Premier volet de l'ITV de ROZENN ILLIANO

 

On accueille aujourd'hui et pour un mois l'autrice Rozenn Illiano, afin de discuter avec elle de ses livres, de ses personnages, de tout et de rien, bref pour papoter ensemble.

On vous la présente tout d'abord :

Bienvenue donc à Rozenn, qui a accepté notre proposition de Mois2 en réponse à sa proposition de SP pour Tueurs d'anges. On doit avouer qu'on n'y croyait pas. Discrète sur les réseaux hormis Insta, peu ou pas présente sur les salons... mais "qui ne tente rien, n'a rien", et par retour de mail c'était ok ! La team bookenstockienne était aux anges !!!

Et bien sûr bienvenue aux participants "officiels" de ce Mois2, issus du partenariat, mais aussi à tous les internautes qui passent par là et décident de mettre leurs grains de sel, leurs questions en commentaire des billets d'ITV.

On laisse maintenant la parole à Rozenn.

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Je les entends discuter de l’autre côté de la porte. Je n’entends pas grand-chose à ce qu’ils disent, mais ça a l’air sérieux. Je soupire, saoulée d’avance. Ils vont m’en faire baver, je suis sûre.
Allez meuf, en piste.
J’entre dans le salon – gigantesque quand on y est deux, minuscule pour la bande de bras cassés qui essaie de s’y empiler. Je suis obligée d’ouvrir les hostilités d’entrée de jeu :

— Ches, tu peux descendre de l’accoudoir, s’il te plaît ?

Il me regarde de travers derrière ses lunettes, mais il obéit et redescend d’un étage sur le canapé, s’attirant les exclamations outrées des trois qui s’y serrent déjà.

— Vas-y, assieds-toi par terre, là, râle Virgile, qui galère déjà à ranger ses longues jambes entre la table basse et le canapé.

Il était en train de se rouler une clope quand je suis entrée, et s’efforce de la planquer.

— Tu crois que je ne t’ai pas vu ? dis-je avec tout le self-control dont je suis capable.

— Je crois que tu te fais des idées, ouais.

À côté de lui, Verne lui assène une tape sur la main et l’objet du délit s’envole : papier à rouler et tabac – ou peu importe ce qu’il y a dedans – s’éparpillent sur mon tapis comme des graines semées dans un champ. On ne sait jamais, si ça pousse. Verne et Chester éclatent de rire.

Ils vont me rendre chèvre.

— Bon, c’est pas comme si je n’avais que ça à faire, fais-je tout en m’installant là où je trouve de la place.

Je m’adosse au fauteuil occupé par Saraï et manque de me casser la figure parce que j’ai mal évalué la distance. Virgile pouffe, un rire entre le grincement d’une porte et le ricanement d’un démon. Je fais comme si je n’avais rien entendu et reprends :

— OK, concentrez-vous deux minutes, si toutefois vous êtes capables de faire ça. Demain commence la grande interview avec Phooka et Dup donc si vous avez des demandes particulières ou des sujets à éviter, c’est maintenant.

Comme je m’y attendais, Virgile lève la main le premier :

— Si on pouvait passer sur mes goûts musicaux, ça m’arrangerait. Pas envie qu’on se moque.

J’inscris la remarque dans mon carnet, tout en commentant :

— On n’évoque pas les goûts de chiotte de Virgile, noté.

— Je te rappelle que ce sont tes goûts de chiotte.

— Mais oui, mais oui. Quelqu’un d’autre ?

Verne intervient :

— L’histoire avec Oxyde, quand je me suis pissé dessus pendant la nuit au cours d’une intervention, tu peux garder ça pour toi ?

En réponse, des rires s’élèvent. Oxyde, debout près de la fenêtre – à croire qu’il aimerait se tirer au plus vite, comme je le comprends – agit comme si de rien n’était, mais il ne faudrait pas beaucoup pour qu’il rigole à son tour. Il ne le fait pas. Solidarité masculine, tout ça.

— Quand je suis tombé dans les pommes en plein centre-ville, indique alors Isaïah.

— Tu as fait ça ? s’étonne Roya.

— J’ai glissé en sortant du Quick, je me suis tordu la cheville et j’ai eu tellement mal que je me suis évanoui.

— La porte des toilettes coincée dans le sous-sol du bar de Ludwig, renchérit Dorian.

— Le goéland qui m’a fait caca dessus pendant les vacances chez mamie, lance Agathe.

