mercredi 13 octobre 2021

Onzième page de l'ITV de RAPHAËL BARDAS

 

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— Comment qu’vous disez ? grommela mollement la Morue.
— Barre d’As ! sursauta Silas. Je crois qu’on parle du surnom de ma…
— Teu teu teu ! protesta Rossignol en gonflant son accordéon dans un vacarme qui empêcha Silas de terminer sa phrase.
Ils le regardèrent, se demandant bien ce que le musicien bavard allait encore inventer pour les baratiner et leur refourguer l’addition.
— Bardas ! s’exclama-t-il enfin. Raphaël Bardas ! L’homme qui se prétend écrivain et qui a fait de nous ses jouets quelques mésaventures durant.
— Mouaif, soupira la Morue. Jamais entendu parler.
— Un auteur de théâtre ? tenta Silas. Ce nom ne m’est pas complètement étranger, et je ne sais pourquoi, mais il m’évoque la presqu’île de Dados Rojos, ses vins trop forts et ses siestes crapu...
— Non Silas ! Quand cesseras-tu de ne penser qu’à…
— Qu’à ?
— Ce n’est pas vraiment le moment de parler d’amour mon tout beau. Alors non. Non, ou plutôt juste un peu oui, mais pas aussi exactement que ton joli ciboulot pourrait l’imaginer Silas. Le Bardas, c’est le sale type qui, depuis son monde à lui, nous trimbale de rade et rade, et port en port, et de mort en mort…
— Et de couche en couche !
— Oui ! Amis, oui !
— Et d’castagne en castagne ?
— Oui Morue, le Bardas, dans son monde, il est écrivain. Il a écrit des caisses et des caisses de livres à jouer, avec des amis, des jeux de rôles comme on dit là-bas. Parce qu’il a rien contre un peu de convivialité et une bonne histoire à vivre à plusieurs, pour peu qu’il y ait du claquos, de la vinasse et du sauciflard… et ce qu’il aime, en plus de raconter des histoires de copains, c’est nous les faire vivre à nous. C’est comme ça qu’un jour il a fait de nous les Chevaliers du Tintamarre et qu’il nous a embarqués dans le Voyages des Âmes cabossées. Mais bien avant ça, il s’est fourvoyé avec des gars comme le Gaborit ou le Granier de Cassagnac, et bien d’autres comme eux. Il a traîné ses guêtres d’auteur dans les Royaumes Crépusculaires ou encore sur Cosme, avant de se mettre à co-inventer ses propres univers. Amnesya 2K51, Venzia, Retrofutur !
—D’la confiture ?
— Non, Morue, mais ce qu’il invente parfois se voudrait tout aussi sucré… Capharnaüm, et le tout petit roman qui en fut tiré, Aux traîtres indomptables, du sucre, du miel, des épices et tellement de soleil ! Nul doute que c’est un peu ces amours là, ces univers qui le hantent, qui l’ont poussé à nous faire vivre ce qu’il nous a fait vivre.
— Ou mourir !
— Ou mourir oui… d’ailleurs, j’ai fini mon cruchon, qui qui paye la douloureuse ?
— Ce soir c’est Bardas les gars, c’est Bardas qui paye l’addition ! Hein Rossi, j’ai bon ?
— On dit « Qui régale » ! faut tout qu’j’vous apprende.
— C’est Bardas qui régale ? Rien n’est moins sûr les amis !


💙💙💙💙💙💙💙💙💙💙💙💙💙💙💙💙💙💙💙💙


Ramettes :

Bonsoir,
Contente que nos questions aient stimulé ton imagination... tes écrits eux stimulent notre imagination.

Je suis restée un peu bloquée par les plumes de griffons, les ongles de je ne sais plus quoi et l'hallucinium... que de substances étranges... c'est une impression ou tu aimes pousser à l'extrême tes personnages ? dépasser leur limites... ainsi que toutes les frontières comme par exemple la vie et la mort ?


