jeudi 22 novembre 2018

Cinquième interview de Stefan Platteau











Riz-Deux-ZzZ :


Effectivement, en avançant dans ma lecture, je comprends mieux le côté hindou.

Il ne me semble pas que cela ait été déjà abordé dans les précédentes interviews (auquel cas je m'en excuse) : le fait de poser une moitié d'intrigue sur les eaux est-il un choix stratégique pour que le voyage avance plus vite ou simplement l'envie de naviguer ? C'est une passion ou y a-t-il eu un travail de recherche car certains passages de navigation pure sont vraiment très pointus ?

Stefan :


Hello ! Je n’avais pas de passion préalable pour la navigation (au contraire de la montagne) ; j’ai découvert toute la complexité de la remontée fluviale et toute la richesse du métier de batelier lors de la phase de recherche documentaire (cfr. ITV 2 sur Bookenstock, ma réponse d’il y a quelques jours). Le bateau m’a simplement paru une belle façon de remonter la forêt tout en la laissant encore « impénétrable » et mystérieuse. C’est aussi un excellent cadre pour les récits de vie !


Fantasy à la carte :
Aimerais-tu écrire autre chose? T'essayer à un autre genre?

Stefan :

Oui, notamment de la SF ou du pur roman historique. Récemment, j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire du contemporain, en rédigeant une nouvelle pour l’anthologie « SOS Terre et mer », au profit de SOS Méditerranée, dirigée par Christine luce et Mérédith Debaque. Bien qu’il s’agisse en fait toujours de Fantasy, puisque j’y narre la migration d’êtres fantastiques africains, du Mali jusqu’aux îles grecques, ce texte m’a permis d’utiliser un lexique plus moderne, d’explorer de nouvelles métaphores… faire joujou avec de nouveaux mots ! Un petit bonheur bienvenu, en plein milieu de ma longue saga médiévale… Au passage, je vous conseille cette antho, c’est pour la bonne cause, et il y a des tas de supers auteurs et illustrateurs dedans, comme JP Jaworski, Nathalie Dau, Hélène Larbaigt… Dans notre XXIème-siècle-où-l’on-s’ennuie, rien n’est plus proche du héros de fantasy que le migrant qui traverse des désert, échappe à la soif, aux passeurs et aux troupes armées, affronte les esclavagistes en Lybie, risque sa peau en mer sur une coquille de noix. 



Phooka:

Bonjour Stefan,

Quand tu écris, est ce que tu prévois absolument tout à l'avance ou te laisses tu surprendre parfois par tes personnages?

Stefan :

Je me laisse surprendre. C’est beaucoup mieux comme ça. Et ça arrive assez souvent. C’est la preuve qu’ils ont acquis une vie propre, ces canaillous ! Par exemple, l’acte posé par Varagwynn à la fin de « Manesh » m’a totalement étonné. Il a jailli comme ça : « Je veux le faire. C’est à moi de le faire. » Et après une courte réflexion, ça m’est apparu évident, lumineux. Ce bougre de batelier avait raison : c’est lui qui ouvre le roman, c’est donc à lui de le fermer également !


Bon, il y a ceux qui m’ont surpris en restant vivants, alors que je les voyais mort à mi-parcours, aussi… * s’inscrit sur le champ à la Master class de GRR Martin*

On vous offre un petit bout de coulisse :)
Phooka :
Sérieusement c'était bien le semi-marathon ?
Stefan :
Over sympa ! … bon, on va être honnête, si on prend le classement final, je suis à peu près au milieu de la 20ème et dernière feuille de liste de noms, tout à droite du mur du hall de sport. Mais au moins, j’ai terminé ces 21 km pour ainsi dire sans marcher, alors je suis content ! Et puis, j’ai amélioré mon temps. L’essentiel, c’est de participer !


Fantasy à la carte :

Autre question, comment as-tu choisi les noms de tes héros?



Stefan :

Je procède comme expliqué dans ma réponse d’hier (à l’autre question sur les noms des personnages (Lady K, ITV 4) ). Je génère une série de liste de noms, et puis je choisis ceux qui me semblent les plus punchy, et je les attribue aux héros, en priorité. Privilège du héros… les autres sont servis après.


Je ne sais pas formuler ma question (c'est ma spécialité ! ) . Je trouve savoureux que ce soit le barde qui écoute l'histoire de Manesh. Est-ce parce qu'il est le seul à savoir reconnaître une belle narration ou une autre raison. Bon d'accord le barde en pleine forêt n'a pas trop sa place. Mais sans la présence du blessé aurait il dû rester sur le bateau? J'aime la poésie qui se dégage lorsqu'il s'agit de Manesh. 


