samedi 5 janvier 2013

Interview tome 2 de Thierry Brun




On démarre le tome 2
Pour relire le tome 1 c'est ICI

Allez-y, posez vos questions, il est chaud, il se lâche !!!






L’instant I



Dup - BRUN, C’est ton vrai nom ? 
BRUN - Non mon vrai nom c'est Brun 
-Tu peux épeler ? 
- Non, c’est simple. 
- Ton vrai prénom c'est quoi ? 
- Une erreur. Thierry. Moi, j’avais opté pour Daktari. Ils ne voulaient pas. 
- Parisien ? 
- Evadé. Ma planque est à un vingtaine de kilomètres à l’est. Me retrouveront jamais. 
- Date de Naissance ? 
- Vous ne l’aurez pas. J’ai 16 ans, à peu près. 
-Tu mesures ? 
- Beaucoup 
-Tu crois vraiment ? 
- Pas beaucoup moins. 
- Poids ? 
- Ca dépend de ce que je fume 
- ?... L'armée ? 
- Y’en a eu. 
- Et maintenant qui te coupe les cheveux ? Une adjudante ? 
- Uniquement quand elle a bu. 
- Maintenant, tu es un type qui raconte des histoires ? Mais avant ? 
- Des études terribles, longues. Avec une bande de potes on a été jusqu’au record du flipper Panthera. Certains en on fait leur métier, aujourd’hui, ils flippent gravent. 
- A qui voulais-tu ressembler ? 
- A l’époque ? Un mélange de Hammet et de Bernie du groupe Trust. Je me faisais des films rigolos. 
- Avec les filles, c’était comment ? 
- Bizarre. Ca dépendait de leur degré de tolérance. 
- L’écriture de romans policiers, c’est venu à ce moment là ? 
Brun acquiesce, nerveux, réclame une clope. 
- On n’a pas entendu. Alors ? 
- Ouais, c’était présent, déjà. Mais ça aussi, ça restait bizarre. Ça a pris du temps. 
- Tu écris pourquoi ? 
- Pour casser les claviers, descendre du Pastis, fumer comme un pompier, rater les invitations des potes et me faire incendier, du coup. 
- Ça doit plaire ce genre de plaisanterie. Nous, on ne sourit même pas… Alors, la violence dans tes deux bouquins, tu assumes? 
- Quand je l’écris oui, et puis je relis, et je me dis qu’il y a certainement des machins psy derrière tout ça. 
- Asano, Jade, tes héros déjantés… Ils sont où maintenant ? 
- Partout. 
- T’es prêt à répondre aux questions des lecteurs ? A toutes ? 
- Oui. Je peux boire maintenant ? 
- Attends ! Tu ne te défileras pas ? 
- Non, juré. 
- Tu peux enlever le bandeau. Ne cligne pas des yeux comme ça.

**********************************************



Et bien j'arrive avec un peu de retard par rapport à mes congénères mais je tenais à d'abord finir "La Ligne de Tir", ne vous connaissant pas (et vous voudrez bien m'en excuser lol). Alors votre présentation étant faîte et ciselée (on se serait cru dans un commissariat) deux mots sur ma personne, je suis Lorrain d'origine mais (dieu merci) messin (et oui les conflits entre Metz et Nancy n'ont jamais été réglés) et je ne suis donc pas surpris de voir l'incroyable taux de criminalité de Nancy (lol), mon siège parisien est rue Mouffetard, je confirme avoir retrouver l'ambiance et le décor de ces deux sites importants dans ton livre... Cela fait deux coïncidences troublantes entre ton livre et moi....non ?
Je l'ai lu d'une traite tant le rythme est mené tambour battant.
Mes premières questions :
- as tu pu t'inspirer de personnage ou personnalités entre la bande de terroristes dont est issue Resilia et l'histoire récente ?
- es tu toujours aussi optimiste sur la société judico / politico / policière
française ?
- tu accordes visiblement beaucoup d'importance aux personnalités de tes héros,cela est - il du à des études en psychologie ? à des histoires d'amour problématiques (lol)?
- le côté mercenaire et mystique de Jade, l'as -tu retrouver dans certaines BD (genre XIII) ou dans des personnages de film ?
- l'indigence des séries françaises policières ne laisserait t'elle pas une place à une éventuelle adaptation cinématographique de ton livre ?