Ah, Ramettes ! :) Merci pour ces agréables considérations ! :)
Je dois dire qu'avant de commencer à répondre, j'ai moi même une question : Ramettes ? Mais d'où c'est-il que vient donc ton pseudonyme ? Bon, en tout cas, tu ne dois pas être du genre à engueuler tous les habitants de la maison depuis les chiottes parce qu'il n'y a plus de papier :D
Oups... je vois déjà les sourcils levés des hermétiques à la tache de gras là-bas au fond. Oui, les copains, oui, Bardas a encore parlé de caca !


Mais ! Mais oui ! C'est en fait une facétieuse introduction, car pour répondre à ta question sur les mâche-merveilles (si c'est c'est bien ce dont tu parlais, sinon corrige-moi et je répondrai mieux...), nous allons devoir parler d'intestins ! :)
Pour développer l'imaginaire le plus adapté à la cité de Morguepierre (et un peu du reste du monde, mais celui-ci demeure tout de même plus varié et souvent plus lumineux), j'ai travaillé sur la thématique de la dévoration et, par conséquent, de la digestion. Par défaut, je partais avec la conviction qu'on pouvait faire de la poésie avec du sale, du fécal, et que ça pouvait passer. Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire entre autres l'ont prouvé. Aussi, il n'y a qu'a réécouter Amsterdam, ou Ces gens-là de Brel pour rencontrer ces esthétiques de la dévoration...
Je crois que c'est très Chrétien tout ça en fait. Bien qu'étant moi même un athée fervent, un mécréant convaincu et un anticlérical affirmé (oui, tout ça à la fois !), je suis issu du croisement entre une famille beauceronne bien ancrée dans son terroir (enfin, ma grand-mère maternelle tenait un bar de village, mais les ouvriers agricoles y avaient leurs habitudes) et d'une famille de réfugiés espagnols et catalans (oui, je fais la distinction, pour ne vexer personne, mais la faire peut aussi vexer, alors ça peut tourner au vinaigre en fait, remettons nos casques...).
En bref, j'ai eu droit à la totale : baptême, gourmette, vierge en plâtre au-dessus de mon lit, première communion, profession de foi, etc. Oui oui. Moi. Un jour il faudrait que je raconte mon catéchisme dans un bouquin, on pourrait bien se marrer.
Bon, tout ça pour dire que les catholiques, avec leur eucharistie, la communion, l'Ostie et le corps du Christ, ils m'avaient bien préparé à inventer une magie où l'on boufferait des créatures magiques (ceci est ma chair, ceci est mon sang...) pour obtenir leurs bienfaits.

J'appelle-ça des Merveilles, car ils incarnent le Merveilleux (le nom consacré en littérature sérieuse pour ce que nous appelons Fantasy). Par définition, dans mon univers, tout ce qui n'est pas humain, mais qui est vivant, est potentiellement une merveille. Tout dépend en réalité de qui en parle. A Morguepierre on fait un super onguent régénérateur avec de l'Alfe Noir... on appelle ça aussi mâche-merveille, mais en réalité, personne à Morguepierre, en y réfléchissant un peu,n' appellerait un Alfe une Merveille. Au fait, je mets des majuscules n'importe où, je vous laisse faire le tri hein, mon éditrice n'est pas sur mon dos alors je fais un peu n'importe quoi :)