Stefan :

Hello. En fait, il est assez logique que ce soit le Barde qui recueille le récit de Manesh. Pour avoir quelque chose à dire, il faut d’abord écouter. Pour raconter des histoires, il faut d’abord les apprendre de la bouche d’un autre ­- du moins, c’est le cas dans une société traditionnelle où l’on se transmet les mythes d’une génération à la suivante. Les bardes sont les gardiens de la mémoire, et les grands de ce monde espèrent qu’ils conservent, pour la postérité, le souvenir de leurs faits et gestes. Fintan est habitué à recueillir des témoignages ; son rôle d’ambassadeur (autre fonction traditionnelle des bardes) le prédispose à restituer fidèlement des paroles. En écoutant Manesh raconter sa vie, il lui fait en quelque sorte un grand honneur – c’est un service que ses semblables réservent le plus souvent aux princes et autres personnages importants soucieux de prestige et de pérennité.

Ramettes (encore :))

J'ai noté qu'il y avait un langage fait de gestes. Ça à lair beaucoup utilisé pour les éléments (soleil etc) et le côté "religieux". Est-ce que c'est plus développé dans les autres tomes ? Est-ce comme une langue universelle pour que tous les peuples puissent se comprendre ? Est ce que c'est comme les peaux rouges? 


Stefan :

Très belle remarque !
Lors de l’écriture de Manesh, je voulais que le dépaysement provienne aussi de la gestuelle des personnages et de sa signification. Les gestes n’ont pas le même sens d’un pays à l’autre. Dans le sud de l’Inde, le mouvement de tête pour dire « oui » ressemble à celui que nous pratiquons en Europe pour dire « non ». En Indonésie, il est très insultant de poser sa patte sur la tête d’un enfant, une attention qui serait beaucoup mieux reçue chez nous ; et le ventre (plutôt que la tête) est considéré comme le siège de l’égo, ce qui implique aussi un rapport tactile à la bedaine différent du nôtre. Et on pourrait continuer les exemples par milliers… Pour moi, un monde de Fantasy ne peut pas être pleinement dépaysant si le langage corporel de ses habitants est exactement semblable au nôtre. Ce serait un peu comme d’imaginer mes personnages en costume ou en armure de l’Héritage, mais avec une coiffure tendance des années 2010. Ou pire : d’imaginer Jaime Lannister avec un manteau en cuir à col moderne. Pardon ? Ah, on mon signale que ça, c’est fait depuis la saison 1 de GOT. Zutre alors…
De façon générale, il n’y a pas, dans mes écrits, un langage gestuel universel ; c’est tout à fait culturel et variable d’une région à l’autre de mon univers. Exception toutefois pour certains gestes religieux, comme le geste pour souhaiter la protection des Astres…



Lundi est venu et passé (enfin lundi dernier), dite Monsieur Platteau on essayerait pas de me flouer de la fin de ma réponse ? (bon en même temps je comprend je fais des questions ch54654&tes) ;) 


Stefan :

Ciel ! Je suis fait !
Well, je ne vais pas te livrer ici des pages et des pages d’Histoire de Chimérie : je garde quelques cartouches en réserve, et puis je préfère ne pas encore m’engager sur des dates et des noms… nous en reparlerons sans doute plus longuement si je mène à bien mon projet de préquelle, Les Sentiers du Crépuscule, sur la question des colonies et les prémisses de la guerre civile.
Pour l’instant, disons simplement que les Royaumes du Crépuscule ont été unifiés partiellement et par intermittence à plusieurs reprises au fil des siècles, à chaque fois qu’un théocrate assez fort parvenait à s’asseoir sur le Trône de Nintor pour proclamer la restauration de l’Empire Néo-Vintalou (et le règne sur terre des Dieux du Vintou). Peu d’entre eux ont résisté longtemps… Cependant, il y a environ 250 ans, l’un d’eux, Djan Gaushar, est tout de même devenu si puissant, qu’il a pu lancer ses armées à l’assaut de l’Héritage, dans l’espoir de réaliser enfin le rêve de Sargon Antelu : imposer aux mécréants le règne des Dieux, un millénaire après leur débâcle aux Mille stères. Cette invasion est la plus grande menace jamais subie par l’Héritage ; on peut dire qu’elle a forcé son unification sous la couronne des Souranès. La restauration des canaux du Baille des géants a facilité le transport des troupes, permettant de réunir les osts des Kintris et de mettre en déroute les armées de l’envahisseur – une déroute si totale que l’empire du Théocrate s’est effondré d’une pièce, et que l’Héritier-roi a pu pousser son avantage pour y pénétrer à son tour assez profondément, libérer le Galladu, puis s’emparer de plusieurs Royaumes de Chimère (c’est l’époque de Kâlis, la reine guerrière, épouse de l’Héritier-Roi). C’est ainsi que les Royaumes de Chimère sont devenus peu à peu des colonies ou protectorats « appartenant » à diverses grandes maisons de l’Héritage – ce qui n’a pas manqué de provoquer diverses rivalités coloniales, entrainant des petits jeux malsains (du genre : je finance les rebelles qui t’empoisonnent la vie, mais à la cour d’Hesalreng, entre nobles de l’Héritage, on se fait des risettes…) et une concurrence féroces entre guildes de navigateurs (notamment les Bleus sarreaux de Morthouanne VS la Guilde Pourpre de la Maison des Lagunes, à Nardoresse). Manesh était encore tout enfant lorsque la bataille de Lenfranter, sur le lointain fleuve Serpentaire, a provoqué la chute des comptoirs de Nardoresse, récupérés en douce par les Bleus sarreaux, avec la bénédiction du Duc de Morthouanne et de l’Héritier-Roi Akhil Souranès. Une félonie qui a provoqué la ruine de la Guilde Pourpre et des marins de Nardoresse, dont on trouve des répercussions dans mon troisième tome, Meijo, à travers l’histoire des Rouges-gueules, bande de marins et manouvriers sans embauche mués en brigands. Autre épisode : la vente forcée du joyau des colonies de Narrakhin, la Terre de lavande, aux Souranès, pour éponger la banqueroute des Luari. D’une certaine façon, on peut dire que le jeu colonial a maintenu les grandes maisons de l’Héritage dans un état de tension qui n’est pas sans avoir joué un rôle dans l’émergence de la guerre civile...







