À LIRE OU À RELIRE !
— Comment qu’vous disez ? grommela mollement la Morue.
— Barre d’As ! sursauta Silas. Je crois qu’on parle du surnom de ma…
— Teu teu teu ! protesta Rossignol en gonflant son accordéon dans un vacarme qui empêcha Silas de terminer sa phrase.
Ils le regardèrent, se demandant bien ce que le musicien bavard allait encore inventer pour les baratiner et leur refourguer l’addition.
— Bardas ! s’exclama-t-il enfin. Raphaël Bardas ! L’homme qui se prétend écrivain et qui a fait de nous ses jouets quelques mésaventures durant.
— Mouaif, soupira la Morue. Jamais entendu parler.
— Un auteur de théâtre ? tenta Silas. Ce nom ne m’est pas complètement étranger, et je ne sais pourquoi, mais il m’évoque la presqu’île de Dados Rojos, ses vins trop forts et ses siestes crapu...
— Non Silas ! Quand cesseras-tu de ne penser qu’à…
— Qu’à ?
— Ce n’est pas vraiment le moment de parler d’amour mon tout beau. Alors non. Non, ou plutôt juste un peu oui, mais pas aussi exactement que ton joli ciboulot pourrait l’imaginer Silas. Le Bardas, c’est le sale type qui, depuis son monde à lui, nous trimbale de rade et rade, et port en port, et de mort en mort…
— Et de couche en couche !
— Oui ! Amis, oui !
— Et d’castagne en castagne ?
— Oui Morue, le Bardas, dans son monde, il est écrivain. Il a écrit des caisses et des caisses de livres à jouer, avec des amis, des jeux de rôles comme on dit là-bas. Parce qu’il a rien contre un peu de convivialité et une bonne histoire à vivre à plusieurs, pour peu qu’il y ait du claquos, de la vinasse et du sauciflard… et ce qu’il aime, en plus de raconter des histoires de copains, c’est nous les faire vivre à nous. C’est comme ça qu’un jour il a fait de nous les Chevaliers du Tintamarre et qu’il nous a embarqués dans le Voyages des Âmes cabossées. Mais bien avant ça, il s’est fourvoyé avec des gars comme le Gaborit ou le Granier de Cassagnac, et bien d’autres comme eux. Il a traîné ses guêtres d’auteur dans les Royaumes Crépusculaires ou encore sur Cosme, avant de se mettre à co-inventer ses propres univers. Amnesya 2K51, Venzia, Retrofutur !
—D’la confiture ?
— Non, Morue, mais ce qu’il invente parfois se voudrait tout aussi sucré… Capharnaüm, et le tout petit roman qui en fut tiré, Aux traîtres indomptables, du sucre, du miel, des épices et tellement de soleil ! Nul doute que c’est un peu ces amours là, ces univers qui le hantent, qui l’ont poussé à nous faire vivre ce qu’il nous a fait vivre.
— Ou mourir !
— Ou mourir oui… d’ailleurs, j’ai fini mon cruchon, qui qui paye la douloureuse ?
— Ce soir c’est Bardas les gars, c’est Bardas qui paye l’addition ! Hein Rossi, j’ai bon ?
— On dit « Qui régale » ! faut tout qu’j’vous apprende.
— C’est Bardas qui régale ? Rien n’est moins sûr les amis !
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Fantasy à la carte :
Bonjour Raphaël, je dois dire que ta première rencontre avec l'Imaginaire est très drôle. C'est bien, tu as persisté. Pour ma part, c'était avec Robin Hobb, L'Assassin Royal, gros coup de cœur et révélation de ma passion pour le genre fantasy. Autre question, est ce que tu as besoin d'écouter de la musique pour écrire ou te faut-il un silence absolu ?