THIERRY :


- As tu pu t'inspirer de personnage ou personnalités entre la bande de terroristes dont est issue Resilia et l'histoire récente ?

Thierry : Oui. Mais j’ai appris à mes dépends, récemment, à ne pas trop m’étendre sur le sujet. Hé hé hé.


- Es tu toujours aussi optimiste sur la société judico / politico / policière française ?

Thierry : Pas que française. Pas que dans les métiers que tu cites. 

L’homme et la femme sont dans le même bateau. Ils sont mauvais par nature, incapables de se dominer, expansionnistes, belliqueux, paranoïaques, prédateurs, arrivistes, persuadés que l’autre veut lui bouffer le foie si jamais il lui sourit, promptes à déclencher des scandales, des guerres, des conflits de toutes sortes, à retourner leurs vestes en amitié si ça peut servir leurs intérêts immédiats, si ça peut les rapprocher de la meute, cette bouche grande dévoreuse d’indépendance.

Nous sommes des brutes effrayées par la nuit. Le groupe à raison, dominant la pensée générale, alors tout le monde bouffe dans la gamelle de la violence faite à autrui.

Et tant pis si les pré-requis aux conflits sont totalement artificiels, voir faux de bout en bout, inventés de toute pièce pour mettre en valeur une position, une personne, une œuvre, une idée de la société…

La rumeur prédomine, la parole est étouffée. Le mensonge et les mesquineries entretiennent la tension au jour le jour. La horde auto alimente ses guerres intestines. On écorche vif le doux, le faible, le pas comme nous, le qui dit pas pareil, qui comprend pas, qui est pas du même clan, de la même couleur de peau, d’écriture, de caméra, d’opinions…On s’abreuve de suffisance, de connaissances bien comme il faut, et ce, dans tous les corps sociaux, toutes les religions, tous les métiers. Si on pouvait, on se mutilerait pour exister.

C’est à pleurer.

Jade : Tu es mon ennemi puisque tu n’es pas moi.

Au quotidien, c’est vivable uniquement parce que les humains se maîtrisent  c’est tout. Confie-leur des responsabilités…


- Tu accordes visiblement beaucoup d'importance aux personnalités de tes héros,cela est - il du à des études en psychologie ? A des histoires d'amour problématiques (lol)?

Thierry : Deuxième option. Beaux bagages dans ce domaine. Sourire.

- Le côté mercenaire et mystique de Jade, l'as -tu retrouvé dans certaines BD (genre XIII) ou dans des personnages de film ?

Thierry : je n’ai jamais lu XIII, et, me référant aux bonnes rumeurs à son égard, si la personnalité de Jade évoque par certains côtés celle du héros de cette série, je le prends comme un compliment. Jade est un absolu. Je l’ai voulu tel quel. Nombre de romanciers et de cinéastes ont créé des héros de cet acabit. Il est vrai que j’ai tenté d’adapter à l’écriture une articulation cinématographique, avec jeu de lumières, de champ contre-champ, d’effets caméras, et ce n’est pas simple ! Surhumain et La Ligne de tir sont des bouquins d’un fan. Mes références sont multiples, du jeu vidéo aux textes anciens de l’ordre des samouraïs.

En parlant de ces derniers, j’ai, et je continue, passé des heures à décrypter, j’essaie du moins, les travaux de Jean Pierre Melville, Godard, Eric Rochant avec Les Patriotes. Et tant d’autres…


- L'indigence des séries françaises policières ne laisserait t'elle pas une place à une éventuelle adaptation cinématographique de ton livre ?

Thierry : Elle laisse une place, oui. Sourire. Toutes les séries françaises ne sont pas indigentes, loin de là. Je pense à Mafiosa, Braquo saison une, Les hommes de l’ombre, Kaboul Kitchen, Les Revenants, Aicha, Ainsi Soient ils… Plein plein plein d’autres.

Et c’est un exercice difficile, d’après ce que j’en sais.