5 commentaires:

Païkanne a dit…

Mieux vaut (très) tard que jamais (?) : voici le lien de mon billet sur Manesh :-)
https://lemondedepaikanne.wordpress.com/2018/11/22/les-sentiers-des-astres-1-manesh-stefan-platteau/

Olivier Bihl a dit…

Bonjour voici les liens de ma série d'article sur ce mois assez fabuleux à nouveau.

- Le mois de avec ses MAJ : http://passiondelecteur.over-blog.com/2018/11/le-mois-de-novembre-2018-sera-celui-de-stefan-platteau-chez-book-en-stock.html

- Mon avis sur le livre en partenariat ; http://passiondelecteur.over-blog.com/2018/11/les-sentiers-des-astres-1.manesh-stefan-platteau.html

- Mon avis sur l'autre livre découvert grâce à ce mois ; http://passiondelecteur.over-blog.com/2018/11/devoreur-precededu-roi-cornu-stefan-platteau.html

Mes petites questions difficiles à poser, tant mes petites camarades se sont déchainées...

- J'ai découvert deux livres aux histoires radicalement différentes, comment fait-on pour passer de l'univers de l'un de ses livres à un autre ? je lis que tu es en train d'écrire le quatrième et dernier volume de ce cycle Les Sentiers des Astres... combien de livre écris-tu en simultanée? de plus j'imagine que tu es tenu aux délais fixés par tes éditeurs, tu vis ou lis quand même par ailleurs ? une culture encyclopédique tu dois avoir pour jongler de la sorte entre orient, occident, hindouisme et mythologies... d'où tires-tu tout cela ? (recherche Internet ? propre bibliothèque ? bibliothéques publiques ? autres auteurs ?. Est-ce qu'en Belgique on peut mieux vivre de son écriture que par chez nous ? un métier à part entière ou un complément de revenus ?

Les lectures de Licorne a dit…

Stefan, pour éviter que le tarin ne chatouille trop, je vais faire vite !

Alors ...La filiation et le fait de chercher à connaitre ses racines coute que coute ont l'air d'être un sujet important pour vous ? Vrai ou faux ?

et vite je me dépêche, quel est le personnage qui vous ressemble le plus dans cette histoire, selon vous !


A mon tour je viens vous livrer ma chronique ! J'ai adoré , c'est clair !
https://fanfanlatulipe85.blogspot.com/2018/11/les-sentiers-des-astres-tome-1-manesh.html

Phooka a dit…

Vite, vite , avant la fin du mois !

Quels seraient les 5 romans que tu conseillerais à quelqu'un qui veut découvrir la fantasy?

Quels sont tes livres préférés , tous genres confondus?

Quel a été le premier livre imaginaire (ou pas d'ailleurs) que tu as lu et qui t'a vraiment marqué ?

Quel est le héros de roman qui t'a le plus marqué ?

Trouves-tu toujours le temps de lire entre ton boulot et l'écriture? Si oui, quel est le roman récent qui t'a marqué?

J'arrête là ...pour le moment! :)

Dup a dit…

Parce que tu crois qu'on va te lâcher comme ça ?! À mon tour !

Étant passée à Shakti, j'ai un autre sujet à aborder : la musique.

Comment t'es venue cette idée géniale d'y associer la magie ? Ce passage où Fintan déballe son instrument dans la forêt, joue et chante est tout simplement grandiose.
Es-tu un musicos toi aussi ?
De quel instrument joues tu, ou aimerais jouer ?
Un petit récital à nous proposer aux Imaginales après le cours de Prandalipapat yoga ?