à des personnages historiques ou des événements marquants, comme la découverte de vestiges de vaisseaux spatiaux non-lanmeuriens, sont disséminés dans les différents romans, tels les cailloux du Petit Poucet. Le romancier que je suis ne pouvait se satisfaire de ce simple schéma. J’avais bien envie de raconter l’aventure de Thor aux deux épouses, les prédications de Prival, la querelle des lettrés qui aboutira à terme à la création des annalistes, le bouleversement que connaît Lanmeur quand, après avoir eu le monopole du voyage spatial, elle devient à son tour la destination de vaisseaux étrangers. Mais, après La Terre de promesse, qui clôt le cycle, j’ai consacré à d’autres projets le peu de temps que je pouvais consacrer à l’écriture. Lors de la préparation de la réédition du cycle par Ad Astra, l’envie m’est revenue de repartir pour l’univers le Lanmeur. Elle s’est déjà concrétisée par l’écriture de trois nouvelles (une parue dans le tome 2 de l’intégrale, deux dans Bifrost). Et je me suis dit que le moment était venu de raconter ces histoires qui, entre temps, s’étaient installées dans mon imaginaire (je fonctionne comme cela : des embryons d’histoires tournent, parfois des années, dans ma tête, jusqu’au jour où surgit le catalyseur qui va me permettre de leur donner forme). L’enthousiasme de Xavier Dollo, l’accueil sympathique réservé au cycle par une nouvelle génération de lecteurs ont fini de me convaincre. Le prochain volume racontera donc Lanmeur avant Lanmeur. Une manière d’introduire une réflexion sur l’Histoire. Au cours des douze dernières années, je me suis professionnellement occupé des questions de mémoire. Ce qui m’a confirmé dans l’idée que si le passé pèse sur le présent, il s’agit toujours d’un passé recomposé dans la vision duquel le présent s’investit. Chaque génération réinvente l’Histoire, pour la faire participer à ses problématiques. Je cherche donc, dans la forme, à rendre compte de cet éclatement, de cette mouvance, par une série de mises en abyme, faisant se répondre plusieurs époques – et, donc, différentes écritures. Dans mes projets figure aussi un recueil de nouvelles, qui seraient une initiation à l’intention de ceux qui hésiteraient à s’engager dans la lecture de trois (voire quatre, j’espère) gros volumes.

MarieJuliet :

Bonjour, je suis en pleine lecture du tome 1 de Lanmeur. Je trouve que beaucoup de nom ont une consonance bretonne. Un hasard ?

Christian :

Eh non ! Il n'y a pas beaucoup de hasard dans le travail d'écriture. Inventer les noms propres n’est pas chose facile. Ils sont les expressions de la langue présumée du monde décrit par le roman. Le réalisme recherchée par la science-fiction impose que ce langage soit cohérent. Utiliser des racines celtiques pour inventer des mots me permet de respecter cette cohérence – mon incompétences en linguistique m’interdisant d’inventer une langue de toutes pièces. Il s’agit donc d’un procédé d’écriture. Cela dit, pourquoi choisir précisément ces racines plutôt que d’autres ? Sans doute parce que la pensée celtique, telle qu’elle se manifeste dans les textes anciens, correspond à mon tempérament : j’aime sa conception dynamique du monde, son refus du manichéisme, l’idée que l’homme participe de la nature, quand bien même celle-ci ne se révèle jamais complètement, et que le monde est plus complexe qu’on le pense. Et puis, j’éprouve aussi un plaisir esthétique à ces sonorités. Ah, une dernière précision : comme une bonne partie des Parisiens, je compte des Bretons parmi mes ancêtres.

A bientôt pour la suite
 
Amitiés,Christian
Dup :

Bonjour Christian et bienvenue par ici !

Vous dites dans votre réponse à Phooka : " j’ai consacré à d’autres projets le peu de temps que je pouvais consacrer à l’écriture." Peut-on savoir quel est votre autre métier à côté de celui d'écrivain ?
Vous pardonnerez ma curiosité, mais c'est souvent une question qui me tient à coeur, afin de mieux connaître l'auteur que l'on reçoit.