La Dévoration donc, le cannibalisme magique, transcendant même, puis qu'il vous octroie les bienfaits de la bête. J'y ajoute une touche d'alchimie car il faut que tout cela passe par le laboratoire d'un type qui saura extraire les sucs, les raffiner, en faire un truc à mâchouiller. Il était important pour moi, aussi, que cela révèle quelque chose de ceux qui en consomment. Dans les bas quartiers on va préférer celles qui se mâchent et qui donnent leur nom à l'ensemble du dispositif magique. On mâche, on rumine, on déglutit, on chique, on crache dans un récipient... ça rapproche du sol, du bovin, de l'intestin. Plus haut, on préfère le humer, le fumer, le vaporiser (même si on trouve aussi de l'alfe à mâcher, mais de meilleure qualité, c'est à dire non coupé avec du cirage ou du de la graisse de porc). Et puis, il y a les effets recherchés : l'endurance, la force pour les travailleurs et les combattants, mais plutôt le courage et le charisme pour ceux qui, en haut, on besoin de se représenter et qui sont dans un concours permanent de parures et belles paroles. Si vous y regarder de plus près, il s'agit pour la plupart de personnages masculins cherchant des attributs de virilité... encore une façon de me moquer des mââââles, mais en cachette.
Et puis, n'oublions pas que nous sommes dans une ville dont le saint des saints s'appelle le Ventre, un lieu dont l'Olympe évoque les tripes et les égouts, accessible par des boyaux souterrains (mines pour la plupart épuisées du métal sacré hallucinium), et habitée par un dieu éboueur en forme de crapaud géant. Pour moi l'esthétique de l'égout, de la décharge, était extrêmement importante. En fait, j'ai une sorte de fascination pour les décharges, des stations d'épuration, les casses automobiles et les stations services abandonnées. Un jour j'écrirai sur ce sujet je pense. Je ferai peut-être même d'une pierre deux coups avec ça et le catéchisme :D
Au premier degré, on peut juste voir une opposition entre le haut, céleste et propre, et le bas, souterrain et tout caca. Mais ça c'est vraiment de la symbolique de premier degré, il y a en réalité autre chose dans l'idée du Ventre et de Gargante, mais je préfère, au moins pour cette fois, laisser le lecteur faire sa propre lecture. De tout façon ça n'éclairerait pas plus l'histoire.
Pour résumer : les mâche-merveilles sont là car je voulais une magie qui ne soit pas externalisée, lumineuse et puissante. Je voulais une magie interne, intestine, qui agisse sur le corps et l'esprit et qui passe par la mort, le gaspillage d'autrui. C'est mon engagement anti Nutella à moi.


Et donc, l'hallucinium. C'est à la fois le pétrole, la pierre philosophale, l'orichalque et la cocaïne de Morguepierre. Je voulais quelque chose de minéral, qui fasse de Morguepierre cette ville unique, et je voulais que cela évoque un métal, mais aussi une résonnance... j'ai mélangé aluminium, hallucinant et harmonium dans ma tête.. Si les filons sont moins accessibles de nos jours, ils sont toujours là, bien profonds, et font que Morguepierre est Morguepierre, qu'elle intéresse tant le géant de la lune, qu'elle a tant intéressé jadis Castel-Naguère, et, bien sûr, les Sierranos ahorcadiens qui en furent les premiers conquérants humains. A cause des dérives qu'il a causées, il est devenu interdit depuis longtemps. Enfin, il est interdit de l'enchanter, pas vraiment d'en posséder. On peut même se servir d'objets enchantés autrefois, puisqu'ils sont fonctionnels. Ce qui est réellement interdit, c'est d'enchanter le métal lui même pour créer quelque chose de nouveau. L'histoire de Hugo Balthazar, Iago et Joaquin résume bien les raisons de cette interdiction... et c'est aussi ce qui m'a permis de faire revenir Franise Fanhorst, de la faire advenir même, et de lui donner cette ampleur. Fran Fanhorst, c'est mon Michael Corléone à moi :)
Dans une version ancienne du texte, les ballons-carrosses pilotés par des nobles oisifs qui cherchaient un peu d'aventure en véhiculant des gens dans les cieux, étaient ornementé de capteurs en hallucinium. Pour les faire voler, il fallait parler en alexandrins. Je m'étais amusé à écrire un chapitre ou Silas, Alessa et un noble pilote voyageaient en parlant en dodécasyllabes... je m'étais beaucoup amusé, mais c'était assez mauvais :D