Crunches :

J'ai vu que vous avez deux, voire trois livres en route en ce moment. L'un des trois est très différent des deux autres. Moi ce que je me demande c'est s'il est facile de passer de l'un à l'autre ? Le changement de registre n'est il pas un peu perturbant au départ ? Ne faut-il pas un temps d'adaptation ?
Et pour les deux qui sont plus proches, n'y a-t-il pas de confusion possible ?

et... et j'ai vu que vous n'aviez pas vraiment répondu à la question de "Pourquoi Nancy ?". en effet, ça m'intrigue, pourquoi Nancy et pas une autre ville ? (maintenant que je sais que Nancy = criminalité importante, je la relègue vraiment tout en bas de mes destinations vacances !)

PS : en plus des M&M's et des snickers, il y a aussi les Skittles qui ont droit à toute mon attention !!! =) et dans ceux-ci, pas de cacahuète ;)


THIERRY :

J’ai effleuré le sujet, déjà. En fait, j’ai du mal à répondre à ces questions. J’écris à l’instinct, sans intellectualiser le truc. Pour moi, c’est organique d’écrire. Le cantonnier, le potier, le peintre passent d’une tâche, d’un vase, d’un tableau à une autre. Il y a quelque chose de l’ordre de la complémentarité. On se nourrit de tout. La confusion, si elle est présente dans ma pauvre tête, ne déteint pas sur l’écriture. Sourire.

Nancy n'est pas un repaire de mafias. C'est une ville de moyenne importance,et, comme je le disais plus haut, carrefour commercial. elle s'est imposée à moi naturellement. J'avais de la famille à l'époque dans la région et des anecdotes sur les tenanciers des bars, et l'actualité à fait le reste : saisie de drogues, Go Fast, arrestations dont la presse s'est faite l'écho.



J'aimerais savoir, comment vous est venu l'idée générale de la ligne de tir?

THIERRY :


La perte de l’innocence, l’exploitation de l’homme par d’autres, les soldats perdus de nos lointains conflits, les idéaux qui s’étiolent, l’amour, sa recherche. Dès le début, les premières lignes, je voulais parler de la perte et des jeunes années envolées.
Patrick Jade, son amour pour Loriane. J’ai tout de suite bifurqué sur ce personnage de Loriane. Malgré elle, elle est solaire. Des hommes se battent pour elle. J’étais dans l’idée d’un ancien gang dont les membres se déchirent pour le pouvoir et l’amour. Sont-ils si dissemblables ? On ignore qui est vraiment l’autre. Certains couples mettent vingt ans à lever le voile sur ce qui les unit. Une ancienne flic, Loriane, passée du mauvais côté par amour, et qui dans sa nouvelle « famille » a rencontré des hommes, chacun avec leur volonté de réussir, employant les armes qu’ils ont à disposition. C'est-à-dire peu, en fait.
Je voulais aussi me pencher sur un personnage dépassé par sa trajectoire. Ce policier qui n’a pas vu le temps passer et sa déchéance arriver. Pour moi, ce n’est pas un corrompu, mais un qui s’est fourvoyé sur l’amitié. Les services rendus, la parole donnée qui entraînent des situations inextricables. Les années, les habitudes, les nouvelles connaissances. Il n’a rien maîtrisé. Un jour arrive où, comme l’enfant coincé sur la branche de l’arbre, la peur de la chute paralyse. Alors on fait comme on peut. On prend des décisions. Rarement les bonnes.
Voilà comment m’en est venue l’idée générale du bouquin.


"L’homme et la femme sont dans le même bateau. Ils sont mauvais par nature, incapables de se dominer, expansionnistes, belliqueux, paranoïaques, prédateurs, arrivistes, persuadés que l’autre veut lui bouffer le foie si jamais il lui sourit, promptes à déclencher des scandales, des guerres, des conflits de toutes sortes, à retourner leurs vestes en amitié si ça peut servir leurs intérêts immédiats, si ça peut les rapprocher de la meute, cette bouche grande dévoreuse d’indépendance."

Waoouh ! Vous êtes dur avec nous.... Il n'y a donc aucun espoir ? aucune raison de croire encore en l'Homme ? Tout n'est qu'affaire de contrôle, de maitrise ? soit on maitrise l'autre, soit on se maitrise soi-même ?