Merci beaucoup pour votre réponse. Votre première réponse me fait me poser exactement la même question que Dup.
Une bretonne


Christian :

pour Dup et Mariejuliet


J’ai entrepris des études de philosophie dans la perspective de devenir enseignant. Au milieu des années soixante, on manquait de professeurs dans cette matière. Seulement voilà : à la suite de Mai 68, l’Éducation nationale revoit les programmes. Deux matières en font les frais : l’histoire et la philo (pourquoi courir le risque de faire réfléchir la jeunesse ?). Plus de postes : je ne serai pas prof. Mais je n’abandonne pas le service public. Je ferai donc fait une carrière de fonctionnaire, principalement au ministère de la défense.
Là, j’ai exercé différentes fonctions qu’il serait fastidieux d’énumérer. Par exemple, au début des années quatre-vingts, je me suis occupé d’informatique. C’est pour cette raison que dans certaines biographies on mentionne que je suis analyste. D’aucuns, à l’époque, ont compris (psych)analyste, ce qui a donné lieu à des quiproquos cocasses – car je me gardais bien de les détromper.
J’ai aussi travaillé quelques temps à la Bibliothèque nationale de France, au moment de l’ouverture du site de Tolbiac et des schémas directeurs pour la reconversion du site Richelieu. C’est peu dire que je me sentais dans mon élément, au milieu de tous ces livres.
Ces douze dernières années, je me suis occupé de la politique de mémoire du ministère de la défense, un domaine permettant d’explorer des activités très variées : organisation d’événements, activités pédagogiques, expositions, édition, production de films, entretien et mise en valeur de sites et monuments historiques, création de centres d’interprétation… Bref, pas de quoi s’ennuyer. Sans compter la chance qui m’a été donnée de discuter avec des témoins de l’histoire du 20e siècle : les derniers combattants de 14-18, et surtout des acteurs de la Seconde Guerre mondiale. C’est bien sûr dans ce cadre que j’ai animé une collection de romans pour la jeunesse coéditée avec Nathan, les Romans de la mémoire : la fiction m’est en effet apparue comme le seul moyen d’exposer à des collégiens d’aujourd’hui quel était le quotidien de ces époques pour eux lointaines, tant l’environnement a changé.
J’ai cessé cette activité depuis juillet. (En fait, je serai à la retraite à la fin de l’année, mais j’épuise les reliquats de congés que je n’avais pas eu le loisir de prendre, car contrairement à ce que répandent ceux qui aimeraient bien que les crédits publics deviennent leurs fonds privés, un fonctionnaire, ça travaille beaucoup.)Voilà donc pour le chapitre clos de ma vie professionnelle. Je vais désormais me consacrer plus longuement à mon métier, mot que je réserve plus volontiers à l'écriture. « C'est un métier de faire un livre comme de faire une pendule », disait déjà La Bruyère – qui, je présume, n’avait pas plus que moi de compétences en horlogerie.

Lauryn :

Bonsoir,Au début de votre aventure avec Lanmeur, saviez-vous déjà sur combien de tomes elle s'étalerait ou avez-vous fait avec l'imagination du moment ?

Christian :