Dans cette version, les nobles s'appelaient des "Quichottes", et ils étaient depuis peu frappés d'une maladie qui rendait l'utilisation de l'hallucinim très compliquée pour eux. Silas et Alessa, embarqués dans le ballon, doivent donc se débrouiller pour rimer dans une corne d'hallucinium à la place du bonhomme. Parler dans la corne d'hallucinium permettait de gonfler le ballon. Exemple :


Le Quichotte se mit à tousser, tant et si bien que s'échappa de sa corne le cri terrifiant d'un canard géant atteint de phtisie. La bulle pourpre et or du ballon vacilla et s'approcha dangereusement des fenêtres d'un atelier de reliure avant de se redresser au dessus de la place.
« Amis, il m’est bien difficile de garder loin, les curieux qui s’entêtent à venir dans le coin. Il m’est aussi plus dur de gonfler cette chose, et puisque vous y êtes, oserez-vous ? Si j’ose ? »
Silas et Alessa s’échangèrent des regards fort étonnés.
« Ne vous méfiez pas trop du chevalier bavard, il n’est pas d’ennemi quand dans telle détresse le destin réunit, ou est-ce le hasard, si bonne compagnie.
– Et qui s’y intéresse ?
– Mais vous-même, à vous voir, qui déjouez mes sorts ! M’aiderez-vous ? Ou bien allez-vous vous contenter de me voir m’essouffler dans cette corne inerte que plus rien n’amuse si ce n’est ma perte ! »
Pour illustrer ses propos, le chevalier à l’armure de lumière repoussa ses mèches bouclées par-dessus ses oreilles et empoigna à nouveau la corne d’hallucinium, dans laquelle il joua encore son concert de basse-cour.
« Je peux savoir ce que vous faites ? demanda Silas à Alessa sur un ton moqueur.
– Eh bien, il faut croire que je m’apprête à négocier notre voyage dans ce ballon. Ne serait-ce pas une solution formidable !
– Cela ne me dit pas pourquoi vous rimez, on dirait du mauvais théâtre !
– C’est visiblement la façon qu’il a de communiquer, moi je fais ce que je peux, j’improvise.
– Bien, alors faites-le vite, répondit Silas agacé de ne pas être celui qui avait trouvé une solution pour quitter la corniche.
– Je vais voir ce qu’il nous propose. »
Se tournant vers le Quichotte qui reprenait son souffle avec peine, elle tenta : « Noble personne, nous aimerions vous aider, mais ne savons comment faire pour enchanter la chose euh si… jolie dedans quoi vous soufflez.
– C’est de bonne pensée, ainsi que de bon goût. On s’étonne toujours que les autres ne sachent enchanter ce machin comme il se fait chez nous.
– Ce n’est pourtant pas là de ces talents qui fâchent. Je serais fort émue, que dis-je ? Époustouflée ! Si je pouvais le faire en l’ayant ignoré.
– Essayons ça, madame ainsi que votre ami, celui qui est muet peut toutefois souffler.
– Et si cela volait comme nous le voulons, pourrez-vous nous conduire où nous devons aller ?
– Où vous devrez aller mes ailerons iront, je n’ai d’autre plaisir que de vous voir voler ! »