De la musique ? Oui, mais exclusivement instrumentale. Dès que je suis au clavier je ne peux plus supporter la moindre parole, ça me perturbe et m'empêche d'écrire. Quelle que soit la langue d'ailleurs, même l'anglais que je comprends mal, ou l'allemand que je ne comprends pas du tout.Ce sont presque toujours des musiques de films, mais sans forcément que celles-ci soient connotées aux univers dans lesquels j'écris. Il est même préférable que ces musiques soient plutôt calmes et qu'elles ne me plongent pas dans un univers trop prégnant. Par exemple, si une playlist aboutit sur la Marche Impériale de Starwars ou sur la Godfather's Vals de Nino Rota, je zappe immédiatement car les images mentales qui me viennent parasitent trop mon travail. Après, certains compositeurs me conviennent mieux que d'autres, par exemple Ramin Djawadi, Alexande Desplats, Johan Johannsonn, James Newton Howard, Max Richter... je ne sais pas trop pourquoi d'ailleurs, mais en ce moment ils me vont bien.J'écoute aussi assez souvent Jordi Saval, Paco de Lucia, Isaac Albéniz, Joaquin Rodrigo (tiens, deux prénoms qui ne sont pas pour rien dans mes deux romans...).J'écoute tout cela avec des écouteurs, mais je n'ai pas besoin d'un silence absolu dans mon environnement proche. Par exemple, j'arrive généralement beaucoup mieux à écrire s'il y a de la vie autour de moi alors je préfère m'installer sur la table du salon, plutôt que dans mon bureau (qui est fait dans un coin de ma chambre à coucher). De fait, tant que j'ai de la musique dans les oreilles, je peux très bien écrire dans un café ou une médiathèque, par exemple, même si l'occasion se présente rarement.
Dup :
Bonjour Raphaël,
Je complète un peu la question précédente de Jessica. As-tu besoin d'un environnement proche immuable, ou peu importe l'assiette sale non débarrassée de ton précédent repas ? Carbures-tu au café comme Estelle Faye
De même, travailles-tu à heures fixes ou c'est quand l'inspiration vient ? Le boulot en ce cas peut déborder sur la vie annexe, genre impossible là tout de suite d'amener le gamin au karaté ou au foot.
Si tu es en train de faire tout autre chose et qu'une idée te vient, tu la notes où ?
Allez zou ! Je n'ai pas besoin d'un environnement proche immuable, MAIS, j'ai besoin que ce soit rangé... je ne peux pas commencer à écrire s'il y a du bordel sur la table ou que le sol est dégueu. Bon, en général la question ne se pose pas, mais il m'arrive de passer l'aspirateur à cause d'un ou deux moutons avant de pouvoir me mettre au taff.Si j'écris en journée, je bois des litres de café ou des infusions réglisse-menthe, et bissap aussi, très souvent. En soirée, je ne vous cache pas que j'ai bien souvent un verre de bourbon, un ti-punch ou un verre de vin à portée de main. Et donc je viens de répondre à la question suivante : non, je ne travaille pas à heure fixe. En revanche, le planning fait que la plupart du temps j'écris de 18h30 à 20h30 les lundis, et mardi soir. Enfin, ça c'était l'année scolaire dernière, cette année je n'ai pas encore trouvé de créneau régulier.L'écriture déborde plus sur mon humeur que sur mon planning... du coup pas de pb pour emmener les gosses au sport, mais si je viens de passer deux heures à écrire, il est possible que j'ai du mal à être dispo pour une conversation dans le monde réel avant un petit moment. Je m'immerge beaucoup, alors j'ai du mal à en ressortir. En fait, je suis très long à démarrer, un vrai diesel, je fais un gros effort intellectuel et émotionnel pour m'auto-harponner dans mon univers, son histoire, ses personnages, mais du coup, quand je suis enfin lancé, j'ai du mal à revenir.
Quand une idée me vient, la plupart du temps je ne la note pas, je me dis qu'elle va encore rebondir un temps dans ma tête, et murir jusqu'au bon moment, celui où je serai devant l'écran. Je passe aussi beaucoup de temps assis à remplir des docs d'idées, de worldbluiding, etc. à pré-construire plutôt qu'à rédiger. Même en cours d'écriture, il m'arrive de rouvrir les docs fondateurs pour les modifier et les mettre en cohérence avec les évolutions imposées par l'avancée de l'histoire... Après, lorsqu'une idée me vient au mauvais moment et qu'elle me semble vraiment hyper importante (un contresens dans un truc écrit la veille et qu'il ne faut surtout pas laisser passer, une idée de ouf pour le dialogue que je vais devoir rédiger ce soir-là, ou une meilleure idée que ce qui était prévu dans le chapitre suivant...), là je crée une petite note dans le bloc-note de mon téléphone. Pas de carnet, pas de crayon, jamais. Je perds le papier, toujours. Et quand je le retrouve je n'arrive pas à me lire de toute façon, n'oublions pas que j'ai grandi avec des gants de boxe :D
Bonjour Raphaël, dis-moi comment ça se passe pour la communication autour de la sortie de tes romans, est-ce que l'équipe de Mnémos t'impose par exemple des lieux de dédicace ou est-ce c'est à toi seul de t'organiser pour dédicacer dans un maximum de lieux ?
