jeudi 16 septembre 2021

Second volet de l'ITV de RAPHAËL BARDAS


LE PREMIER VOLET  ICI


 




— Comment qu’vous disez ? grommela mollement la Morue.

— Barre d’As ! sursauta Silas. Je crois qu’on parle du surnom de ma…

— Teu teu teu ! protesta Rossignol en gonflant son accordéon dans un vacarme qui empêcha Silas de terminer sa phrase.

Ils le regardèrent, se demandant bien ce que le musicien bavard allait encore inventer pour les baratiner et leur refourguer l’addition.

— Bardas ! s’exclama-t-il enfin. Raphaël Bardas ! L’homme qui se prétend écrivain et qui a fait de nous ses jouets quelques mésaventures durant.

— Mouaif, soupira la Morue. Jamais entendu parler.

— Un auteur de théâtre ? tenta Silas. Ce nom ne m’est pas complètement étranger, et je ne sais pourquoi, mais il m’évoque la presqu’île de Dados Rojos, ses vins trop forts et ses siestes crapu...

— Non Silas ! Quand cesseras-tu de ne penser qu’à…

— Qu’à ?

— Ce n’est pas vraiment le moment de parler d’amour mon tout beau. Alors non. Non, ou plutôt juste un peu oui, mais pas aussi exactement que ton joli ciboulot pourrait l’imaginer Silas. Le Bardas, c’est le sale type qui, depuis son monde à lui, nous trimbale de rade et rade, et port en port, et de mort en mort…

— Et de couche en couche !

— Oui ! Amis, oui !

— Et d’castagne en castagne ?

— Oui Morue, le Bardas, dans son monde, il est écrivain. Il a écrit des caisses et des caisses de livres à jouer, avec des amis, des jeux de rôles comme on dit là-bas. Parce qu’il a rien contre un peu de convivialité et une bonne histoire à vivre à plusieurs, pour peu qu’il y ait du claquos, de la vinasse et du sauciflard… et ce qu’il aime, en plus de raconter des histoires de copains, c’est nous les faire vivre à nous. C’est comme ça qu’un jour il a fait de nous les Chevaliers du Tintamarre et qu’il nous a embarqués dans le Voyages des Âmes cabossées. Mais bien avant ça, il s’est fourvoyé avec des gars comme le Gaborit ou le Granier de Cassagnac, et bien d’autres comme eux. Il a traîné ses guêtres d’auteur dans les Royaumes Crépusculaires ou encore sur Cosme, avant de se mettre à co-inventer ses propres univers. Amnesya 2K51, Venzia, Retrofutur !

—D’la confiture ?

— Non, Morue, mais ce qu’il invente parfois se voudrait tout aussi sucré… Capharnaüm, et le tout petit roman qui en fut tiré, Aux traîtres indomptables, du sucre, du miel, des épices et tellement de soleil ! Nul doute que c’est un peu ces amours là, ces univers qui le hantent, qui l’ont poussé à nous faire vivre ce qu’il nous a fait vivre.

— Ou mourir !

— Ou mourir oui… d’ailleurs, j’ai fini mon cruchon, qui qui paye la douloureuse ?

— Ce soir c’est Bardas les gars, c’est Bardas qui paye l’addition ! Hein Rossi, j’ai bon ?

— On dit « Qui régale » ! faut tout qu’j’vous apprende.

— C’est Bardas qui régale ? Rien n’est moins sûr les amis !


À vos questions et commentaires !!!


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Aelinel :


Bonsoir Raphaël, j’ai presque fini Le voyage des âmes cabossées et je l’adore autant que le premier. Comment t’est venue l’idée de ces trois personnages un peu losers mais terriblement attachants? Sur Twitter, tu voyais trois acteurs pour les rôles des trois compères : Pio Marmaï, Guillaume Gouix et Benjamin Lavernhe. Est-ce que tu les as imaginés ainsi dès le départ ou cela est-il venu après?


Tout d'abord merci, chaque nouveau roman est une somme de prises de risques, et chaque retour de lecture est un grand huit sans ceinture... je suis bien content que le Voyage te plaise !