Pousser mes personnages à l'extrême ? Mais oui, carrément ! Je ne cherche pas l'identification, je ne veux pas qu'on se dise : Silas est le beau garçon, je veux être celui-là, La Morue le guerrier, je veux être celui-là, etc. Ce n'est pas ma façon de faire. Je travaille sur l'outrance, les pensées et les actes des Chevaliers du Tintamarre sont extrêmes car ils doivent être démesurés, ils incarnent après tout l'identité de ce monde. Si vous me lisez avec attention, vous verrez qu'ils ne sont pas exactement les héros de mes histoires, ils en sont des points de vue, des quasi-narrateurs. Même s'ils sont aussi très bassement humains. Et oui, bien entendu, j'aime jouer avec les extrêmes, repousser les limites, aller au-delà de là où l'on m'attend. Mais maintenant les gens qui on lu mes deux romans du Tintamarre savent que je vais à peu près toujours au même endroit, alors il va falloir taffer deux fois plus quand je ferai le troisième, pour que les lecteurs soient surpris. Enfin, surpris de voir que je les ai quand-même amenés au même endroit alors que je promettais de ne plus le faire, et que le texte lui-même leur aura permis de le croire pendant un temps :D
La vie, la mort, oui, ce sont des thèmes que j'aime confronter et retourner dans tous les sens. Mais pas forcément pour parler de la vie et de la mort justement. Ce qui m'intéressait dans le Voyage, sur le thème de la mort, c'était de questionner le renoncement, l'inertie, l'inexistence philisophique. Ici, le personnage littéraire s'empare de sa propre existence, quelque part, ils doivent comprendre qu'il y a des forces "cosmiques" qui font que tout est négociable car on est dans un univers résolument poétique, philosophique, littéraire. Même si pour eux c'est une réalité, même si sur le plan intra diégétique cet univers existe et qu'il répond à des lois physiques (qui ne sont pas exactement les mêmes que les nôtres hein, je l'annonce assez clairement dans le passage avec Zingaro et Sganarelli), il a aussi des propriétés littéraires, fictionnelles, et il y a des gens comme Margaux ou Iago qui peuvent prendre la plume. Eux, les Chevaliers du Tintamarre, peuvent jouer avec ces extrêmes, la vie, la mort, mais dans une certaine limite. Ils ne sont pas immortels, mais ont plus de chance de mourir d'ennui et d'en venir à se tirer une balle dans la bouche eux-mêmes, que d'être tué par un simple coup d'épée donné par un inconnu.

Ai-je bien répondu à tout ?


Fantasy à la carte :

Bonjour Raphaël, je pense que je vais ranger mon flingue pour un temps. Lol. J'avoue que c'était trop tentant que de ne pas te taquiner sur la question du petit remontant vu que certains mots revenaient souvent comme "ti punch". C'était facile. Voilà une bonne nouvelle si cela t'a ouvert de nouvelles perspectives d'écriture, nous verrons ce que ce chapitre donnera, peut-être sur un nouveau volet des aventures de notre trio de chevaliers. D'ailleurs, que fais-tu en cas de panne d'inspiration ? As-tu des petits rituels ? Ou tu laisses tomber, et tu y reviens quand l'inspiration et l'envie reviennent ?


Je crois que ti punch est effectivement un mot très courant dans mon vocabulaire :)
Et effectivement, bavarder avec vous et me pousser à réfléchir sur certains points de mon écriture et de ma méthode m'ont redonné une furieuse envie d'écrire, et j'ai même écrit un chapitre par jour depuis samedi. J'aimerais vraiment pouvoir terminer l'écriture du Duende Oscuro avant fin 2021, et en toute sincérité, si j'y arrive, ce sera parce qu'on vous avez remis de l'essence dans le moteur (et un peu de rhum, de whisky et de vino tinto, ok ok, je m'auto caricature encore :D).


Et donc non, ce n'est pas un nouveau chapitre des Chevaliers, même si effectivement, je commence à entendre au loin le coin coin d'un accordéon qui m'appelle.
Il s'agit actuellement de Duende Oscuro, mais ce n'est qu'un titre de travail, et peut-être que je choisirai un titre en français à la fin, un titre qui serait, je pense :" Les larmes de chair" (ce qui n'est pas la traduction de Duende oscuro d'ailleiurs XD)
J'ai écrit 157 pages en tout à cette heure, et je ne dépasserai sans doute pas les 250 pages, je veux que ce soit court, que ce soit un coup de poing.
C'est l'histoire de Carmen, la narratrice, une jeune gitane espagnole venue en France pour faire ses études et surtout pour fuir une famille très étouffante. Pour la troisième fois en quelques années, elle se réveille près d'un homme assassiné, sans le moindre souvenir des heures précédentes, et un problème s'ajoute à cela : à chaque nouveau cadavre, une dent lui pousse le long de la colonne vertébrale... dès le début du livre, au troisième cadavre donc, elle fait la rencontre d'un type à l'air épouvantail qui lui n'a que des molaires dans la bouche, un lapin gris dans la poche, et un comportement pour le moins désagréable. Tout cela commençant à devenir vraiment gênant, elle entreprend d'enquêter sur ses victimes et sur elle-même. Ca parle aussi de boxe, de quête initiatique morbide, de légendes gitanes, etc. Mais j'en ai déjà beaucoup trop dit ;)