Bonjour, je suis de retour après une pause santé une peu forcée, et fort content de vous retrouver ! :)Alors, pour la promo, je suis contractuellement engagé à en faire. Il y a dans mon contrat une clause qui dit que je ferai des dédicaces et participerait à des salons, mais aucune quantité ni aucun lieu n'est mentionné. En gros, la clause du contrat ne sert sans doute qu'à nous rappeler que livre ne peut vivre sans que l'auteur se manifeste un minimum.En fait, avec la crise sanitaire, c'est plutôt l'inverse qui s'est produit : des tonnes de dates annulées, des librairies qui rechignent à nous recevoir, et puis, les salons, comme Livre Paris ou les Imaginales, reportés plusieurs fois, puis annulés, etc.De mon côté, j'aime vraiment rencontrer les gens et bavarder, alors j'accepte un peu tout ce qui m'est proposé : dédicaces, salons, émissions de radio... c'est d'ailleurs une de mes nouvelles activités ! J'enregistre depuis quelques temps des capsules sur les littératures de l'imaginaire. c'est une WebTV et une radio locales, et c'est à destination du grand public. C'est un peu "l'Imaginaire pour les nuls", avec des conneries à la Bardas dedans. Pour l'instant ce n'est pas encore diffusé car il y a encore des choses à revoir, mais on s'amuse beaucoup :)
Ramettes :
J'espère ne pas répéter une question (mémoire de poisson rouge) es-tu comme se qualifie Rossignol : " Je suis homme d'histoires... un conteur, un arrangeur de vérité, alors j'adjective, je qualifie, c'est là mon plus grand pouvoir voyez-vous!" (Voyage des âmes cabossées) ?
Non, tu ne répètes pas de question, mais j'imagine que tu connais déjà la réponse :)Oui, j'adore l'esbroufe, j'adore raconter des histoires, et il m'arrive d'exagérer énormément, quitte à déformer un peu la vérité, si cela peut rendre le moment plus sympa...Alors oui, j'en rajoute, je déforme, je gonfle le ballon jusqu'à ce qu'il éclate, parfois, mais je m'assure de toujours dire la vérité à la fin. Une fois que mon message est passé, si c'était le but, ou une fois que l'on a bien ri, si c'était ce but-là, je démystifie un peu, sinon les gens ne me prendraient plus au sérieux.Voilà, j'aime bien détourner un peu le réel pour y ajouter une touche d'absurde ou d'ironie, ça aide pas mal à faire passer les messages, et ça m'est d'ailleurs très utile en cas de conflit.Je suis plutôt "mauvais" dans les conflits. Bien que très long, mais alors vraiment très long à m'énerver, une fois que j'y suis je veux bouffer l'autre. Vraiment long à monter hein. Quand je faisais encore des combats au KO, il m'arrivait de me laisser frapper un paquet de fois pour être suffisamment motivé pour me battre ensuite. Mais une fois que le pitbull était réveillé, il voulait bouffer.Dans l'engueulade ou le conflit du quotidien, c'est un peu pareil. Si je m'engueule, c'est pour gagner, et rien n'arrêtera ma mauvaise foi lorsqu'il est question d'avoir le dernier mot. Et je peux gueuler jusqu'à faire autant de bruit que Kingkong, je vous jure, mais je déteste me retrouver dans cette situation là... alors je fais tout pour que ça n'arrive pas. Et pour ça je mise tout sur la vanne, l'ironie, la parabole déformée à outrance jusqu'à ce que triomphe mon message.Des fois ça marche. :D
Fantasy à la carte :
Hello Raphaël, toi qui est scénariste de jeux de Rôle, et romancier Imaginaire, est-ce plus difficile d'imaginer une cité univers autrement dit se contenter d'explorer une ville et d'y maintenir l'action quitte à en faire presque un personnage ? Ou préfères-tu aller plus loin en construisant tout un univers autour de royaumes différents avec tout ce que cela implique dans l'élaboration d'une géographie précise, la pratique de différentes religions... Etc.