Pour le côté looser, je n'y suis pour rien. C'est d'ailleurs la même chose pour l'humour. J'ai été très surpris par les premiers retours qui qualifiaient quasiment les Chevaliers de Tintamarre de comédie. Moi au départ j'ai sincèrement l'impression de d'écrire un truc sérieux avec parfois une pointe d'humour quand cela me vient. Il en va de même pour mes personnages. J'aime qu'ils soient humains alors je leur donne des défauts, des goûts, des envies, des pulsions, et comme ça pourrait parfois être pesant, je le tourne assez souvent en dérision. Ça adoucit les angles et les rend sympathiques, je crois. Ça aide aussi à faire digérer leurs défauts. Cela n'est d'ailleurs pas toujours bon pour la réception du livre, certains lecteurs ayant un fort besoin d'identification ou une lecture un peu plus au premier degré que ce que je propose ont tout simplement détesté le livre, son ton, ses personnages.



Pour les acteurs, j'aurais d'abord dit : Dominique Pinon ou Denis Lavant pour la Morue, Jacques Brel ou Depardieu pour Rossignol, et Vincent Perez ou Patrick Dewaere pour Silas. Mais tous ceux-là sont trop vieux ou trop morts pour jouer les rôles des gars du Tintamarre. Je réalise que mon casting idéal se situerait quelque part au croisement de celui des Valseuses, de Mon oncle Benjamin, de la Reine Margot et un peu d'Amélie Poulain XD.

En cherchant des noms d'acteurs plus récents ces trois là : Pio Marmaï, Guillaume Gouix et Benjamin Lavernhe s'imposent d'eux-mêmes. Pio Marmaï est capable du panache et du côté un peu idiot de Silas, Guillaume Gouix a une large palette de jeu et une plastique parfaite pour jouer un boxeur (il faudra juste l'enlaidir car il est trop beau pour le rôle). Quand à Benjamin Lavernhe, depuis que je l'ai vu jouer Scapin, je ne vois que lui pour incarner Rossignol et ses envolées lyrico-gouailleuses !


Dup 

Merci pour cette réponse détaillée !

J'ai lu, sur la chronique de Fantasy à la carte pour ne pas la citer, que tu avais participé aux JDR des mondes crépusculaires de Mathieu Gaborit. J'en avais adoré la lecture d'ailleurs et je me dis qu'heureusement que je ne suis pas équipée pour y jouer car il n'y aurait plus de chroniques de Dup, c'est clair ! Bref, ma question est la suivante : as-tu donc rencontré Mathieu Gaborit, bossé à ses côtés ? Il est comment dans la vie IRL ? Nous l'avons reçu ici et c'était un mois enchanteur. Le croises-tu encore ?

J'ai effectivement beaucoup travaillé sur les jeux Agone et Abyme, bien que n'ayant pas participé au livre de base d'Agone. J'ai même eu la chance d'être l'un des quatre auteurs du Guide de la Cité des Ombres paru chez Mnémos et dirigé par mon grand ami Raphaël Granier de Cassagnac.

Et oui, j'ai un peu fréquenté Mathieu Gaborit, que j'avais trouvé très sympathique et rêveur. J'avais l'impression de croiser un vrai poète ! Après, c'était il y a plus de vingt ans désormais, et peut-être qu'entre temps c'est devenu une vrai crevure 😆



La dernière fois que l'on s'est croisés, c'était à l'occasion d'un brainstorming pour le développement du jeu de rôle Abyme. En me disant au revoir, il avait ajouté :" et garde la fraicheur !". Alors je m'y efforce depuis 😉


Fantasy à la carte :

Bonjour Raphaël, alors tu continues tes activités de création de jeux de rôle. Ça doit te prendre beaucoup de temps ? Comment tu t'organises avec l'écriture de tes romans en parallèle ? Le jeu de rôle, c'est un plaisir avant tout ou c'est juste professionnel ?


Oui, je continue d'écrire du JDR et même de "piloter" un projet depuis 2017. Un jeu de fantasy contemporaine qui aurait déjà dû sortir mais qui a pris beaucoup de retard avec la crise sanitaire. Ca me prend énormément de temps, mais c'est aussi beaucoup de plaisir car j'ai embarqué mes amis proches et ma compagne dans l'écriture et les playtests du jeu.

Pour l'organisation, vu que j'ai un réel besoin d'immersion quoi que j'écrive, je ne travaille pas sur deux univers différents en même temps. En gros, si je travaille pendant un mois sur le jeu, il n'y a pas d'écriture romanesque ce même mois. Par chance, j'ai un emploi du temps qui me permet d'écrire assez souvent en soirée, jusqu'à deux ou trois soir par semaine dans les grosses périodes, ainsi que pendant les pauses déjeuner.

Le JDR est une passion depuis trente ans et j'ai la chance de pouvoir y jouer souvent et même de continuer à éditer des trucs. En revanche, bien que ma production soit professionnelle, il ne faut pas non plus imaginer que ça a fait ma richesse hein, je n'écris et n'ai écris quasiment que des jeux de niche, en français de surcroit, dans un milieu déjà bien restreint.