— Quand j’ai chialé comme une madeleine avant mon opération, ajoute Giovanna.

Un par un, ils me communiquent leurs doléances, soit l’intégralité de leurs souvenirs gênants. Il y en a tellement que je pourrais écrire un livre. Après une demi-heure et une quinzaine de pages, je referme mon carnet.

— Bien, merci beaucoup, conclus-je. Comme promis, ce qui se passe à Vegas reste à Vegas. Pas un mot sur tout ça pendant l’interview.

— Ouais, merci boss, applaudit Chester avec trop d’emphase pour que ce soit sincère.

Je me décolle du fauteuil et regagne le couloir, avant de me tourner une dernière fois vers eux. Qu’ils sont beaux, tous, à me regarder comme si j’étais leur maîtresse d’école. Ça chouine quand on a des devoirs à faire mais ça réclame toujours des bons points.

Puis je ferme la porte. Et la verrouille d’un coup de clef. Derrière, un concert d’indignation me parvient.

— Tu ne peux pas nous laisser là jusqu’à demain ! s’offusque Virgile.

Je souris :

— Non, bien sûr que non, je ne vais pas vous laisser là jusqu’à demain. Je reviens dans un mois. Soyez sages.

Ce qui se passe à Vegas reste à Vegas.






Ps : toutes les anecdotes sont vraies.

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Snow :

Youhou j'ouvre le bal ! Alors euh question compliquée. Comment t'es venue l'envie d'écrire ? À quel moment as-tu eu le déclic du "j'ai BESOIN d'écrire des trucs" ?

Hello Snow, et merci pour cette première question, et merci à Dup et Phooka pour ce Mois de que j’avais hâte de commencer

C’est venu très récemment, en vrai. D’aussi loin que je me souvienne, il y a toujours eu des livres à la maison, j’ai toujours aimé lire, mais quand j’étais petite, je voulais surtout dessiner ! Ma mère me racontait qu’à l’époque, je piquais des crises parce que je dessinais “mal”, c’est-à-dire que je débutais et que je n’arrivais pas à faire ce que je voulais. C’est plus tard, à l’adolescence, que j’ai commencé à écrire des trucs, mais ça n’avait rien de sérieux (dedans, en vrac, il y avait une histoire avec des gangsters et une suite de Final Fantasy VIII, et c’était surtout pour passer le temps).

De fil en aiguille, mes histoires se sont complexifiées, et j’ai eu envie de les écrire parce que pourquoi pas. Jusqu’à 2015, quand je me suis rendu compte que toutes ces histoires étaient reliées entre elles. Là, j’ai vraiment eu le besoin de les écrire, comme si un multivers entier était né et avait l’urgence d’exister. Aujourd’hui j’essaie encore de démêler les pourquoi : pourquoi écrire, pourquoi écrire cette histoire, pourquoi la publier, et j’ai l’impression qu’on ne trouve jamais les réponses !




Heclea :

À mon tour :) Déjà merci aux vénérables pour l'orga !! Et pour Rozenn, j'ai vu que tu avais plusieurs séries en cours d'écriture, comment tu t'organises pour gérer ? Est ce que tu arrives à les écrire en parallèle ?

Hello Heclea !

Alors je gère, euh… comme je peux ! Plus sérieusement, je prends chaque roman comme il vient, peu importe qu’il fasse partie d’une série ou d’une autre. Je travaille de façon assez mécanique : j’écris le livre, je le corrige, je le publie, je passe au suivant, le tout avec un plan très défini en amont. Il me suffit de suivre la feuille de route. De plus, je ne crains pas de m’embrouiller entre les personnages, les univers, etc, puisque tous mes romans font partie de la même grande histoire.

J’ai quand même décidé de terminer une première série avant de passer à la suivante, mais là c’est plus pour une question d’organisation et de communication (comme ça, sur mon compte Instagram et sur ma newsletter, je reste focus sur la même série et les lecteurices ne sont pas perdus !).



N.Aely :

Bonjour. Ahh la première question à poser (pour moi parce que ce ne sera pas la 1e du mois de …) est toujours difficile. Alors je vais la jouer régionale lol. Si je ne me trompe pas tu vis en Bretagne. Je vais faire celle qui ne sait rien et demander : en es tu originaire ? est ce un retour aux sources après un moment ailleurs? ou est ce un coup de cœur pour cette magnifique région? Tu écris beaucoup sur les rêves est ce que quelque part le folklore régional a pu t’inspirer ? si oui comment ? sinon d’où te viens cette propension onirique ? belle journée à toi.

