mardi 28 septembre 2021

Septième page de l'ITV de RAPHAËL BARDAS

 

À LIRE OU À RELIRE !







— Comment qu’vous disez ? grommela mollement la Morue.
— Barre d’As ! sursauta Silas. Je crois qu’on parle du surnom de ma…
— Teu teu teu ! protesta Rossignol en gonflant son accordéon dans un vacarme qui empêcha Silas de terminer sa phrase.
Ils le regardèrent, se demandant bien ce que le musicien bavard allait encore inventer pour les baratiner et leur refourguer l’addition.
— Bardas ! s’exclama-t-il enfin. Raphaël Bardas ! L’homme qui se prétend écrivain et qui a fait de nous ses jouets quelques mésaventures durant.
— Mouaif, soupira la Morue. Jamais entendu parler.
— Un auteur de théâtre ? tenta Silas. Ce nom ne m’est pas complètement étranger, et je ne sais pourquoi, mais il m’évoque la presqu’île de Dados Rojos, ses vins trop forts et ses siestes crapu...
— Non Silas ! Quand cesseras-tu de ne penser qu’à…
— Qu’à ?
— Ce n’est pas vraiment le moment de parler d’amour mon tout beau. Alors non. Non, ou plutôt juste un peu oui, mais pas aussi exactement que ton joli ciboulot pourrait l’imaginer Silas. Le Bardas, c’est le sale type qui, depuis son monde à lui, nous trimbale de rade et rade, et port en port, et de mort en mort…
— Et de couche en couche !
— Oui ! Amis, oui !
— Et d’castagne en castagne ?
— Oui Morue, le Bardas, dans son monde, il est écrivain. Il a écrit des caisses et des caisses de livres à jouer, avec des amis, des jeux de rôles comme on dit là-bas. Parce qu’il a rien contre un peu de convivialité et une bonne histoire à vivre à plusieurs, pour peu qu’il y ait du claquos, de la vinasse et du sauciflard… et ce qu’il aime, en plus de raconter des histoires de copains, c’est nous les faire vivre à nous. C’est comme ça qu’un jour il a fait de nous les Chevaliers du Tintamarre et qu’il nous a embarqués dans le Voyages des Âmes cabossées. Mais bien avant ça, il s’est fourvoyé avec des gars comme le Gaborit ou le Granier de Cassagnac, et bien d’autres comme eux. Il a traîné ses guêtres d’auteur dans les Royaumes Crépusculaires ou encore sur Cosme, avant de se mettre à co-inventer ses propres univers. Amnesya 2K51, Venzia, Retrofutur !
—D’la confiture ?
— Non, Morue, mais ce qu’il invente parfois se voudrait tout aussi sucré… Capharnaüm, et le tout petit roman qui en fut tiré, Aux traîtres indomptables, du sucre, du miel, des épices et tellement de soleil ! Nul doute que c’est un peu ces amours là, ces univers qui le hantent, qui l’ont poussé à nous faire vivre ce qu’il nous a fait vivre.
— Ou mourir !
— Ou mourir oui… d’ailleurs, j’ai fini mon cruchon, qui qui paye la douloureuse ?
— Ce soir c’est Bardas les gars, c’est Bardas qui paye l’addition ! Hein Rossi, j’ai bon ?
— On dit « Qui régale » ! faut tout qu’j’vous apprende.
— C’est Bardas qui régale ? Rien n’est moins sûr les amis !


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Fantasy à la carte :

Bonjour Raphaël, il est vrai qu'à l'heure d'aujourd'hui toutes ces plateformes comptent pour donner de la visibilité. Ca me fait penser que je pourrais également glisser un avis sur certaines pour Le Voyage des Âmes Cabossées. Au vu du nombre importante de sorties par mois, la concurrence est rude, sans doute que ces étiquettes aident le libraire dans son choix de mise en valeur, en tout cas, ça attire l'œil du lecteur, c'est certain. Si tu as pu sortir le tome 2, j'en déduis que le succès était au rendez-vous pour le tome 1, non ? Sinon, tu animes des ateliers d'écriture, qu'est ce qui te pousse à faire ce genre d'initiative ? Et comment cela se passe ?



Eh bien merci par avance :)

Le "Tome 1" a fonctionné dans des proportions raisonnables je pense, suffisamment pour que Mnémos prenne le risque d'un "Tome 2". Il faut savoir que les suites fonctionnent presque toujours moins bien que les originaux. Et puis, au-delà des chiffres, j'ai un éditeur qui fonctionne aussi pas mal à l'affect et qui aime vraiment les textes qu'il choisit. Du coup, sauf en cas d'échec absolument catastrophique, et puisque le "second" peut malgré tout être lu sans avoir lu les Chevaliers du Tintamarre, je crois que le livre l'a convaincu avant tout en tant qu'œuvre originale. A l'inverse, il aurait été tout à fait possible que le second soit refusé s'il ne convainquait pas l'éditeur, même si le premier avait fait 200 000 ventes (on en est très loin, cela dit ;) ).


