Les éditions du Bélial'
425 pages
23 euros
4ème de couv :
« Elle plaque la feuille sur la table, face vierge exposée, et la plie. Intrigué, j’arrête de pleurer pour l’observer. Ma mère retourne le papier et le plie de nouveau, avant de le border, de le plisser, de le rouler et de le tordre jusqu’à ce qu’il disparaisse entre ses mains en coupe. Puis elle porte ce petit paquet à sa bouche et y souffle comme dans un ballon.
“Kan, dit-elle. Laohu.” Elle pose les mains sur la table, puis elle les écarte.
Un tigre se dresse là, gros comme deux poings réunis. Son pelage arbore le motif du papier, sucres d’orge rouges et sapins de Noël sur fond blanc.
J’effleure ce qu’a créé Maman. Sa queue bat et il se jette, joueur, sur mon doigt… »
L'avis de Dup :
J'ai craqué pour ce livre pour deux raisons. Avant tout pour la somptueuse couverture. Une fois le livre en main, j'ai compris pourquoi : elle est signée Aurélien Police. Il a de l'or dans les mains cet homme là ! Et puis bien sûr le pitch que vous pouvez lire ci-dessus. Quelle magie originale, je savourais d'avance ma lecture... Et là, je dois avouer une contrariété : ce livre n'est pas un roman mais un recueil de nouvelles, un genre littéraire dans lequel je ne suis pas à l'aise... Si j'avais un peu plus éplucher le dossier de presse au lieu de foncer bille en tête, j'aurai eu la bonne info.
Cependant malgré la déception j'ai aimé l'univers de Ken Liu, et ce malgré une majorité de nouvelles clairement SF. Ma préférée reste de loin La ménagerie de papier qui elle serait à classer en Fantastique. Pour cette idée d'insuffler de la vie dans des figurines en origami. Cette nouvelle est un délice amer, très amer, à lire absolument. Je ne vais pas vous faire une énumération des 19 nouvelles de ce recueil, ce serait plus que rébarbatif.
Leurs tailles sont très variables, cela va de 3 pages pour la plus courte (Nova Verba, Mundus Novus, vraiment excellente, beau clin d'oeil à Terry Pratchett), à 35 pages pour la plus charnue. Et c'est bien là que le bât blesse pour moi, ce genre littéraire me frustre terriblement. On découvre un univers, des personnages et déjà il faut les quitter, définitivement. Puis certaines, comme beaucoup de nouvelles, se finissent abruptement, sans prévenir, sans chute. Ces dernières me tourmentent, j'ai toujours l'impression d'être passée à côté de quelque chose, de n'avoir rien compris de ce que voulait me dire l'auteur. Bref...
Comme je le disais précédemment, une bonne partie de ces nouvelles sont de SF. De celles avec des vaisseaux spatiaux qui partent à la conquête de nouvelles planètes. Les thèmes de la colonisation, de la guerre pour de fausses bonnes idées, le respect de la différence, etc... Ce qui est sympa c'est que de l'une à l'autre on retrouve une constante, un peu comme un clin d'oeil, il est toujours question du système solaire 61 Virginis situé à 27,8 années-lumière de la Terre.
Je tenais également à saluer l'humour de l'auteur. Toutes ses nouvelles n'en sont pas pourvues, mais lorsqu'il est présent, l'humour est délicieux. J'ai un gros faible pour Le Golem au GSM. Où c'est Dieu qui s'adresse à une petite chinoise, car il a besoin d'un coup de main. Les dialogues sont hilarants et cyniques, la religion juive en particulier en prend pour son grade, mais ceci peut très bien s'étendre à toute religion monothéiste ceci dit !
D'une manière générale, les idées développées par Ken Liu sont passionnantes. Il pousse par exemple à l'extrême l'impact des réseaux sociaux sur l'homme avec Faits pour être ensemble. C'est bien vu et cela fait rire... jaune. Ou alors il invente un monde où l'homme a créé une machine capable de lire et révéler un moment clé de votre vie future, LE moment qui influencera toute votre vie. Ainsi Penn s'est "incarcéré" tout seul à l'âge de 17 ans lorsque l'Oracle lui a annoncé qu'il allait tuer. Penn est donc un pré-criminel :). Cela fait 20 ans, il n'a toujours pas tué... À lire, elle s'appelle L'Oracle. Ken Liu développe également l'idée de l'Intelligence Artificielle, du langage universel, bref il touche à tout et c'est passionnant.
Si je n'ai pas aimé toutes les nouvelles, je ne regrette absolument pas ma lecture qui m'a permis de découvrir une plume superbe et surtout un imaginaire débordant. D'autant que voilà ce qu'il dit pour débuter l'avant-propos de ce recueil : " J'ai commencé ma carrière comme nouvelliste, mais je n'écris plus beaucoup de textes courts ces temps-ci. Même s'il s'agit là d'un format que j'apprécie toujours, je consacre l'essentiel de mes efforts au roman."
J'attends donc, patiemment, que ses romans soient traduits en français.