Tome 7 de l'interview de David Bry
On lui laisse la parole.
Bonjour et bienvenue dans ce 'Mois de", celui qu'on va faire ensemble :)
Déjà, un grand merci à Dup et Phooka qui m'ont fait le plaisir et la gentillesse de m'inviter. Je suis ravi ! Échanger sur la lecture, l'écriture, l'imaginaire, les histoires, je trouve ça passionnant. Et ce n'est pas tous les jours qu'on en a l'occasion. Nous autres, auteurs, avons des métiers assez solitaires en dehors des festivals et de ces moments-là.
Bref !
On y va.
Vous êtes prêts ?
Moi, non :D. Mais ça va, j'aime les surprises. Et l'impro.
Je suis donc David Bry, 48 ans au moment où j'écris ces quelques lignes, seul, dans mon bureau, l'air (évidemment :) ) inspiré.
J’invente des histoires depuis que je suis tout petit : première nouvelle à 9 ans, premier roman à 12 ans. On pourrait croire au génie, genre le Mozart de l'imaginaire. Ben non, pas du tout. J'ai galéré, longtemps, j'ai écrit des textes pas forcément excellents, mais il fallait que j'en passe par là pour essayer de faire mieux, techniquement parlant entre autres. Je crois que c'est en partie ça qui me pousse, d'ailleurs : essayer de faire mieux à chaque fois. À mon sens, écrire est un chemin. Chaque roman est une pierre, une étape, un endroit où on se pose pour mieux repartir. Je trouve ça fascinant, même si reprendre la route ça veut dire aussi abandonner une histoire qu'on a terminée, ce qui noue à chaque fois les tripes. Vraiment.
Si je lis de tout (ou presque), je n'écris que de l'imaginaire. C'est le genre qui me va le mieux. Faire appel aux monstres, à la magie, au merveilleux, c'est comme ça que je sais raconter et, j'espère, toucher les lecteurs. Il y a dans l'imaginaire quelque chose de très intime, que je trouve d'une grande beauté. On touche aux peurs, aux espoirs, à l'enfance, aux mythes fondateurs. Tout cela est très enfoui en nous, et pour autant nous anime. Enfin, c'est ce que je crois :).
Pour ceux qui m'ont déjà lu, vous savez déjà sans doute que j'aime les histoires tristes. Genre, très tristes. Je suis fasciné par le tragique, par le destin, par les sacrifices et la perte (mais moi, je vous assure, je vais très bien ;) ). Il y a quelque chose que je trouve profondément humain dans tout ça. Que passe l'hiver, 2087 ou Le Chant des géants sont dans cette veine, ce tragique. La Princesse au visage de nuit s'y apparente, même s'il y a plus de lumière dans ce roman que dans les autres. Le Garçon et la ville qui ne souriait plus est une exception. Je venais d'être papa, je ne voulais pas ni ne pouvais pas écrire d'histoire triste à ce moment-là. Que mes lecteurs me pardonnent ! :D
Pour autant, j'aime beaucoup rire aussi (puisque je vous le dis, que je vais bien ! :) ). Les Contes désenchantés forment un petit recueil à l'humour souvent noir que j'ai adoré écrire, et je ne désespère pas de continuer parfois dans cette veine.
Enfin, j'écris aussi de la jeunesse depuis peu, grâce aux éditions Nathan. Les Héritiers de Brisaine est une série que j'adore : quand je l'écris, j'ai l'impression d'avoir 10 ans et de vivre mille aventures avec mes meilleurs amis et une épée en bois.
Voilà. Après ces quelques mots fort académiques, je vous propose un jeu, d'accord ? J'adore jouer :). Et puis je n'aime pas trop parler tout seul ;). On va donc jouer au portrait chinois, sur toute la semaine. Vous me posez une question (Si tu étais...) dans les commentaires, et je réponds. Et j'ai le droit moi aussi de vous en poser une.
D'accord ?
Allez.
Zou.
C'est parti.
:)
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Bonjour David, c'est très sympa ce qu'on peut faire avec les enfants autour de la littérature, c'est très important. Ce sont de beaux moments de partage effectivement.
Sinon, en festival ou salon, as-tu déjà fait des rencontres étonnantes ? Quel est ton pire et ton meilleur souvenir ?