Concernant les ateliers d'écriture, eh bien, j'avais envie de diversifier ma pratique professio... nan, bon, en vrai j'ai besoin de pognon, parce que j'ai de grosses pensions alimentaires, parce que j'ai des études à payer, de l'orthodontie, que j'ai les poches percées et que je vis avec un salaire de prof (ce qui demeure très loin des 3000 euros dont on entend parfois parler). Or, quand je cherche quelles compétences je pourrais mettre en valeur pour arrondir mes fins de mois, eh bien il faut se rendre à l'évidence : je sais écrire, dire des conneries, faire le show, et un peu me battre aussi. Comme je suis trop petit et trop vieux pour faire un bon videur ou un tueur à gage convenable, j'ai choisi de miser sur l'écriture et sur l'esbroufe. C'est comme cela que j'en suis d'abord venu à la formation pour adultes en animant, par exemple, des ateliers sur l'utilisation du storytelling dans la communication professionnelle et dans la pédagogie. Ensuite, ayant animé pendant des années des ateliers d'écriture avec des ados en milieu scolaire, j'ai eu envie d'aller tenter l'aventure avec des adultes. Je me suis naturellement tourné vers des lieux et des gens que je connais et fréquente par ailleurs. C'est comme cela que je me retrouve à animer des ateliers en MJC. Aussi, je tiens à préciser que je n'ai pas la prétention d'apprendre aux gens à écrire, ni de faire d'eux des écrivains. Chacun y vient avec ses propres envies, ses propres projets, et moi je me contente de mettre tout cela en mouvement par des jeux d'écriture collective, de réflexion de groupe, puis de passage individuel à l'écrit. On passe beaucoup par l'oral et par le jeu, mon objectif principal étant de proposer des contournements possibles en cas de situation de page blanche, et aussi d'aider les "stagiaires" à trouver l'écrivain qui est en eux. Il est parfois difficile de faire la différence entre ce que l'on aime lire, regarder, et ce que l'on va réussir à écrire. On peut être un gros consommateur de polar et avoir en réalité plus de talent pour raconter des histoires d'amour. J'essaie aussi de faire travailler les gens sur le sens de l'écriture, la portée symbolique des textes, à aller au-delà des phrases bien construites et des histoires bien ficelées.

Un exemple de jeu littéraire tiens, pour ceux qui voudraient faire un atelier d'écriture en famille en s'amusant un peu :

Phase 1 : d'abord on tire au sort quatre ou cinq éléments de conte de fées (moi j'ai un jeu de dés pour ça, mais on peut travailler avec des post-it). Chacun des participant doit proposer un conte très court en 20 lignes maximum, en respectant le schéma narratif classique (situation initiale, élément perturbateur, etc.). Chaque "mot" tiré au sort doit avoir droit à sa propre phrase d'introduction. On se les lit ensuite à voix haute, on rit un peu de nos différences de choix, on reste bien entendu dans la bienveillance, nul n'est là pour juger.

Phase 2 : "Le conte et l'enfant pas sage !" c'est ainsi que j'aime l'appeler. Il s'agit d'imaginer cette fois les réponses de l’enfant à qui on le raconterait, ce conte. Chacune reprend donc son texte comme s'il était lu à un gosse un peu relou (à chacun de décider pourquoi et dans quelles proportions), et doit imaginer les réactions et les questions de l'enfant. On peut bien entendu adapter ce qui a été écrit précédemment pour que cela fonctionne sous forme de dialogue, ou tout bonnement parce que les interventions de l'enfant peuvent pousser à modifier des éléments du texte.

Dans cette deuxième phase, on a en réalité travaillé la plasticité narrative, la capacité à modifier une idée de départ tout en travaillant sur sa cohérence et sur sa capacité à se remettre en question.

Phase 3 : il y a deux options que j'aime mettre en place à ce point précis : soit réécrire l'intégralité du récit et de ses dialogues avec l'enfant comme narrateur (on ajoute ici une réflexion sur l'importance du point de vue dans un récit). Soit demander de réécrire légèrement le texte en imaginant que l'adulte et l'enfant sont les deux mêmes personnes à deux étapes différentes de leur vie, terminer par la rédaction d'un mini récit cadre (une intro et une conclusion en somme) ; avec cette dernière approche, le "stagiaire" se retrouve confronté à une question supplémentaire qui va donner du sens à l'ensemble de son travail (et sans doute le pousser à modifier encore une peu le récit), et cette question c'est celle du "pourquoi". Pourquoi un adulte aurait besoin de raconter cette histoire à l'enfant qu'il a été, ou à l'inverse, selon le choix fait (mais celui-ci est plus rare, bien que passionnant) : pourquoi un enfant ressurgirait du passé pour raconter ce conte à l'adulte qu'il est devenu...

