lundi 29 mars 2021

CÉLESTOPOL 1922 de Emmanuel Chastellière

 



Éditions L'Homme Sans Nom
416 pages
21,90





L'avis express de Célestopol 1922 de Emmanuel Chastellière


Treize nouvelles avec tant de fils rouges que le tout forme un roman plus que plaisant à découvrir. 
Coup de coeur bien évidemment !



L'AVIS DE DUP




Me voilà à nouveau aux prises avec les affres d'une chronique d'un recueil de nouvelles, exercice ô combien problématique pour moi, alors que j'ai adoré cette lecture. Je l'ai trouvé bien plus profonde et plus émouvante encore que le premier ouvrage baptisé Célestopol tout court qui était déjà un coup de coeur. Je vais prendre le parti de vous en parler comme d'un roman et non comme un recueil parce que c'est ainsi que je l'ai ressenti. Donc pas d'énumération, ni probablement de citation de titres de nouvelles.

Mais je voudrais en premier lieu insister sur le fait que ces deux volumes sont vraiment indépendants. Il n'est nullement besoin d'avoir lu le premier pour lire celui-ci. Car Emmanuel Chastellière a fait en sorte de nous faire découvrir à nouveau sa cité lunaire, nous baladant au gré de ses nouvelles dans tout ses quartiers, ses coins et ses recoins. Nous faisant découvrir son superbe opéra construit par Charles Garnier que le duc Nicolaï a su gentiment appâter et détourner de Paris (j'adore 😂). Nous faisant admirer ses merveilles architecturales en surface et sa misère en sous-sol, le tout baignant dans les brumes mordorées et mouvantes du fameux Sélénium. 

Nous sommes donc en 1922, sur la lune, sous la coupole qui abrite Célestopol, la cité du duc Nicolaï. Ce dernier qui n'est autre que le fils de Glorianna, impératrice de la Russie, tend de plus en plus à prendre son indépendance vis à vis de la mère patrie. Mais si la population de Célestopol est aujourd'hui cosmopolite, la majorité de ces plus anciennes familles sont russes et ont embarqué avec elles le folklore si riche de ce pays. Certains récits ancrent ainsi la cité lunaire dans une ambiance pleine de mystères qui nous ferait croire être de retour sur Terre, en plein coeur de la Russie. Liéchi, kot Baioun, drioma et autres polovdnitsas hantent ces pages. 

Et toujours cette ambiance steampunk avec ces automates que l'on rencontre très souvent. Qu'ils soient destinés au plaisir comme chez Hécate, qu'ils servent de nyanya (nounou) aux enfants de nantis, de domestiques à ces derniers, où même de bras droit au duc Nicolaï. Emmanuel Chastellière fait passer tellement d'humanité dans certains qu'ils deviennent des personnages à part entière et certains m'ont beaucoup émue. Ajax bien sûr, ou alors ces musiciens placés sur une grand place de Célestopol pour jouer ad vitam aeternam les mêmes ritournelles. Mais aussi ceux mis au rebut dans une déchetterie, parce que obsolètes, ou démodés, bref devenu inutiles... tout comme les humains miséreux parcourant ces mêmes déchetteries.

Ce que j'ai le plus adoré dans ce roman recueil ce sont les faits historiques réels qui se sont déroulés en 1922 et qui sont repris ici dans la trame, alors même que le contexte géopolitique et historique sur la terre de Emmanuel Chastellière est radicalement différent. Ainsi nous assistons à la visite à Célestopol de l'archiduc François-Ferdinand. Le duc Nicolaï organise les championnats du monde de patinage artistique, nous offrant la plus poignante des nouvelles. Mais aussi une autre nouvelle que j'ai adoré tournant autour de la découverte du tombeau du pharaon Toutânkhamon qui a réellement eu lieu en novembre 1922. L'auteur sait comment nous remuer les tripes ! 

Les personnages aussi ont une sacrée importance car, contrairement aux recueils de nouvelles classiques, beaucoup sont récurrents. Certains déjà croisés comme les deux singuliers mercenaires du duc Nicolaï : la petite et teigneuse Arnrún et Wojtek toujours piégé dans ce corps d'ours. Sans dire qu'ils sont approfondis car le mystère plane toujours sur eux, je m'y suis sacrément attachée. Les retrouver même comme second couteau dans une nouvelle me fait chaud au coeur alors imaginez quand ils en sont les personnages principaux ! Le duc Nicolaï aussi, que l'on croise bien plus souvent dans cet opus. L'énumération serait trop longue encore une fois, car même les anonymes croisés une seule fois, ont leur place, leur importance et sauront vous émouvoir, d'autres vous glacer d'effroi et d'autres encore soulever une antipathie certaine.

Les thèmes abordés via ce biais des nouvelles sont du coup divers et variés. La tension ouvrière, la lutte sociale due aux inégalités bien présentes également sur la lune, la création de gang de voyous appelé Cheyennes en parallèle aux Apaches apparus à Paris en 1900, le féminisme aussi ressort, carrément appuyé par la présence humble de Marie Curie au sein d'un petit club de lecture. Abordée aussi l'importance de la culture sous toutes ses formes : l'architecture, la peinture, la musique, etc, et bien sûr la lecture !

J'ai adoré cette lecture. Célestopol et Célestopol 1922 font partis des livres que j'aurai plaisir à relire un jour, et je peux affirmer que ce seront sûrement les seuls recueils de nouvelles de cette liste très courte. Je ne peux que vous conseiller de les découvrir, dans l'ordre que vous voulez ! 

Un dernier mot pour saluer le travail des éditions HSN sur ce livre avec de grands rabats qui cachent en fin d'ouvrage une superbe carte de Célestopol qui a bien failli m'échapper ! Emmanuel Chastellière a toujours les faveurs du grand Marc Simonetti qui offre à ce roman une illustration parfaite. Du bel ouvrage !


3 commentaires:

Emmanuel a dit…

Merci beaucoup de l'avoir pris comme un roman !

Regina Falange a dit…

J'ai découvert Célestopol avec le mois de Emmanuel de l'année dernière et c'était un beau voyage. Et ça donne envie d'y retourner. Même si je préfère les formats poches pour l'imaginaire (c'est psychologique, j'ai moins peur quand c'est petit de l'attaquer à du gros à l'intérieur)

Emmanuel a dit…

Mais non, mais non, il ne faut pas. ;)