Moi qui garde encore un espoir dans le genre humain, avec ce genre de vision j'ai tendance à déprimer !
C'est une impression ou vous êtes plutôt pessimiste ? ou défaitiste ?
l'Humanité est foutue. 


THIERRY :


Oui, je suis réaliste avec nous tous. Moi, y compris.
Je ne suis pas un donneur de leçon. Je ne me voile pas la face. Du moins, je crois.
Il n’y aucun espoir. En tous cas, je ne vois pas lequel.
Oui, seule la maîtrise, selon moi, permet l’équilibre.
Voir le rôle que joue les lois d’un pays et les organismes chargés de les faire respecter puis appliquer.
Quel est leur rôle ?
Il n’y a qu’à ouvrir les yeux sur ce qui mène notre monde. Comment il se comporte avec les faibles, les pauvres, les différents.
L’homme colonise pour s’enrichir. 
Ça glisse sur nous, parce que ça nous parait une évidence. On est né du bon côté
C’est une horreur humanitaire.
C’est ce que j’ai tenté d’imager avec le personnage de Résilia.
C’est une opprimée, volontaire. Presque.
L’homme se regroupe pour être plus fort. Partout. Celui qui n’est pas du groupe, n’a aucune chance de survie.
Chaque jour, les adultes répliquent les comportements enfantins. Celui qui n’aura pas la chance d’être intégré au clan de la balle au prisonnier. Le gringalet de la classe. Nos chères têtes blondes sont sans pitié, une fois la porte du cocon familiale claquée.
Tu conduis trop vite. On te tape sur les doigts : tu conduis moins vite. Et encore, faut taper fort.
On se rebiffe, on invoque ceci, cela. Mais la réalité est qu’on ne respecte autrui que contraint.On oublie vite : dans ma jeunesse, les véhicules rentraient dans les villages de nos campagnes à cent kilomètres à l’heure ! Des armes en puissance. Combien d’enfants morts ? Je prends cet exemple un peu facile, mais il est symptomatique du regard qu’on porte sur celui qui n’est pas nous.
L’humanité n’est pas foutue. C’est sa nature. Elle consomme l’énergie des autres pour vivre. Elle emploie tous les moyens pour y parvenir.
Croire en l'homme. Mais croire en quoi? On est programmé pour survivre, individuellement. On est programmé pour se reproduire, collectivement. Notre décomposition nourrit la terre.
Le reste est littérature. Sourire. Y'a bien l'amour....

Pierre Faverolle :

Salut les copines et salut Thierry. On se connait par mail interposé, j'ai lu et chroniqué tes 2 romans. Bref, je suis content de voir que tu commences à avoir le succès que tu mérites. Je suis heureux d'avoir lu que Asano allait revenir un jour ... chouette !
Question n°1 : Dans tes 2 romans, les personnages principaux sont très forts voire "Surhumains". Les comics sont ils importants dans ta culture personnelle ?
Question n°2 : Quand tu écris un roman, tout est-il planifié, ou bien construis tu au fur et à mesure ? Construis tu les personnages d'abord ou les intrigues?


THIERRY :

Question 1 :


Le premier titre de surhumain était Homme Absent, et La Ligne de tir était déjà en gestation. Je voulais, dès le départ, dessiner deux personnages en marge de l’humanité. Rien que ça !
Les deux devaient perdre la vie. Dans mon esprit, je ne pouvais les imaginer survivre à ce qu’ils étaient ; absents.
Et ce n’est qu’au fil de l’écriture que je me suis rendu compte que leur dimension Comics s’imposait d’elle-même. C’était totalement inconscient. Et j’ai bien fait attention, du moins je l’espère, à ne pas tomber systématiquement dans le « plus fort que l’ordinaire » Les situations s’imposent à Asano et à Jade. Ils réagissent. Ils ne sauveront personne, ils ne veulent rien.
Seul l’amour les surprend.