Phooka :

Bonjour Raphael

Est ce que ça a été difficile de trouver un éditeur ? As tu frappé à plusieurs portes?
Est ce que ton expérience de JDR t'a aidé pour arriver à être édité?


En fait j'ai un parcours un peu particulier... mon éditeur d'aujourd'hui, Mnémos, est dirigé par les mêmes personnes qui m'ont édité pour la toute première fois en JDR en 1999. Mais cela n'a pas été facile, les Chevaliers du Tintamarre ont été refusés plusieurs fois. Même si le projet plaisait, le résultat que j'obtenais n'était pas éditable en l'état. En revanche, ça m'a permis d'accumuler des brouettes et des brouettes de notes et d'idées et de composer l'univers que vous avez pu commencer à découvrir dans les aventures des trois zinzins.

Alors, mon expérience du JDR m'a aidé, oui, car elle m'a donné le réseau et un certain nombre de compétences rédactionnelles, mais elle m'a aussi longtemps desservi pour deux raisons : la première, c'est que j'ai eu beaucoup de mal à différencier les deux types d'écriture. On n'écrit pas du roman comme du JDR, ni du JDR comme du roman. J'ai mis très longtemps à maîtriser la différence entre les deux. La deuxième, c'est que sachant qu'en JDR j'avais quasiment toujours du travail, qu'il m'était assez facile de trouver un éditeur grâce à mon réseau, j'allais au plus simple et me concentrais sur celui qui était certain d'être publié. Jusqu'à ce que mes copains du Studio Deadcrows acceptent d'intégrer un mini roman au financement participatif de l'édition anniversaire de Capharnaüm : l'Héritage des Dragons. Là j'ai pu me concentrer à écrire ce petit truc amusant, Aux traîtres indomptables, et passer le pas d'une écriture ludique à une écriture littéraire. Vu que j'avais inventé l'univers du jeu dix ans plus tôt, que celui-ci avait déjà fait ses preuves et qu'il était bien installé, je n'avais presque pas de worldbuilding à travailler, il me fallait juste une intrigue, de bons personnages et des choix narratifs. Ca m'a permis de comprendre que le lecteur d'un roman n'avait pas besoin de tout savoir d'un univers, contrairement à un maître de jeu, en ce qui me concerne l'articulation entre mes deux types d'écriture s'est faite ici.




Fantasy à la carte :


Bonjour Raphaël, merci pour tes réponses. Tu es quel genre d'écrivain? Tu planifies toute l'histoire depuis le début ou tu écris au feeling ? En un mot, tu es un jardinier ou un architecte ?


Je suis un scénariste chevronné et paradoxal : méthodique et désorganisé à la fois.

Je commence par noter les ingrédients de mon histoire, ce qui me passe par la tête et que j'aimerais voir apparaître. Il peut s'agir de personnages, de métiers, de situations, de lieux, et même de concepts sous forme de mots-valises (détectivre, spadassinge, dragondindre, etc.)

Après je les mets en relation et j'essaie de voir si ça peut faire une histoire, je les tourne et les retourne comme les pièces d'un puzzle jusqu'à ce que cela révèle un début de cohésion. Une fois ce puzzle établi, je cherche les pièces qui permettraient de le compléter. Je tire alors une trame : un pitch, puis un schéma narratif, et surtout comment ça finit. Une fois que je sais comment ça va finir, quelle sera la chute, ou la morale, ou quelque chose s'en approchant, je vois en combien de parties je peux raconter ça... je donne un titre à chaque partie, puis vois en combien de mini arcs narratifs, puis en combien de chapitres je dois découper cela. Une fois que j'ai établi un chemin de fer, je rédige un paragraphe me permettant de connaître le contenu de chaque chapitre.

En général, si j'arrive à détailler cela au moins sur la première partie du livre, et que je pressens que cela peut tenir le coup jusqu'à la fin prévue, je commence à rédiger.