En écrivant Ti-Harnog, je ne pensais pas m’engager dans un cycle. C’est pourquoi, d’ailleurs, une des explications possibles de la présence d’êtres humains sur deux planètes différentes est livrée (je ne dirai rien de la seconde, pour ceux qui n’ont pas lu le troisième tome). Mais quand j’ai commencé à rédiger L’Homme qui tua l’hiver, je me suis aperçu que l’histoire pouvait très bien s’intégrer dans le même univers que le précédent roman. Ce qui me permettrait de creuser un peu plus la notion de Rassemblement, de la faire évoluer dans le temps en l’inscrivant dans une dialectique idéologie/mise en pratique, l’une étant l’élément moteur mais évoluant en retour. C’est-à-dire de situer le cycle dans la continuité directe de Ti-Harnog, qui est le roman de l’impermanence, de la métamorphose, tout en explorant une autre direction. Dès lors, je décidai d’inscrire ma production future, du moins celle que je destinais à J’ai Lu, dans cet univers.Je n’avais pas une idée précise sur le nombre de romans auxquels j’aboutirais. Je voulais juste que chacun d’eux soit indépendant, diffère par le style et le fond des précédents, présente une facette nouvelle du Rassemblement et illustre un aspect de la condition humaine : ce sera la mort pour L’homme qui tua l’hiver, l’amour pour Mille fois mille fleuves, la liberté pour les Racines de l’oubli, etc. Je considère d’ailleurs que le cycle reste ouvert, même si, pour des raisons d’opportunité éditoriale, je l’ai provisoirement clos avec la Terre de promesse.J’ai eu en revanche assez tôt une idée de cette clôture, qui ramène à Ti-Harnog. Au fond, je n’ai pas abordé la composition du cycle d’une autre manière que celle d’un roman : je démarre un texte avec en tête quelques situations et la fin. Comment parvenir à cette fin, tel est précisément pour moi le travail de construction du roman. Je travaille sans plan préétabli (j’ai essayé, au début, mais j’abandonnais très rapidement la trame parce que de nouvelles idées venaient enrichir le récit pendant le temps – pour moi assez long – de l’écriture). Cette méthode, pour autant qu'on puise parler de méthode, me fait courir le risque de me fourvoyer quelquefois, mais où serait le plaisir, si je connaissais d’avance toute l’histoire ?

Doris :

Bonjour et merci de vous prêter au jeu !

Lorsque vous entamez l'écriture d'un roman, ressentez vous le besoin irrépressible d'écrire sans cesse ou prenez-vous tout votre temps en étalant les périodes de travail ? Combien de temps vous a prise l'écriture du premier tome de Lanmeur, par exemple ?

Christian :

Pour que je débute l’écriture d’un texte, roman ou nouvelle, il faut que trois conditions soient réunies : avoir l’idée d’une histoire, avoir trouvé la forme qui lui conviendra, disposer d’un peu de temps.J’ai en permanence des histoires plus ou moins abouties en tête. Sinon un scénario, une scène, une situation, un bout de dialogue. Un jour, je sens que l’une d’elles est mûre. Cela peut prendre plusieurs années, comme il m’est arrivé de démarrer très vite, dans l’enthousiasme de la nouveauté. Les idées naissent d’une conversation, d’une lecture, d’un événement et très souvent d’un paysage (on aura peut-être l’occasion d’y revenir, mais ceux qui connaissent mes romans auront remarqué combien l’environnement, en particulier naturel, influe le comportement de mes personnages.) Quant à la forme, elle est quelquefois réfléchie. Par exemple, Mille fois mille fleuves est né du désir d’associer le rythme de l’écriture au régime du cours d’eau auprès duquel se passe l’action, La Planète inquiète veut traduire le fonctionnement de la mémoire, par ressauts successifs. La plupart du temps, l’alchimie est plus mystérieuse : certains récits s’imposent à la première personne, ou selon le point de vue de tel ou tel personnage sans que cela résulte d’une démarche délibérée.Quant à la troisième condition, je me suis efforcé de ne pas trop en tenir compte. Dans le meilleur des cas, j’ai pu écrire en continu. Mais il m’est arrivé souvent, surtout au cours des dernières années, de ne pouvoir travailler sérieusement que pendant les périodes de vacances, en mode feuilleton en quelque sorte.Le délai nécessaire pour l’écriture d’un roman est très variable. Dans le cas de Ti-Harnog, sa rédaction a été longue, d’autant plus que j’ai dû le reconstruire afin d’en raboter un bon tiers, en vue de sa publication en J’ai Lu (et ceci à une époque où l’ordinateur n’avait pas pénétré dans les foyers). Je dirais deux ou trois ans. Les suivants ont été plus rapides, puisque la publication des sept J’ai Lu du cycle de Lanmeur s’est étalée sur dix ans, pendant lesquels j’ai également fait paraître quatre romans pour la jeunesse.Il n’y a donc pas de règles. Sinon que je me demande toujours comment j’ai pu rédiger mon premier roman en trois mois. L’expérience semble ne pas me rendre plus rapide, au contraire : question d’exigence, sans doute.
Xapur LeMystique :

Bonjour et bravo pour cette saga que j'ai la chance d'avoir en intégralité (et content de voir qu'un autre tome est en préparation !).
Quel est le roman du cycle que vous préférez ? Et pourquoi ?