Asano et Jade sont puissants, mais surtout dans l’œil de leurs ennemis. Ce qui m’intéressait, c’était de confronter la violence ordinaire, brute, d’origine criminelle, organisée, clinique, à l’absence d’intérêt à la vie.
Ils ne réalisent aucun prodige. La preuve, ils échouent, ou presque. Leur présence seule dans un lieu déforme la réalité. De là à penser qu’ils ne sont peut être qu’un fantasme projeté…Je suis nul en culture Comics. Pré ado j’ai lu Strange. Plus tard j’ai découvert les Bd version luxe reprenant les principaux personnages de super héros. Si il y en a un qui m’intéresse, un seul, c'est le Batman.
 
Mon inspiration vient plutôt du cinéma et pas obligatoirement coréen. Jean Pierre Melville, par exemple, m’a terriblement influencé, obsédé. Au point que je décortique encore certaines scènes de ses films. Pour en revenir à Batman, j'ai aussi étudié les effets de cadre, décadré des planches. 
Je suis une éponge. Récemment, j’ai réalisé qu’un chapitre de Surhumain reprenait l’articulation d’une scène du film Dossier 51, de Michel Deville. Lui-même adapté du roman de Gilles Perrault de 1969 : le travail de sape de la peur sur notre organisme.


Question 2 :

Un ami m’a dit récemment : maintenant que tu as écris ton bouquin, tu peux faire ton plan. Je pense que ça répond à la question. Sourire.
C’est une plaisanterie. Presque.

Phooka :

Bonjour Thierry et encore merci d'être parmi nous !

Voilà moi je viens tout juste d’entamer La ligne de tir. Comme je l'ai déjà souligné, je ne suis pas experte dans les thrillers, même s'il m'arrive d'en lire de temps à autres. Ce qui m'a tout de suite frappée, c'est la "courtitude" :) ds chapitres et des phrases. Certains chapitres font moins de 2 pages, ce qui confère beaucoup de rythme au livre.
Est ce un procédé volontaire et plus généralement ya t'il une part de "technique" dans l'écriture?

THIERRY :

La technique est partout. Elle nous cerne ! Sourire.

Dès le début de ce roman, je l’ai envisagé comme un long métrage d’action. Mais je voulais du fond et de la forme. L’idée était de frapper l’imagination en quelques mots, quelques mises en place de situations. Par la suite, certains chapitres vont au-delà de deux pages, tout de même…

Je ne peux répondre de manière générale quant à la « technique ». Ce serait prétentieux. D’autres auteurs maîtrisent cet art subtil. Oui, il y a une tentative de choc, de sidération. J’espère que ça fonctionne.

Re Phooka :

Bonjour,
Encore moi

Je voulais savoir comment te venait l'idée d'un roman en général? Un truc entendu dans un troquet? Une news sur le net? aux infos? ou juste une idée qui te "saute dans la tête"?
Et ensuite que se passe t'il?
Tu prends des notes fébrilement? Tu laisses décanter?
Quelle est la part de recherche avant écriture et comment procèdes tu?

J'arrête là ... pour le moment. :)

THIERRY :

L’idée. Avant tout, la première image qui me vient c’est celle d’un aller et retour.
L’intérieur et l’extérieur déclenche et alimente l’écriture. Pour Surhumain, j’avais cette
idée d’un homme présent physiquement mais absent, totalement absent, étranger aux
interactions qui animent les hommes.
Je prendrais pour servir d’exemple La Ligne de tir. C’est l’arrestation de Nathalie
Menigon. Tout est parti d’une photo.


L’image de ce policier en civil, prêt à tirer sur le photographe, et la fragilité physique
de cette activiste, cette « prise en main » du policier qui l’étrangle, le chef du groupe
qui communique par geste avec, on s’en doute, l’équipe d’intervention… Tout est figé
et annonce une fin, et l’image est d’un calme et d’une extrême violence. Les armes sont
partout, chez les flics et chez cette femme qui apparait désarmée…Je le ressens comme
ça. J’ai démarré avec ça.
J’ai lu beaucoup sur ces années troublées de l’ultra gauche, sur cette femme employée de
banque et syndicaliste et qui se retrouve mêlée à une fusillade contre les forces de police
en 1980… Et j’ai vite pris mes distances. Je ne voulais pas calquer ma façon d’écrire sur
ces faits. Impression de trahir quelque chose.
Et puis, je me suis vite rendu compte que je ne voulais pas raconter Action Directe.
Déjà, avec quelle légitimité aurais-je pu m’emparer de l’histoire de ce groupe ? Non, j’ai
cherché à comprendre ce qui me bouleversait dans cette histoire, ce qui m’animait dans
ce que je lisais d’eux. Et au bout du compte, et ça ne résonne que pour moi je pense,
c’est la perte.
La perte. Celle du discours des idéaux corrompus par la parole déjà, puis les médias,
les trajectoires inhérentes à la radicalisation des propos et des actes, les choix et leurs
conséquences, les victimes, etc... Cette femme ennemie public. Pourquoi ?
On avance mal. D’autres trébuchent plus que d’autres. Qu’est-ce qui a fait qu’un idéal
aveugle à ce point la vision qu’on a de la société ?
Ensuite, c’est venu. De mes notes, des bouts de phrases, ressortait toujours les mêmes
thème : parcours et perte. C’est donc ça que je retirais de mes triturations de méninges.
Je suis revenu à l’écriture.