Bien entendu, je suis désorganisé, et j'aime désorganiser, alors en cours de route, il y a plein de choses qui vont bousculer ce que j'avais prévu. Des fois c'est tout simplement un dialogue qui dérape : en le rédigeant, je ne résiste pas à placer une vanne de Rossignol qui me vient à l'arrache, ou un oubli de la Morue, ou encore une réaction impulsive de Silas, et paf ! Je me rends compte que des personnages normaux auraient pu faire ce qui était dans le plan, mais pas eux, alors l'histoire bifurque et je réécris la suite du chemin de fer pour retomber sur mes pas, ou finalement décider de donner une autre tournure à l'histoire. Cela implique aussi parfois de revenir en arrière pour modifier certains aspects, placer un implant narratif ou retravailler complètement une scène pour que cela ne tombe pas comme un cheveux sur la soupe et que cela ait du sens. L'autre chose qui peut provoquer un bouleversement du plan, c'est quand je commence à comprendre de quoi je parle. Oui, je sais, cela paraît bizarre, mais au-delà de l'histoire que je raconte et des aspects personnels que j'y mets consciemment, je me suis à chaque fois rendu compte en cours de rédaction, comme on le fait parfois au cours d'une thérapie, de ce dont je parlais réellement sur le plan personnel et intime. Les trois romans que j'ai publiés (j'inclus donc le petits Aux traîtres indomptables), au-delà de l'intrigue, de l'aventure, de la truculence et des mondes imaginaires, traitent tous d'un aspect important de ma vie, de mon passé, de ma construction psychique.

Lorsque je comprends ça, je ne peux pas passer à côté, je pousse l'auto-psychanalyse jusqu'au bout et modifie l'histoire, les personnages, les éléments symboliques, etc. comme il se doit pour que cela me permette de résoudre, ou en tout cas de mieux interroger, la problématique que je pose dans le roman.


 La suite par ici

6 commentaires:

Phooka a dit…

Bonjour Raphael

Est ce que ca a été difficile de trouver un éditeur ? As tu frapper à plusieurs portes?
Est ce que ton expérience de JDR t'a aidé pour arriver à être édité?

Fantasy à la carte a dit…

Bonjour Raphaël, merci pour tes réponses. Tu es quel genre d'écrivain? Tu planifies toute l'histoire depuis le début ou tu écris au feeling ? En un mot, tu es un jardinier ou un architecte ?

Olivier Bihl a dit…

Bonjour Raphaël, je suis une des nombreuse victimes de ces deux fées taulières de Bookenstock, elles arrivent toujours à m'attirer dans leur filet et sont mes gourous dans la découverte de nouveaux auteurs et mondes... je viens donc de te découvrir avec tes deux premiers interview, ta présentation aussi ahurissante que ces drôles de mousquetaires et surtout avec "Les Chevaliers du Tintamarre" dont j'ai fini la lecture hier... Mon premier sentiment est celui de la sidération.... bien barrée et atteinte ta clique de personnages et de mondes différents... J'avoue avoir eu d'abord du mal à rentrer dans ce livre tant les personnages sont nombreux, variés et aux noms ou surnoms tordus et originaux sans compter réussir à visualiser les mondes qu'ils parcourent de leur frasque...Puis en laissant tomber tout rationalisme j'ai été emporté dans la loufoquerie du récit... Alors voilà effectivement on est entre "Les Trois Mousquetaires", "Don Quichotte" et Dali...De nombreuses questions me viennent donc ; la première c'est évidemment la dédicace à Roxane de ta première page une référence à quelqu'un de proche, le titre de Police, Cyrano de Bergerac ou à Roxane Dambre ? Je lis que tes premières versions des Chevaliers ont été retoquées, est-ce par la trop grande variété et richesse des personnages ? As-tu prévisualisé le décor des mondes dans lesquels les chevaliers évoluent ? Existe-t-il une carte de ces mondes ? La couverture de ce livre m'interpelle aussi mais qui l'a réalisé ? l'as-tu validé sans modification ? Voilà pour aujourd'hui mais je ne lâche pas comme celà..... je reviendrai

Olivier Bihl a dit…

Ma chronique est en ligne ; https://passiondelecteur.over-blog.com/2021/09/les-chevaliers-du-tintamarre-de-raphael-bardas.html

Fantasy à la carte a dit…

Bonjour Raphaël, woauh mais quel travail de fou, je suis impressionnée par ce long chemin pour faire naître un roman. C'est organisé et désorganisé en effet. Parlons maintenant de ton tome 2, Le Voyage des Âmes Cabossées, il était prévu dès le début? ou sa sortie dépendait du succès du premier volet? Sinon, d'autres tomes sont prévus?

Laura Collins a dit…

Bonjour Raphaël ,je ne t'ai pas encore lu mais ça ne saurait tarder... rien que tes réponses me donnent envie ! Dis-moi, qu'est-ce qui te semble le plus rude dans l'écriture ( entre la phase de brainstorming et l'après publication, quand tout le boulot est fait ( ouf, hein?)