Ca tient en 1 à 2h selon le nombre de personnes, la rapidité de chacun et l'envie de bavarder et de commenter, mais je vous jure qu''il y a de quoi passer un super moment de création et de réflexion littéraire.


Bon, je dois bien avouer que tout ça ne paye pas la pension alimentaire :D. C'est super bon pour les méninges, pour l'égo, pour le lien social, etc. alors je vais continuer encore un peu.

J'avais des projets en médiathèque, mais finalement ils sont plus intéressés par des animations en jeu de rôle, alors ce sera du jeu de rôle. On m'a aussi contacté pour scénariser une sorte d'escape game littéraire à l'échelle de la "grosse" ville du coin (Montargis)... je crois qu'on va bien s'amuser :)

En fait, ce qui est sympa, c'est que le (modeste) succès des Chevaliers du Tintamarre, et ma grande gueule, font émerger des propositions assez inattendues, c'est vraiment cool. Je dois juste rappeler assez souvent aux gens que "non, je ne suis pas les Chevaliers du Tintamarre, oui on va voyager en imaginaire et rigoler un peu, mais moi je suis l'écrivain, pas le clown-alcolo-bagarreur de service".


Aely Nath :

Bonjour

Déjà 7 pages. Ouahhh et que de superbes réponses à nos questions. Enfin plutôt à leurs questions lol j’ai tout juste le temps de lire et de penser à une qu’elle est déjà posée (en mieux 😂).
Mais j’en ai quand même une qui j’espère n’est pas passée au travers de mon radar.

Quand on écrit de la fantasy est ce que des événements de la vie réelle peuvent être utilisés comme base pour le récit ? Par fois on peut prendre des mimiques ou des points de caractère des copains mais est ce que des situations (comiques, tragiques, des dialogues même) peuvent être, remaniées ou non mises dans un roman comme les chevaliers du Tintamarre ?

Quand nous pouvions encore sortir en liberté partout il m’est arrivé d’entendre u café des conversations totalement surréalistes 😂 alors des échanges comme ceux de nos trois gaillards m’ont donné une sensation de vécu.


Me re-voilà ! Vous aviez cru qu'une horde de dragondingres accros à mes ronflements nocturnes m'avaient dévoré pour avoir un peu de ce formidable ronron eu fond d'eux à jamais ? Mais non, j'ai retrouvé le chemin du clavier, alors allons-y !


Qu'a-t-on aujourd'hui? Hum... l'usage du vécu dans l'écriture de l'imaginaire ? Je pense, en toute sincérité, que rien ne sort ex-nihilo de l'imagination de l'auteur. Tout n'est que construction en réaction au passé, à l'expérience réelle ou fictionnelle, et finit par ressortir un jour sous la plume de l'auteur.

Après, selon les auteurs, c'est plus ou moins conscient. Il y a des fois où je vis un truc et me dis :"ah oui, ça il faut vraiment que je le place quelque part". Le "c'est chacun mon tour" et le "j'vais t'mettre ton poing dans ma gueule", chers à la Morue, sont des répliques volées à un type que j'ai entraîné à la boxe pendant quelques années, 10 ans de légion étrangère, devenu fossoyeur au Père Lachaise, entraîneur de Krav Maga et affublé de quelques faiblesses linguistiques. Un vrai personnage de roman ! Aussi m'arrive-t-il parfois de voler sans m'en rendre compte des vannes à ma compagne. Elle me le fait remarquer à la relecture et alors on se dispute un peu la paternité de la réplique, et après on décide si je la garde ou non :) En réalité, il y a pas mal de personnages truculents dans mon entourage, et de nos échanges peuvent naître des idées ou des situations, mais il est rare qu'une réplique ou un dialogue complet se retrouve dans mes bouquins. Il s'agit en général plutôt d'une idée venue après, mais provoquée par une situation vécue.

Pour le reste, il y a, en ce qui me concerne, énormément de choses issues du réel qui ressurgissent lors de mon écriture, mais je n'en prends pas toujours conscience. J'ai constaté récemment qu'un évènement marquant de mon enfance traversait à peu près tout ce que j'avais écrit ou étais en train d'écrire. C'était complètement inconscient jusqu'à il y a peu, mais maintenant que je sais que c'est là je dois décider de ce que je vais en faire : soit je m'en empare pour en faire un livre à part entière, soit je continue de le laisser transpirer à sa façon quand il doit le faire. Le premier choix ne pourra pas faire un livre de SFFF cela-dit.