David :
Bonjour Fantasy à la carte !Des rencontres étonnantes ? Plein ! Des lecteurs en costume (j'adore !), qui viennent avec mes tous premiers romans (je tremble d'effroi :O), qui viennent me revoir d'année en année (je suis vraiment ravi), des lecteurs que j'ai oublie (j'ai honte, mais honte !), des petits cadeaux, parfois, qui me touchent toujours.La rencontre qui m'a le plus étonné, j'avoue, c'est en 2019 lorsque la directrice du pôle Découvertes chez Nathan est venue me voir, pour me proposer que je travaille chez Nathan. Elle avait écouté l'une de mes tables rondes aux Imaginales (c'était l'année où j'étais Coup de coeur du festival), et avait été accrochée, ou touchée. C'est comme ça que j'ai commencé à travailler chez Nathan, et c'est je trouve une très belle histoire :).Mon pire souvenir ? C'est toujours un peu le même truc : quand je reconnais les visages, mais que je ne me souviens plus des prénoms, même de personnes que je vois souvent ! En festival, les visages défilent, on est souvent un peu crevés, et moi je perds les prénoms. Je déteste ça, alors que je suis toujours heureux que les lecteurs viennent me voir ! Vraiment, je suis mal à l'aise. Sinon, mon pire souvenir mais un peu plus drôle, c'est un lecteur très, très, très bizarre, qui me demande de lui raconter mes romans, je le fais... et puis il m'arrête et me dit "Je peux vous poser une question ?". Avec mon sourire de jeune-premier-habitué-aux-questions-chelou j'ai répondu "Bien sûr !". Et il m'a demandé "Est-ce que je pue ?".J'ai bloqué quelques secondes.Re sourire."Mais non, pas du tout !" ai-je répondu."J'ai des problèmes de digestion.""Ha."Voilà.Que voulez-vous répondre à ça ?Moi, je ne sais pas :D.Mais c'était drôle, en vrai.Après.Mon meilleur souvenir ? Je le raconte parfois, c'est toujours le même, depuis quelques années. C'était aux Imaginales, une lectrice en situation de handicap qui avait du mal à voir, parler, entendre, qui est venue me dire à quel point Que passe l'hiver, avec son héros au pied bot, l'avait touchée. J'en ai eu les larmes aux yeux de me dire que j'avais pu être utile, peut-être, que j'avais pu embarquer cette lectrice avec moi, que j'avais pu montrer autre chose des personnes en situation de handicap aussi. En tout cas, l'avoir emmenée avec moi dans cette histoire, vraiment, m'a bouleversé.
Regina Falange :
Bonjour David. Vendredi j'ai terminé La princesse au visage de nuit et par moments j'ai flippé quand même. Le lendemain j'étais à cultura et j'ai rencontré Ariel Holzl, je lui ai pris son dernier roman, la princesse sans visage et on s'est fait la réflexion que les titres se ressemblaient. Comment choisi-tu le titre de tes romans ? Tu les connais depuis le début ou ils viennent plus tard ou même en fin d'écriture ? Est-ce qu'il arrive que l'éditeur propose des titres aussi ? D'après toi qu'elle est l'importance d'un titre ?
David :
Bonjour Regina !Ah, Ariel ! Je lui ai acheté un paquet de bouquins pour les offrir, je n'en ai jamais lu 1 seul encore ! Mais je vais remédier à ça cette année, il m'a pitché en avance sa Princesse sans visage, et j'ai adoré (les précédents aussi, tu me diras).Bref.Comment je choisis mes titres ? Il y a deux cas de figure.Pour les Contes désenchantés, 2087, Que passe l'hiver, La Princesse au visage de nuit, les titres sont arrivés dès le début, avant même que je commence à écrire l'histoire. C'est la situation que je préfère car, pour le dire tout de suite, je trouve que les titres sont extrêmement importants. Ils doivent, un peu comme la couverture, en un clin d'oeil, en une fraction de seconde, commencer à raconter l'histoire. En dire quelque chose. Quand j'ai ça dès le début de l'écriture d'un roman, je suis plus à l'aise. C'est comme un condensé de l'histoire. Je le porte avec moi et, ainsi, risque moins de me perdre dans ce que j'ai envie de raconter.Pour Le Garçon et la ville qui ne souriait plus et Le Chant des géants, les titres sont arrivés après l'écriture. Le Garçon s'appelait avant La Cour des miracles, mais j'ai finalement abandonné l'idée de rivaliser avec Victor Hugo. Je pense avoir bien fait :D. Et le titre définitif m'est venu comme ça, tout seul une après midi où je cogitais, et il parle très bien de l'histoire.Pour Le Chant des géants, j'ai un peu plus galéré, hésité. Le roman s'appelait dans sa première version La Vie est rêve de géants, mais si cela parlait bien du roman, cela ne m'allait pas trop. Je voulais quelque chose de plus poétique, de plus tragique, de plus court. C'est peu à peu que c'est imposé Le Chant des géants, qui renvoie aux chants contés, aux tragédies. Ce qui me va très bien.L'éditeur me propose rarement des titres, et je préfère les trouver seul. C'est quelque chose de presque intime, un titre. C'est comme résumer mon roman en quelques mots, avec l'intention du roman *en plus*. Je pense que c'est un travail d'auteur.