La perte, la chute, sont-elles annoncées dès la naissance, la formation, l’univers familial,
le métier, les amitiés, les choix qui en découlent, les acceptations, les renoncements ?
Comment quelqu’un comme Alice Résilia se retrouve-t-elle à accepter cette mission ?
Pourquoi le commissaire Fratier n’a pas arrêté à temps ?
Je ne sais si je réponds aux questions.
Mes recherches sont en amont de l’écriture, mais encore une fois, les allers et retours
son incessants. Le tableau réclame ses couleurs, et ainsi, à chaque ajout, il éclaire
différemment le pinceau…

7 commentaires:

Crunches a dit…

"L’homme et la femme sont dans le même bateau. Ils sont mauvais par nature, incapables de se dominer, expansionnistes, belliqueux, paranoïaques, prédateurs, arrivistes, persuadés que l’autre veut lui bouffer le foie si jamais il lui sourit, promptes à déclencher des scandales, des guerres, des conflits de toutes sortes, à retourner leurs vestes en amitié si ça peut servir leurs intérêts immédiats, si ça peut les rapprocher de la meute, cette bouche grande dévoreuse d’indépendance."

Waoouh ! Vous êtes dur avec nous.... Il n'y a donc aucun espoir ? aucune raison de croire encore en l'Homme ? Tout n'est qu'affaire de contrôle, de maitrise ? soit on maitrise l'autre, soit on se maitrise soi-même ?

Moi qui garde encore un espoir dans le genre humain, avec ce genre de vision j'ai tendance à déprimer !
C'est une impression ou vous êtes plutôt pessimiste ? ou défaitiste ?
l'Humanité est foutue. o

Phooka a dit…

Bonjour Thierry et encore merci d'être parmi nous !

Voilà moi je viens tout juste d’entamer La ligne de tir. Comme je l'ai déjà souligné, je ne suis pas experte dans les thrillers, même s'il m'arrive d'en lire de temps à autres. Ce qui m'a tout de suite frappée, c'est la "courtitude" :) ds chapitres et des phrases. Certains chapitres font moins de 2 pages, ce qui confère beaucoup de rythme au livre.
Est ce un procédé volontaire et plus généralement ya t'il une part de "technique" dans l'écriture?

Olivier Bihl a dit…

Merci de tes réponses

Thierry Brun a dit…

Merci à vous toutes et vous tous.
Amicalement

Phooka a dit…

Bonjour,
Encore moi

Je voulais savoir comment te venait l'idée d'un roman en général? Un truc entendu dans un troquet? Une news sur le net? aux infos? ou juste une idée qui te "saute dans la tête"?
Et ensuite que se passe t'il?
Tu prends des notes fébrilement? Tu laisses décanter?
Quelle est la part de recherche avant écriture et comment procèdes tu?

J'arrête là ... pour le moment. :)

Dup a dit…

Bonjour Thierry !

Comme tu as pu le constater, ta Ligne de tir a été sélectionnée par nos lecteurs votants.
Que t'est-il passé dans la tête en découvrant ça ?
Plus généralement que penses-tu de l'impact des blogueurs sur un livre ?

Thierry Brun a dit…

J'espère qu'elles répondent à tes questions. Dans le cas contraire, n'hésite pas à me le dire.
Amicalement.