En fait, je n'ai pas trop de problème d'inspiration, j'ai plus des problèmes de tri dans toute les idées qui s'accumulent. Plus précisément, ces problèmes se manifestent quand je m'aperçois que la direction que prend mon travail est en contradiction (ou du moins en bifurcation incontrôlée) avec le but initial. Là je bloque, je cherche des solutions qui ne viennent pas toujours, et je peux me retrouver coincé pendant des semaines. L'autre problème, c'est quand j'approche du dénouement et que je me rends compte que l'effet ne prend pas, que je ne vais pas là où je voulais aller. C'est comme si j'avais soudain un chaînon manquant.
Face à ce problème là, en général, une seule solution : je reprends mon plan, je refais le résumé de l'histoire en essayant de comprendre comment je peux recoller tout ça en conservant la portée symbolique initiale. Si cela ne fonctionne pas, mon arme ultime : j'écris ma fin idéale, le chapitre que je veux atteindre, et après je refais le plan, et je rédige. Je crois bien que, en fait, c'est la seule façon de finir qui fonctionne pour moi.


Sinon, au quotidien, quand j'ai des petits blocages, qu'il s'agisse d'un manque d'idée ou d'idées impossibles à discipliner, je vais courir. C'est mon côté kinesthésique je pense : mon esprit, pour se déplacer, a besoin que mon corps se déplace aussi. Je crois aussi qu'il y a un petit côté masochiste à tout ça, j'ai parfois besoin de me faire mal, parfois besoin de m'auto-analyser (mes Asics sont les meilleures psy qu'il m'ait été donné de rencontrer...), et cela passe par une activité physique intense, mais aussi par le mouvement du corps.

2 commentaires:

Ramettes a dit…

Merci pour cette brève réponse !
Ramettes c'est pour tout le papier que je pensais économiser en écrivant sur le net.
En même temps il y a mes initiales RM ... et dans ma langue natale (valenciano) rameta c'est petite branche... l'histoire est plus longue mais je m'arrête là !
Quand au côté quichotesque je l'avais bien repéré.
C'est très logique tout ce que tu dis...
C'était quoi ma prochaine question ? Que va t-il se passer quand le mois de... va se terminer ? Qui va te poser des questions ? Tes personnages ? Lol.

Olivier Bihl a dit…

Bonsoir Raphaël, et bien cela devient un exceptionnel moment d'échanges.... bravo des questions et naturellement des réponses très détaillées de Mister Bardas... je suis maintenant au 17 ième chapitre du second volume des oeuvres des chevaliers, je ne sais si je parviendrais à le finir d'ici le 15 Octobre sans compter que la relève est là pour le mois prochain et il me faut aussi le lire. Je trouve ce second opus plus fluide ... est-ce une impression partagée ? Raphaël relis-tu tes ouvrages une fois publiés ? Et de là corriger éventuellement le second volume ? Plus je lis et découvre ces chevaliers comme leurs comparses, plus je vois l'ensemble en BD et toi Raphaël ? Je suis surpris que dans tes livres lus dans ta prime jeunesse tu n'es pas glissé "L'île aux Trésors" parce que l'Arquebuse c'est un peu Long John Silver ? Tu préferes la version Stevenson ou celle de Bjorn Larsson ? Et même pas un petit Jules Verne?