David :
Bonjour Fantasy à la carte ! :)Oui. L'écriture de chaque roman est différente et, en effet, plus ou moins facile... ou plus ou moins difficile :P.J'ai eu énormément de mal à "accoucher" de l'idée du Chant des géants, cela m'a pris des semaines et des semaines de doute. Le découpage en chapitres n'a pas été facile non plus. Par contre, une fois cela fait, l'écriture a été étonnamment facile. Tout était fluide, venait presque tout seul. Un drôle de sentiment, d'autant que le 1er jet a été le définitif. En dehors de quelques ajustements / corrections, il n'a pas nécessité beaucoup de retravail. C'est la première fois que cela m'arrive !A contrario, la Princesse au visage de nuit a été, elle, très difficile à écrire. Peut-être parce que c'était mon premier polar fantastique, peut-être était-ce à cause du fil, de la crête sur laquelle je voulais rester, je ne sais pas trop. Mais je me suis posé plus de questions, j'ai dû plus travailler et retravailler chaque chapitre, et le mélange des époques, des enquêtes et des personnages m'a donné beaucoup de fil à retordre. J'ai d'ailleurs songé à un moment à utiliser un outil du genre Scrivener pour y voir un peu plus clair mais, après avoir essayé, j'ai abandonné. Je ne m'y retrouvais pas, je n'arrivais pas à travailler en laissant une partie de mes pensées dans un outil. J'avais besoin de tout "englober", et c'est ça qui a été difficile pour moi dans l'écriture de ce roman. C'était un gros morceau. Mais j'ai fini par y arriver, heureusement !Que passe l'hiver, pour prendre un dernier exemple, a lui aussi été difficile à écrire. J'ai dû creuser, fouiller loin pour réussir à faire émerger cette tragédie. C'est une histoire lourde et y vivre plusieurs mois durant n'a pas toujours, toujours été très drôle, même si je suis fier du résultat.Je pourrais aussi parler des autres romans mais, comme tu le vois, l'écriture est à chaque fois différente. Ce qui reste identique, par contre, c'est ce sentiment d'apprentissage. Chaque roman est une étape. J'essaie des choses, des manières d'écrire, de travailler, et ça m'apporte, m'apprend, et toute cette matière je peux l'utiliser pour le roman suivant. C'est vraiment quelque chose de passionnant !Et quelle que soit la facilité ou la difficulté d'écrire telle ou telle histoire, cela ne joue pas sur mon affection vis à vis d'elle, c'est totalement indépendant. La difficulté n'est d'ailleurs pas quelque chose qui me fait peur, au contraire même ! C'est quand je trouve les choses faciles que je m'inquiète :).
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QUELQUES NEWS DE DAVID APRÈS CES IMAGINALES
Salut à toutes et tous !
Bon, c'est juste dingue comme le temps a passé vite sur ces quelques jours d'Imaginales. Je ne crois pas avoir vécu d'édition aussi intense, et pourtant, je me suis rarement ennuyé !
Un grand, grand merci à Dup, Phooka et Danielle pour les chocolats (ah, vous savez me parler !! :), c'était adorable, vraiment ! Je suis désolé qu'on se soit ratés dimanche pour le passage de relais avec Alex. J'ai passé 4 jours à être en retard et à courir dans tous les sens. Le dernier jour était sans doute le plus speed de tous. Mais on aura l'occasion de se revoir, j'espère !
Pour vous montrer mon état quand même, je me suis dit que j'allais faire un petit selfie de moi enfin au repos, après ces Imaginales.
Le voici.
Bises à toutes et tous :)
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Prochaines questions et réponses dans une nouvelle page ;)
3 commentaires:
Bonjour David,
Je rigole parce que tu me demande si je viens aux Imaginales… alors je vais répondre OUI (sinon ça veut dire qu’on est dans une boucle de temps et que tout cela n’est pas encore arrivé… ARGG je suis paumée…) et mon moment préféré a été le premier pas fait dans le parc.
J’ai une petite question sur tes habitudes d’écriture : matin, après-midi, les deux ? Dois-tu t’imposer des horaires où c’est selon ton inspiration ? Tu grattes encore du papier ou tout sur PC ?
Encore un peu de portrait chinois : si tu étais ton moment le plus fort des Imaginales 2022 ?
Danielle
Bonjour David, quand tu auras retrouvé ta forme après t'être "démomifié" (je compatis, c'est dur de se remettre de ce genre de weekend intense), j'ai une question pour toi, toujours sur la thématique des Imaginales pour une reprise toute en douceur. Comment ça se passe quand on est invité d'honneur des Imaginales ? Qu'est-ce que cela implique ? Quels sont les impacts sur ta vie d'auteurs ? Le succès de tes livres ?
Bonjour David.
Pour rester un peu dans le thème des imaginales aussi et plus exactement des dédicaces, je me demandais qu'elle était ton organisation ? As-tu tjs ton matériel ou es-tu le genre à piquer le stylo des voisins ou de l'organisateur ? As-tu des petites phrases clés pour chaque roman ou tu te laisses porter par l'inspiration du moment ? Est-ce intimidant de se retrouver seul derrière une table ?
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