Christian :

Merci pour ces encouragements. Dans le plaisir que m’apporte la réédition du cycle, le moindre n’est pas qu’elle me permet d’atteindre une nouvelle génération de lecteurs.En revanche, la question m’embarrasse car, si j’y ai été quelquefois confronté, je ne me la pose pas naturellement. La réponse convenue consisterait à dire : c’est le prochain. Convenue, mais pas entièrement dénuée de fondement, car si on ne croit pas que le chantier en cours ajoutera à l’édifice, pourquoi l’entreprendre ? Cela étant, ce qui m’attache à tel ou tel texte tient moins à sa nature qu’à des éléments extérieurs : les circonstances dans lesquels il a été écrit, les rencontres qu’il a permis, l’étape qu’il a constitué dans mon parcours d’écrivain… Chaque roman cristallise ainsi son propre biotope : Ti-Harnog, c’est le début de l’aventure Lanmeur, Mille fois mille fleuve, une expérience formelle, avoir discuté des Racines de l’oubli dans une prison un souvenir fort… La seule certitude, c’est qu’aucun de ces livres n’a été une production mécanique. Il y a des morceaux du bonhomme dedans.  





Bonjour Christian,

Quand on lit les précédentes questions, on voit bien qu'elles sont principalement axées sur La cycle de Lanmeur. Or votre bibliographie est largement plus grande que ce seule cycle. Du coup je me demandais si cela venait du fait que nous avions proposé ce cycle en partenariat pour votre venue ou si c'était ce cycle qui revenait le plus souvent dans les questions lors des interviews ? 




Christian :

Avant Ti-Harnog, j’ai publié deux romans dans la collection Ailleurs et Demain. Puis j’ai enchaîné sur le cycle de Lanmeur. Hormis quelques nouvelles, le reste de ma production depuis La Terre de promesse concerne des collections pour la jeunesse (science fiction ou autre). Pour une bonne et une mauvaise raisons. La bonne : j’avais très envie de réaliser un projet de roman historique initialement prévu pour Hachette, mais qui n’avait pas abouti. Bayard m’a donné l’occasion de le faire. La préparation des trois tomes de Sous le vent de la liberté, un récit d’aventures qui s’étale de la guerre d’Indépendance américaine à la Révolution française, m’a pris beaucoup de temps. La mauvaise : j’étais quasiment assuré de publier mes textes pour la jeunesse, qui répondaient souvent à une commande ; en raison du peu de loisirs dont je disposais pour écrire, cette circonstance a pesé dans mes choix.

Les A&D étant anciens, les lecteurs d’aujourd’hui découvrent mes romans grâce à la réédition du cycle chez Ad Astra. Il faut sans doute y voir une explication possible à l’exclusivité des questions sur ce cycle.
Pour être complet, on me parle aussi souvent de l’Arbre-miroir (qui a connu il est vrai une vie plus longue grâce à la réédition en livre de poche) et qui est ressorti chez Voy’[el] le même mois que le tome 1 de l’intégrale Lanmeur. Et régulièrement, d’anciens ados nostalgiques me posent des questions sur une éventuelle réédition des Jarvis.
Il n’y a évidemment pas de raison de limiter cette interview au seul cycle lanmeurien : je ne renie aucun aspect de ma production. 



Phooka

Encore moi ...

je rebondis sur votre réponse, car justement, j'ai eu l'occasion de lire L'arbre miroir lors de sa réédition par Voy’[el].
Abordez-vous l'écriture des livres jeunesses de façon différentes de celle des adultes ?

Je viens d'acheter les évadés chez Bayard jeunesse, est ce que l'histoire est un sujet que vous aimez particulièrement aborder dans les livres destinés aux jeunes (et moi jeunes :))?



