Éditions L'Homme Sans Nom
416 pages
21,90
L'avis express de Célestopol 1922 de Emmanuel
Chastellière
Treize nouvelles avec tant de fils rouges que le tout forme un roman plus
que plaisant à découvrir.
Coup de coeur bien évidemment !
L'AVIS DE DUP
Me voilà à nouveau aux prises avec les affres d'une chronique d'un recueil
de nouvelles, exercice ô combien problématique pour moi, alors que j'ai
adoré cette lecture. Je l'ai trouvé bien plus profonde et plus émouvante
encore que le premier ouvrage baptisé
Célestopol
tout court qui était déjà un coup de coeur. Je vais prendre le parti de vous
en parler comme d'un roman et non comme un recueil parce que c'est ainsi que
je l'ai ressenti. Donc pas d'énumération, ni probablement de citation de
titres de nouvelles.
Mais je voudrais en premier lieu insister sur le fait que ces deux volumes
sont vraiment indépendants. Il n'est nullement besoin d'avoir lu le premier
pour lire celui-ci. Car Emmanuel Chastellière a fait en sorte de nous faire
découvrir à nouveau sa cité lunaire, nous baladant au gré de ses nouvelles
dans tout ses quartiers, ses coins et ses recoins. Nous faisant découvrir
son superbe opéra construit par Charles Garnier que le duc Nicolaï a su
gentiment appâter et détourner de Paris (j'adore 😂). Nous faisant admirer
ses merveilles architecturales en surface et sa misère en sous-sol, le tout
baignant dans les brumes mordorées et mouvantes du fameux
Sélénium.
Nous sommes donc en 1922, sur la lune, sous la coupole qui abrite
Célestopol, la cité du duc Nicolaï. Ce dernier qui n'est autre que le fils
de Glorianna, impératrice de la Russie, tend de plus en plus à prendre son
indépendance vis à vis de la mère patrie. Mais si la population de
Célestopol est aujourd'hui cosmopolite, la majorité de ces plus anciennes
familles sont russes et ont embarqué avec elles le folklore si riche de ce
pays. Certains récits ancrent ainsi la cité lunaire dans une ambiance pleine
de mystères qui nous ferait croire être de retour sur Terre, en plein coeur
de la Russie. Liéchi, kot Baioun, drioma et autres polovdnitsas hantent ces
pages.
Et toujours cette ambiance steampunk avec ces automates que l'on rencontre
très souvent. Qu'ils soient destinés au plaisir comme chez Hécate, qu'ils
servent de nyanya (nounou) aux enfants de nantis, de domestiques à ces
derniers, où même de bras droit au duc Nicolaï. Emmanuel Chastellière fait
passer tellement d'humanité dans certains qu'ils deviennent des personnages
à part entière et certains m'ont beaucoup émue. Ajax bien sûr, ou alors ces
musiciens placés sur une grand place de Célestopol pour jouer ad vitam
aeternam les mêmes ritournelles. Mais aussi ceux mis au rebut dans une
déchetterie, parce que obsolètes, ou démodés, bref devenu inutiles... tout
comme les humains miséreux parcourant ces mêmes déchetteries.
Ce que j'ai le plus adoré dans ce roman recueil ce
sont les faits historiques réels qui se sont déroulés en 1922 et qui sont
repris ici dans la trame, alors même que le contexte géopolitique et historique sur la
terre de Emmanuel Chastellière est radicalement différent. Ainsi nous
assistons à la visite à Célestopol de l'archiduc François-Ferdinand. Le duc
Nicolaï organise les championnats du monde de patinage artistique, nous offrant la plus poignante des nouvelles. Mais aussi une autre
nouvelle que j'ai adoré tournant autour de la découverte du tombeau du
pharaon Toutânkhamon qui a réellement eu lieu en novembre 1922. L'auteur
sait comment nous remuer les tripes !
Les personnages aussi ont une sacrée importance car, contrairement aux
recueils de nouvelles classiques, beaucoup sont récurrents. Certains
déjà croisés comme les deux singuliers mercenaires du duc Nicolaï : la
petite et teigneuse Arnrún et Wojtek toujours piégé dans ce corps d'ours.
Sans dire qu'ils sont approfondis car le mystère plane toujours sur eux, je
m'y suis sacrément attachée. Les retrouver même comme second couteau dans
une nouvelle me fait chaud au coeur alors imaginez quand ils en sont les
personnages principaux ! Le duc Nicolaï aussi, que l'on croise bien plus
souvent dans cet opus. L'énumération serait trop longue encore une fois, car
même les anonymes croisés une seule fois, ont leur place, leur importance et
sauront vous émouvoir, d'autres vous glacer d'effroi et d'autres encore
soulever une antipathie certaine.
Les thèmes abordés via ce biais des nouvelles sont du coup divers et
variés. La tension ouvrière, la lutte sociale due aux inégalités bien
présentes également sur la lune, la création de gang de voyous appelé
Cheyennes en parallèle aux Apaches apparus à Paris en 1900, le féminisme
aussi ressort, carrément appuyé par la présence humble de Marie Curie au
sein d'un petit club de lecture. Abordée aussi l'importance de la culture
sous toutes ses formes : l'architecture, la peinture, la musique, etc, et
bien sûr la lecture !
J'ai adoré cette lecture. Célestopol et Célestopol 1922 font
partis des livres que j'aurai plaisir à relire un jour, et je peux affirmer
que ce seront sûrement les seuls recueils de nouvelles de cette liste très
courte. Je ne peux que vous conseiller de les découvrir, dans l'ordre que
vous voulez !
Un dernier mot pour saluer le travail des éditions HSN sur ce livre avec de
grands rabats qui cachent en fin d'ouvrage une superbe carte de Célestopol
qui a bien failli m'échapper ! Emmanuel Chastellière a toujours les faveurs
du grand Marc Simonetti qui offre à ce roman une illustration parfaite. Du
bel ouvrage !