Bonjour N.Aely !

Oui, je vis à Rennes ! Je suis originaire de Bretagne dans le sens où une grande partie de ma famille en est originaire (des Côtes-d’Armor très précisément). Je ne suis pas née en Bretagne et je n’y vis que depuis mes 17 ans : on a beaucoup déménagé en France et dans les Outre-mer parce que mon papa était militaire. Par contre, dès qu’on s’y est installés, je n’ai plus jamais quitté Rennes. Ça fait 22 ans ! Dans mes rêves les plus fous, j’adorerais vivre sur une île, ou au minimum avec vue sur la mer.

Le folklore breton m’inspire beaucoup en effet, en particulier quand il s’agit d’histoires de marins ou de lieux hantés (les fées et les korrigans, un peu moins). Je trouve que ça dit beaucoup de choses sur les gens, sur les non-dits, les secrets de famille, les commérages dans les villages où tout le monde se connaît, et c’est pour ça d’ailleurs que j’aime autant les histoires de fantômes. En revanche, toute la dimension onirique de mes livres vient d’ailleurs ! Je ne sais pas trop d’où, je pense que c’est arrivé au fur et à mesure, à force d’explorer cet univers qui grandit depuis plusieurs années. Au début, il y avait un seul personnage qui possède la magie des rêves, et ensuite ça a pris toute la place.

Une bonne journée !




Alex Ferder :

Coucou, merci aux vénérables pour la découverte. Alors, alors, j'avoue être fascinée par tes couvertures. Est-ce que tu les imagines toi-même ou bien tu laisses une graphiste faire ? Deuxième truc, j'ai fouiné sur ta playlist d'écriture. Bon, mourrir demain, highway to hell, till the world ends, waiting for the end : est-ce qu'il y a un message subliminal à capter ? Quand même belle journée à toi

Hello !

Ça dépend des couvertures ! Les couvertures illustrées de mes plus anciens livres ont été réalisées par Coliandre, qui est mon chéri et que j’ai beaucoup maltraité pour avoir la couverture parfaite. Par la suite, comme il a fallu s’adapter au marché, il s’est occupé des premières couvertures graphiques, comme celle de l’Ombre dans la pluie, de Lettres de sang ou de La Maison des Épines. Nous avons l’habitude de travailler ensemble depuis des années, et il connaît bien mon univers, donc la plupart du temps on en discute, il tente quelque chose, je lui donne quelques indications ou je modifie, etc, jusqu’à arriver à l’image finale. Et voilà.

Mais ce n’était pas vraiment son truc, donc je m’y suis mise ! Depuis un moment, donc, je réalise mes propres couvertures, comme celles de Marcheurs de rêves ou du Temps des cendres.

Quand à la playlist, celle dont tu parles n’est pas une playlist d’écriture mais un petit délire pendant l’écriture de Tueurs d’anges, mon dernier roman paru. Dedans, il y a une scène que j’aime beaucoup, peut-être celle que je trouve la plus belle dans toute ma production : une boom organisée pour les enfants pendant l’apocalypse. Pendant l’écriture de cette scène, j’ai proposé à mes abonné·es sur Instagram de me donner des idées de chansons. D’où cette playlist ! Vous pouvez la trouver ici : https://www.deezer.com/fr/playlist/12615057443

Une belle journée !




Sia :

Bonjour Rozenn (j'espère qu'on peut s'appeler par prénoms interposés ?) ! Et merci pour ce Mois 2 !

J'ai vu que tu avais publié à la fois en auto-édition et en édition à compte d'éditeur : qu'est-ce que tu retiens de chaque expérience ? Les avantages de l'une sont-ils les inconvénients de l'autre ou est-ce que c'est totalement différent ? Le mode d'édition impacte-t-il la relation aux lecteurices ?

Bonjour Sia ! (les prénoms, le tutoiement, c’est parfait !)

Ce sont vraiment deux métiers différents, à mes yeux : le seul point commun entre les deux sont les histoires qu’on écrit. Pour le reste, ça n’a rien à voir !