Christian :


En ce qui concerne les thèmes abordés, je ne fais pas de différence selon le public auquel je m’adresse. Moyennant quelques aménagements mineurs, des romans comme L’Arbre-miroir ou Mission Brume auraient d’ailleurs pu prendre place dans l’univers de Lanmeur. La nuance essentielle tient dans la construction du roman : j’évite les structures éclatées ou les enchâssements complexes dans les romans pour ados, afin de ne pas compliquer la lecture. Mais surtout, je me prive des facilités que procure l’habitude supposée chez le lecteur des codes de la science-fiction, car il n’est pas interdit de penser que le roman sera le premier du genre à tomber sous les yeux de son public. Par exemple, si je dis : le vaisseau plongea dans le subespace, un initié comprendra que l’astronef va parcourir en quelques minutes une distance autrement infranchissable dans la durée de vie de son équipage. Dans un roman jeunesse, je ne couperai pas à une explication sur la structure de l’univers dans le cadre relativiste, et ceci bien entendu sans assener deux pages de cours théorique ni introduire un dialogue artificiel. Par ailleurs, j’ai appris en écrivant pour les jeunes à faire simple sans être simpliste, à aller droit au but, à élaguer ce qui n’est pas indispensable à la progression du récit, à bien contextualiser le vocabulaire sans l’appauvrir ; ce qui, en retour, influe sur mes textes pour adultes. Enfin, je cède à une des lois du genre, qui veut que le personnage principal ne soit pas trop éloigné en âge du lecteur – même si je suis intransigeant sur la vraisemblance, sur ce point comme sur le reste.Mais, à vrai dire, je ne me pose plus trop de questions au moment de l’écriture. Mauvais rêves, bien que son héros soit un adolescent, pourrait prendre place dans une collection pour adulte : l’âge du personnage tient avant tout au constat que bon nombre de créateurs de jeux électroniques sont très jeunes ; quant au thème, la manipulation par les médias, il concerne tout le monde. Les premiers Jarvis ont été écrits au moment où la catégorie « ados » apparaissait dans l’édition – avec la difficulté non résolue qu’entre dix et quinze ans, il y a autant de comportements de lecture que de lecteurs. Aujourd'hui on introduit une nouvelle catégorie : « young adults ». Je reste perplexe. Et si tout ceci n’était qu’un maquillage commercial ?Il n’y a pas grande différence non plus pour moi entre le roman de science-fiction et le roman historique. Dans les deux cas, l’intrigue, au-delà des péripéties vécues par les personnages principaux, permet de décrire le fonctionnement d’une société – avec comme arrière-pensée de renvoyer au monde contemporain. La S.F. est-elle autre chose qu'une sorte d’histoire possible du futur (anticipation, disait-on autrefois).La différence tient bien sûr à la documentation et au fait que le lecteur, dans le cas du roman historique, a déjà une idée, même vague, du contexte.Dans tous les cas, l’intention pédagogique est sous-jacente : il s’agit d’inviter le lecteur (quel que soit son âge) à la réflexion sur les fondements et le fonctionnement de notre société, en donnant un coup de projecteur sur tel ou tel aspect. Dans le cas des Évadés, qui raconte le parcours d’un jeune lycéen amené à convoyer des aviateurs alliés abattus au-dessus d’un territoire occupé, j’ai voulu montrer comment l’Histoire peut faire irruption dans la vie d’un individu ordinaire et le contraindre à des choix auxquels il n’était pas forcément préparé. C’est ce genre de problématique que les auteurs qui ont écrit dans la collection les Romans de l’Histoire étaient invités à explorer. Si, au passage, les lecteurs glanaient quelques connaissances nouvelles sur les événements, tant mieux, mais ce n’était pas le propos.
Il est vrai que, jusqu’à présent, mes romans historiques ont paru en édition jeunesse – même si L’été de la Lune aurait pu être édité sans le moindre changement dans une collection quelconque. Pour le moment, je n’ai pas de projet d’un roman historique « adulte » ; je serais plutôt à la recherche d’une uchronie, car c’est un genre que je n’ai pas encore exploré. 

11 commentaires:

Phooka a dit…

Bonjour Christian,

Je profite du calme de ce jour férié pour vous poser une première question et vous remercier de vous prêter à notre petit jeu du Mois de .