Des fois, l'inverse se produit, j'ai été très amusé cet été de voir mon fils cadet (Marius, 9 ans) se comporter exactement comme Silas au moment où il a vu Alessa pour la première fois. Une gamine lui demande si elle peut jouer avec lui, il répond "regarde, je sais faire un salto !" et paf, salto (raté), mais tellement mignon. Silas lui avait eu envie de faire la roue.


Fantasy à la carte :

Bonjour Raphaël, merci pour la proposition d'exercice. A tester donc ! Je trouve ça super intéressant. C'est quand même un sacré boulot en plus de tes propres projets à écrire et de ton taf, tu arrives à dormir quand même ?

Sinon Les Imaginales cette année. Tu y étais l'année dernière ou c'est ta première édition en tant qu'auteur ? Ca fait quoi de passer de lecteur visiteur à auteur vendeur de livres alors ?


Bonjour Jessica, et merci encore pour ta fidélité :)

Est-ce que je dors ? Est-ce que je trouve le temps de dormir ? Oui, oui, la plupart du temps. J'ai la chance de penser et de travailler vite, à condition de ne pas trop devoir filer mes notes à quelqu'un après. Bon, je dois bien avouer que compte tenu de l'emploi du temps 2021-2022, entre les soirées ateliers d'écriture, celles où mes fils et belles-filles finissent tard leur entraînement de Dakaïto Ruy, Taekwondo, Escalade ou Ecole du cirque, les gardes alternées, mes propres entraînements sportifs, je ne vois pas encore quels seront mes temps d'écriture cette année. Sans doute les pauses déjeuner car je crois bien que pour les soirées ca va être mort :D (passé vingt et une heures c'est à poil dans le canap' avec un verre de rouge et un bon film...nos gosses étant conscients de mon incapacité à garder des fringues sur moi passé 21h, ils prennent bien soin de ne pas quitter leurs chambres :D)

Les Imaginales ? Ce sera ma première fois tout court, je n'y ai jamais mis les pieds auparavant. Par le passé j'ai été "exposant" sur un certain nombre de salons (le Monde du jeu, la Gencon, etc.) pour les éditions Multisim (il y a donc 1 million d'années) et plus récemment pour les Deadcrows. En gros j'animais des parties de démo de Agone, Abyme, Guildes, Rétrofutur et plus tard Amnesya, Capharnaüm, Venzia et Macadam Fairies. Je me souviens de conversations assez folles avec des passionnés de JDR qui connaissaient les jeux sur lesquels j'écrivais bien mieux que je ne les connaissais moi-même. C'est toujours un choc, mais ça fait partie du jeu, l'œuvre nous échappe toujours un peu, et au moins autant que les gens se l'approprient de leur côté.

Je suis très pressé d'aller aux Imaginales. Rencontrer en "vrai", les lecteurs qui ont aimé (ou même détesté d'ailleurs, ça pourrait être marrant), mon travail. Et puis, en toute sincérité, faire un peu la fête, ça me manque.


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3 commentaires:

Nath Aely a dit…

Bonjour
Déjà 7 pages. Ouahhh et que de superbes réponses à nos questions. Enfin plutôt à leurs questions lol j’ai tout juste le temps de lire et de penser à une qu’elle est déjà posée (en mieux 😂).
Mais j’en ai quand même une qui j’espère n’est pas passée au travers de mon radar.
Quand on écrit de la fantasy est ce que des événements de la vie réelle peuvent être utilisés comme base pour le récit ? Par fois on peut prendre des mimiques ou des points de caractère des copains mais est ce que des situations (comiques, tragiques, des dialogues même) peuvent être, remaniées ou non mises dans un roman comme les chevaliers du Tintamarre ?
Quand nous pouvions encore sortir en liberté partout il m’est arrivé d’entendre u café des conversations totalement surréalistes 😂 alors des échanges comme ceux de nos trois gaillards m’ont donné une sensation de vécu.

Fantasy à la carte a dit…

Bonjour Raphaël, merci pour la proposition d'exercice. A tester donc ! Je trouve ça super intéressant. C'est quand même un sacré boulot en plus de tes propres projets à écrire et de ton taf, tu arrives à dormir quand même ?

Sinon Les Imaginales cette année. Tu y étais l'année dernière ou c'est ta première édition en tant qu'auteur ? Ca fait quoi de passer de lecteur visiteur à auteur vendeur de livres alors ?

Dup a dit…

Ah Épinal... Tu vas pouvoir rencontrer le mythique Bougnat !

Bon, tu parles de rencontrer tes lecteurs, mais qu'en est-il des collègues auteurs ? Notamment la team Mnémos, tu les as déjà rencontrés dans la vraie vie ? J'imagine très bien le trio infernal Cerutti-Bardas-Latil-Nicolas...