J’ai commencé en auto-éditant mes livres, avec très tôt la volonté d’en faire ce que je voulais. C’est tout l’avantage de l’auto-édition : on reste maître de son texte, de sa couverture, de son calendrier… et cette indépendance me plaisait beaucoup. Sauf qu’à l’époque (mon premier bouquin auto-édité est sorti en 2013), c’était bien plus mal vu qu’aujourd’hui, et j’avais un très fort sentiment d’illégitimité. C’est pour ça que j’ai voulu tenter l’aventure de la maison d’édition, juste pour voir, en écrivant le Phare au Corbeau.

Cette expérience a été très chouette à plein de niveaux, puisque j’ai pu découvrir ce que c’était que de voir son livre en librairie, de toucher plus de lecteurices, d’avoir la chance d’une parution au format poche. Et en même temps, elle a renforcé mon sentiment d’illégitimité, car j’espérais beaucoup que les lecteurs de ce livre aient l’envie de découvrir mes autres livres, mais ça n’a pas du tout eu cet effet. J’avais l’impression d’être l’autrice d’un seul roman alors que j’en avais déjà sorti six ou sept.

Aujourd’hui, je ne regrette pas du tout d’avoir essayé. Ça m’a permis de me rendre compte que ça ne me correspondait pas du tout ! Je tiens à mon indépendance (c’est très frustrant de ne rien pouvoir choisir, ni date ni couverture ni rien !), et j’ai suffisamment confiance en moi pour pouvoir gérer ma carrière toute seule comme une grande.

Sur la relation avec les lecteurices, elle est en effet très différente selon le mode d’édition. Le lectorat “livres de maison d’édition” n’est pas le lectorat “livres auto-édités”, que ce soit pour leurs goûts, leur manière de consommer les livres, leurs attentes (parfois, ils peuvent lire les deux, et ça c’est chouette). J’ai une petite préférence pour les lecteurices de livres auto-édités car je les trouve plus ouverts, plus curieux. Et souvent très enthousiastes sur les réseaux sociaux !

Vanessa :

Coucou Rozenn. Sache d'abord que j'ai absolument adoré tout ce que j'ai lu de toi (L'ombre / Le temps des cendres, et j'ai commencé lettres de sang) Dis moi, quel cursus as-tu suivi? Quand t'es venue l'envie de faire de tes écrits ton métier ? Que trouve-t-on dans ta pal? Quels sont tes livres préférés et les genres que tu préfères lire? Il paraît que tu es une grande timide, les salons du livre, j'imagine qu'il faut oublier t'y voir?

Coucou ! Je suis ravie que tu aies aimé tes lectures jusqu’ici

Je n’ai pas fait d’études, malheureusement. J’étais en section arts plastiques au lycée et j’ai fait une année de fac en arts plastiques également, mais sans la valider. En fait, je voulais travailler dans l’animation, mais les écoles coûtent très cher et ce n’était pas possible pour moi d’en financer une. C’est très récemment que j’ai commencé à vouloir vivre de mes livres, il y a trois ans : avant ça, j’écrivais et publiais mes bouquins mais en parallèle à une petite boutique en ligne de bijoux faits-main.

Dans ma PAL, actuellement, il y a l’anthologie Multiversalités (éditions Œil d’or), Les Esseulés de Victor LaValle, Le Chant des Voiles de Tiphs, Le Guide du Voyageur Intergalactique de Douglas Adams… c’est très varié !

J’ai toujours un peu de mal à identifier les genres que je préfère lire. Je ne choisis pas mes livres en fonction, à l’exception de la fantasy, que je ne lis presque pas. Parmi mes livres préférés, il y a Le Cirque des Rêves (Erin Morgenstern), Âmes perdues (Poppy Z. Brite), la série du Tombeau Scellé (Tamsin Muir), Journal d’un marchand de rêves (Anthelme Hauchecorne), Les Enfants de Noé (Jean Joubert), Simetière (Stephen King), La trilogie Dernier meurtre avant la fin du monde (Ben H. Winters)… Encore une fois, c’est assez éclectique ! Mon livre préféré du monde entier, mon doudou à moi, c’est La Mer sans étoiles d’Erin Morgenstern.

Et alors oui, malheureusement je ne suis pas présente en salon ou en festival, pour cause d’anxiété sociale et d’introversion. Je n’étais déjà pas très à l’aise avant, mais depuis le covid c’est très difficile pour moi de me rendre à des événements où il y a du bruit et des interactions sociales. C’est un point sur lequel je dois travailler :)