En lisant votre texte d'introduction j'ai donc appris que vous planchiez sur une suite à Lanmeur. Comment vous est venue cette idée/envie ? Aviez-vous déjà des idées sur ce thème depuis les précédents opus ?

Merci
Phooka

Mariejuliet a dit…

Bonjour, je suis en pleine lecture du tome 1 de Lanmeur. Je trouve que beaucoup de nom ont une consonance bretonne. Un hasard ?

Dup a dit…

Bonjour Christian et bienvenue par ici !

Vous dites dans votre réponse à Phooka : " j’ai consacré à d’autres projets le peu de temps que je pouvais consacrer à l’écriture." Peut-on savoir quel est votre autre métier à côté de celui d'écrivain ?
Vous pardonnerez ma curiosité, mais c'est souvent une question qui me tient à coeur, afin de mieux connaître l'auteur que l'on reçoit.

Mariejuliet a dit…

Merci beaucoup pour votre réponse. Votre première réponse me fait me poser exactement la même question que Dup.
Une bretonne

Lauryn a dit…

Bonsoir,

Au début de votre aventure avec Lanmeur, saviez-vous déjà sur combien de tomes elle s'étalerait ou avez-vous fait avec l'imagination du moment ?

Unknown a dit…

Bonjour et merci de vous prêter au jeu !

Lorsque vous entamez l'écriture d'un roman, ressentez vous le besoin irrépressible d'écrire sans cesse ou prenez-vous tout votre temps en étalant les périodes de travail ? Combien de temps vous a prise l'écriture du premier tome de Lanmeur, par exemple ?

Xapur a dit…

Bonjour et bravo pour cette saga que j'ai la chance d'avoir en intégralité (et content de voir qu'un autre tome est en préparation !).
Quel est le roman du cycle que vous préférez ? Et pourquoi ?

Phooka a dit…

Bonjour Christian,

Quand on lit les précédentes questions, on voit bien qu'elles sont principalement axées sur La cycle de Lanmeur. Or votre bibliographie est largement plus grande que ce seule cycle. Du coup je me demandais si cela venait du fait que nous avions proposé ce cycle en partenariat pour votre venue ou si c'était ce cycle qui revenait le plus souvent dans les questions lors des interviews ?

Phooka a dit…

Encore moi ...

je rebondis sur votre réponse, car justement, j'ai eu l'occasion de lire L'arbre miroir lors de sa réédition par Voy’[el].
Abordez-vous l'écriture des livres jeunesses de façon différentes de celle des adultes ?

Je viens d'acheter les évadés chez Bayard jeunesse, est ce que l'histoire est un sujet que vous aimez particulièrement aborder dans les livres destinés aux jeunes (et moi jeunes :))?

Lune a dit…

Bonjour Christian,

J'ai lu récemment votre nouvelle parue dans le dernier Bifrost, Le Réveil des Hommes Blancs. J'ai vraiment beaucoup aimé, elle a un côté très humaniste à l'image de la plupart des histoires lanmeuriennes, qui s'oppose à un côté "administratif" et colonialiste.
Le court vous sied plutôt bien, envisageriez-vous d'écrire un recueil de nouvelles dans le cadre du cycle de Lanmeur ?

Merci en tous cas pour vos œuvres que je suis toujours certaine d'apprécier !

Crunches a dit…

Bonjour et bienvenue (15 jours après, mais c'est l'intention qui compte, n'est-ce pas ?)

Bon, j'avoue. J'avoue tout. Je ne connais pas vos livres, je n'en ai jamais lu et je n'en ai pas dans ma pile à lire. Alors, de tous les livres que vous avez écrits, lequel me conseillerez-vous et pourquoi ?

et ensuite, vient la question la plus importante de votre carrière (si, si, je vous jure !). Vous êtes prêt ? Parce que c'est une question qui demande réflexion !!! A la limite, faites une pause, respirer un grand coup et continuez votre lecture après avoir fait quelques exercices de relaxation....


Quel est votre bonbon/chocolat préféré ?

Comme cette question est assez complexe, je vous permets de réfléchir quelques instants avant d'y répondre (je suis dans un bon jour !) et demande aux autres internautes de ne pas être trop vaches dans les questions qui vont suivre ! Merci !!

Bonne soirée