Lorsque j'ai commencé à écrire les Chevaliers du Tintamarre (à l'époque où il s'appelait le Hurlement des Veuves, en 2009), je n'avais qu'une idée générale de l'ambiance de l'univers et de ce qui y serait possible, mais j'avais plutôt tendance inventer au fur et à mesure en fonction de mes besoins dans Morguepierre. En gros, je savais juste, dans cette version là, que la ville était l'île promise à Sancho Panza par Don Quichotte, qu'il y avait un gros dieu capricieux sur la lune et que les nobles avaient des pouvoirs sur un métal appelé l'Hallucinium et que l'Empire pirate de Castel-Naguère allait venir lui en disputer la possession... c'est une version que vous ne verrez jamais ;)Avec le temps, j'ai fait le ménage dans les versions et accumulé pleins d'idées sur la géopolitique du monde, ses peuples, ses courants de pensées et ses religions, composant une somme de textes assez foisonnante et très bordélique. C'est plutôt une manne de ce qui pourrait exister dans ce monde. Autrement dit, tant que je ne l'ai pas publié, rien ne dit que c'est vrai, ça reste pour moi une possibilité.Lors de la rédaction des Chevaliers, la version qui a été publié, je n'ai eu besoin que de savoir ce qu'était Morguepierre, ses origines, son ambiance générale. Je n'ai presque pas puisé dans mon réservoir d'idées de ce monde. Pour écrire le Voyage des Âmes cabossées j'ai eu nettement plus besoin de mon doc de "worldbuilding" car il m'a fallut mettre en cohérence mes idées de peuples, d'intrigue à l'échelle cosmique, de religion, de géographie, etc.Pour "Coureur des bêtes", la nouvelle publiée dans l'anthologie Frontière(s) des Imaginales 2021, j'ai aussi puisé dans ce tiroir à bordel. En fait, je n'ai pas besoin que ce soit complètement posé et cohérent. J'ai juste besoin que les idées existent et que je les sache possible dans la définition de mon univers et de sa symbolique. Ce n'est qu'une fois que je rédige vraiment, et que je me saisis de ces idées, que je les mets en cohérence et, aussi, que j'interroge ce qu'elles disent de mon univers et de mes histoires. Je fonctionne beaucoup à la symbolique en réalité, bien plus qu'au fait et à ses fondements.Après, lorsque que j'utilise un concept comme par exemple celui des reines d'Estrellas (dans le Voyage), ou celui de l'Armée Sourde (dans Coureur des bêtes), je prends vraiment le temps de rédiger, rien que pour moi, un paragraphe "d'essai sémantique" pour questionner les idées soutenues par ces concepts, en quoi cela sert mon propos, en quoi cela pourrait le desservir, être compris de travers. Ce ne sera jamais nécessaire à la compréhension du roman ou de la nouvelle hein, mais moi j'ai besoin que ce soit là. J'écris de la fantasy, mais je parle aussi de tout autre chose, et j'essaie de faire en sorte que les deux puisse cohabiter.Guillermo Del Toro a dit au sujet de l'Echine du Diable que ce n'était pas un film de fantômes, mais un film avec des fantômes. Et je crois que cela colle assez bien à ce que j'essaie de faire. Pas des histoires de fantasy, mais des histoires avec de la fantasy dedans.Bon, j'ai soif, pas vous ?
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5 commentaires:
Bonjour Raphaël,
Je complète un peu la question précédente de Jessica. As-tu besoin d'un environnement proche immuable, ou peu importe l'assiette sale non débarrassée de ton précédent repas ? Carbures-tu au café comme Estelle Faye
De même, travailles-tu à heures fixes ou c'est quand l'inspiration vient ? Le boulot en ce cas peut déborder sur la vie annexe, genre impossible là tout de suite d'amener le gamin au karaté ou au foot.
Si tu es en train de faire tout autre chose et qu'une idée te vient, tu la notes où ?
Bonjour Raphaël, dis-moi comment ça se passe pour la communication autour de la sortie de tes romans, est-ce que l'équipe de Mnémos t'impose par exemple des lieux de dédicace ou est-ce c'est à toi seul de t'organiser pour dédicacer dans un maximum de lieux ?
Bonsoir,
J'espère ne pas répéter une question (mémoire de poisson rouge) es-tu comme se qualifie Rossignol " je suis homme d'histoires... un conteur, un arrangeur de vérité, alors j'adjective,je qualifié, cest là mon plus grand pouvoir voyez-vous!)" (Voyage des âmes cabossées) ?
Hello Raphaël, toi qui est scénariste de jeux de Rôle, et romancier Imaginaire, est-ce plus difficile d'imaginer une cité univers autrement dit se contenter d'explorer une ville et d'y maintenir l'action quitte à en faire presque un personnage ? Ou préfères-tu aller plus loin en construisant tout un univers autour de royaumes différents avec tout ce que cela implique dans l'élaboration d'une géographie précise, la pratique de différentes religions... Ect
Raphaël, est-ce qu'il t'ai arrivé d'écrire en soirée avec, disons une "légère euphorie"? (c'est joliment dit n'est-ce-pas 😁).
Et le lendemain, le résultat te surprenait ? te convenait ? parfois ? jamais ?
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